La
première étape du débat sur l'école est franchie.
Les membres du Haut Conseil de l'évaluation
de l'école (HCEE) ont réussi, après plusieurs
heures de discussions, vendredi 17 octobre,
à s'entendre sur un avis très mesuré sur le
système éducatif. Ce texte -confidentiel -,
d'une douzaine de pages, devrait être rendu
public lundi 20 octobre. Il servira à
alimenter les travaux de la commission Thélot
chargée d'animer le "débat national
sur l'école". L'avis du HCEE - qui
est composé d'une trentaine de membres, dont
des syndicalistes et des personnalités qualifiées
- se dissocie très nettement du rapport préparatoire,
plutôt sévère, établi par quatre experts pour
nourrir ses travaux (Le Monde du 11 octobre).
Très critiques avec ce document, les membres
du Haut Conseil ont tenu à prendre leurs distances
avec un texte qui aurait pourtant été modifié,
à leur demande, depuis sa publication.
Selon
plusieurs sources, le HCEE insiste sur la nécessité
de maintenir un haut niveau de qualification,
un objectif souvent résumé par la formule :
80 % d'une classe d'âge au niveau du baccalauréat.
L'avis constate que le taux d'accès au bac a
connu une forte progression entre 1985
et 1995 et que cette croissance s'est interrompue
brutalement en 1996. Depuis, le taux reste stable
autour de 69 %, sans que l'institution
n'ait réussi à analyser les causes de cette
stagnation. Du fait notamment des besoins de
l'économie en emplois qualifiés, l'avis souligne
la nécessité de former un grand nombre de diplômés
de l'enseignement supérieur.
MAINTIEN
DU COLLÈGE UNIQUE
Le
Haut Conseil estime que, pour tenter de remplir
l'objectif des 80 %, le système scolaire
a eu tendance à orienter une partie des élèves
au lycée vers des baccalauréats dévalorisés,
comme la série STT (sciences et technologies
tertiaires). L'avis insiste sur le caractère
déraisonnable de cette évolution et demande
d'orienter les élèves vers des séries plus adaptées
aux besoins économiques.
L'instance
se prononce clairement en faveur du maintien
du "caractère unique du collège",
au sens où tous les élèves le fréquentent et
ne s'orientent qu'à son issue. "Point
fort du système éducatif", le collège
unique nécessite toutefois de voir défini le
"socle commun" des connaissances
qui doivent être acquises par tous.
La
transition entre la fin de l'école primaire
et le début du collège constitue un des points
délicats du système éducatif. Sur cet aspect,
les membres du Haut Conseil sont parvenus à
un compromis minimal par rapport au constat
des quatre experts qui insistaient sur les effets
négatifs de cette rupture. Ceux-ci préconisaient
notamment de diminuer le nombre d'enseignants
en sixième et en cinquième - ce que les membres
du Haut Conseil ont refusé. Très généralement,
l'avis suggère de procéder à des expérimentations
en fin d'école primaire et début de collège
pour rapprocher "les conditions de travail
et de vie des élèves". Le Haut Conseil
propose également de réfléchir à de nouvelles
pratiques pédagogiques dans les classes.
Contrairement
au rapport des experts, qui insistait sur la
responsabilité du primaire dans l'échec scolaire,
le HCEE estime que les causes des difficultés
vont de la fin de la maternelle jusqu'au début
du collège. Relevant que 10 à 15 % des
élèves sont en difficulté dans leur maîtrise
de la langue, il préconise d'expérimenter une
forte réduction des effectifs de la grande section
de maternelle au CE1. Il plaide pour un apprentissage
progressif de la lecture sur ces trois années
et pas uniquement en classe de CP.
Le
HCEE a choisi de ne pas développer les questions
de société qui agitent aujourd'hui l'école.
Considérant qu'il ne pouvait être exhaustif,
il a ainsi laissé de côté des sujets comme la
laïcité ou la violence scolaire.
Luc
Bronner et Martine Laronche