Nous,
personnes déléguées au Séminaire mondial sur l’éducation, représentant
des organisations éducatives et sociales de diverses régions du
monde, sommes profondément outrées par les conséquences injustes
et inhumaines des politiques néolibérales sur le développement
des nations et des personnes.
Nous
avons la conviction qu’un autre monde et une autre éducation sont
possibles et nécessaires. L’accès universel, le partage et l’échange
des savoirs au niveau mondial sont désormais des questions centrales.
Cela exige que le savoir soit reconnu comme un bien de l’humanité.
1.
Les inégalités que nous observons entre les nations et à l’intérieur
de chacune sont scandaleuses. La pauvreté et la misère se conjuguent
souvent au féminin, avec la couleur de la peau et l’origine ethnique.
Nous exigeons d’urgence des mesures concrètes afin d’éliminer
la pauvreté et la misère qui affligent des centaines de millions
d’enfants de par le monde. 250 millions d’entre eux doivent travailler
pour survivre. Et des millions d’enfants sont exploités, vivent dans la rue,
sont contraints à la prostitution, réduits à l’esclavage ou utilisés
comme enfants soldats.
2.
Nous constatons que, dans les pays du Sud, plus de cent millions
d’enfants, majoritairement des filles, n’ont accès à aucune éducation
scolaire. Neuf cents millions de personnes dans le monde,
soit près d’un adulte sur trois, vivent avec le fardeau de l’analphabétisme.
L’immense majorité n’a pas accès à l’enseignement secondaire et
encore moins à l’enseignement supérieur, pourtant nécessaires
au développement social.
La population autochtone n’a généralement pas accès à une
éducation qui respecte sa langue et sa culture.
3.
À notre grand regret, ni les politiques sociales et éducatives
ni les investissements ne sont à la hauteur des défis à relever
et des engagements pris ces dernières années par les gouvernements
lors des divers forums mondiaux ou régionaux. Dans de nombreux
pays, le développement de l’éducation stagne, les infrastructures
éducatives se dégradent, l’éducation se privatise. « Clients,
produits, concurrence, rendement » sont des mots qui inspirent
désormais un projet dangereux pour l’avenir de l’éducation publique.
4.
Nous tenons d’abord à exprimer notre opposition aux traités commerciaux
ou projets qui ne respectent pas les intérêts et la participation
des peuples, comme c’est le cas de la ZLEA. Nous réaffirmons avec
fermeté que l’éducation n’est pas une marchandise, que nous nous
opposons énergiquement à la commercialisation en cours de l’éducation
et à son inclusion, tout comme à celle de la culture, de la santé
et des services publics en général, dans les accords sur la libéralisation
du commerce des services.
5.
Nous avons la conviction qu’une autre éducation est nécessaire.
L’éducation est un droit social universel fondamental des personnes
et des peuples qui doit être assuré par un service public sous
responsabilité de l’État et financé par ce dernier. Ce droit comprend
non seulement la formation générale, mais également la formation
professionnelle ou technique.
6.
Nous revendiquons une éducation publique gratuite et de qualité
pour toutes et tous qui soit accessible tout au long de la vie.
Les gouvernements doivent, le plus rapidement possible, élargir
l’accès à l’éducation préscolaire et aux services à la petite
enfance (0 à 6 ans), offrir une éducation de base obligatoire
d’au moins neuf ans et mettre en œuvre des politiques visant à
réduire radicalement les inégalités face à l’éducation.
7.
Nous affirmons également la nécessité d’un enseignement supérieur
public doté d’un financement adéquat de la part de l’État, gratuit,
de qualité et plus largement accessible. Il doit être respectueux de la
liberté académique, de l’autonomie institutionnelle (sans concurrence
entre établissements) et garantir que la recherche soit au service
du développement de la société plutôt que soumise aux besoins
et impératifs des entreprises privées.
8.
Nous soutenons une vision de l’éducation des adultes garantissant
le droit à l’éducation publique pour l’ensemble de la population
adulte et favorisant la création de conditions égalitaires
d’une culture d’éducation tout au long de la vie. Nous revendiquons
une action concertée d’urgence pour éliminer l’analphabétisme.
Nous reconnaissons l’importance des activités d’éducation populaire
liées au secteur non marchand.
9.
Nous aspirons à une éducation qui forme des personnes libres et
critiques, des citoyennes et des citoyens actifs et engagés, respectueux
de la diversité humaine, de la démocratie et des droits humains,
ouverts sur le monde et préoccupés par l’avenir de la planète.
Nous aspirons également à une éducation qui développe l’accès
égalitaire à tous les niveaux d’enseignement, qui soit un instrument
de justice sociale et d’émancipation des personnes et des peuples,
qui assure la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes,
entre les personnes de tout origine et entre les générations.
10.
Nous affirmons également que les élèves handicapés ou en difficulté
d’adaptation ou d’apprentissage, les enfants travailleurs, les
enfants de la rue et les enfants victimes de la guerre doivent
avoir accès à des services particuliers permettant une intégration
adéquate au système éducatif. Nous demandons des actions concrètes
pour prévenir le SIDA et garantir un soutien complet aux personnes
vivant avec le VIH.
11.
Nous appuyons la lutte des nations autochtones et des peuples
indigènes qui revendiquent un contrôle de leurs institutions éducatives
afin d’assurer le respect et la promotion de leur langue, de leur
culture et de leur héritage. Nous exigeons qu’une attention particulière
soit apportée à l’éducation rurale et au respect de la culture
paysanne.
12.
Nous exigeons des établissements et des classes qui répondent
à des normes de santé et de sécurité qui garantissent la protection
du personnel et des élèves et qui offrent un accueil et un
équipement de qualité (bibliothèques, manuels scolaires, etc).
Nous affirmons qu’une utilisation efficace des nouvelles technologies
de l’information et de la communication à des fins éducatives
doit répondre aux besoins et aux priorités identifiés par la communauté
plutôt qu’aux intérêts marchands. Il faut développer un accès
universel aux NTIC et assurer la participation du personnel à
la conception des programmes de formation.
13.
Nous favorisons une gestion démocratique des institutions éducatives
fondée sur la participation du personnel, des élèves et de la
communauté, dans le cadre d’un service public d’éducation. Nous
considérons que les politiques éducatives doivent être l’objet
de larges débats démocratiques, qu’elles doivent être convenues
avec la participation des organisations syndicales de l’enseignement
et de la communauté et qu’elles doivent être soumises à un processus
d’évaluation continue.
14.
Nous exigeons le respect des droits humains et syndicaux, y compris
du droit à la négociation collective et du droit de grève. Nous
continuerons de lutter pour la professionnalisation du personnel
de l’éducation, pour une solide formation initiale et continue
de niveau supérieur, pour des recrutements adaptés aux besoins,
pour un salaire juste et pour une amélioration des conditions
de travail, conformément aux conventions et recommandations de
l’UNESCO et de l’OIT relatives à la condition des personnels.
15.
Nous exigeons la fin du travail des enfants et demandons en conséquence
aux gouvernements qu’ils fassent respecter l’ensemble des Déclarations,
Pactes et Conventions dont ils sont signataires, notamment la
Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant,
particulièrement en ce qui concerne la suppression du travail
des enfants. Ils doivent développer une politique de plein emploi,
une politique sociale, et de santé publique favorisant la scolarisation
des enfants.
16.
Afin d’assurer une éducation de qualité pour tous tout au long
de la vie, nous revendiquons un financement de l’éducation publique
de la part de l’État qui corresponde à 8% du produit intérieur
brut. Pour dégager les sommes nécessaires, nous demandons :
-
la fin des politiques d’ajustements structurels imposées par les
organisations financières internationales;
- une augmentation de l’aide internationale au développement,
sans conditions;
- l’adoption d’une taxe sur les transactions financières
et l’affectation des ressources ainsi récupérées aux priorités
sociales, notamment l’éducation et la santé; que ces fonds soient
investis, sous contrôle démocratique, en plans d’action concrets
pour réaliser l’éducation pour toutes et tous;
- l’annulation de la dette extérieure illégitime de nombreux
pays;
-
une réduction des dépenses militaires.
17.
Nous exigeons des gouvernements qu’ils se dotent immédiatement
d’un plan d’action triennal comprenant des objectifs et des échéanciers
précis en termes d’amélioration de l’accessibilité aux différents
niveaux d’éducation, de réduction des inégalités et de financement
équitable. Nous exigeons également qu’ils investissent dans divers
programmes à l’intention des enfants de 0 à 6 ans et de leurs
familles.
18.
Nous reconnaissons l’importance d’un renforcement de la solidarité
nationale et internationale en matière d’éducation et affirmons
notre volonté de collaborer avec toutes les organisations, toutes les
forces, toutes les personnes
qui agissent dans le sens de la présente Déclaration. Nous
nous engageons à :
- exiger, comme priorité de la part de l’État, un financement
adéquat et suffisant de l’éducation publique qui corresponde à
au moins 6% du PIB;
- promouvoir dans l’opinion publique la scolarisation des
enfants, filles et garçons à égalité;
- faire pression sur les États et gouvernements du Nord
pour que soit respecté leur engagement de consacrer au moins 0,7%
du PIB à l’aide au développement et à accroître la part consacrée
à l’éducation;
- encourager les décisions d’action de coopération et de
solidarité visant à renforcer les syndicats de l’éducation et
à renforcer les liens entre syndicats et mouvement associatif
autour de l’éducation, notamment avec le mouvement des femmes;
- faciliter une large participation de tous les acteurs
dans la définition et l’application des politiques éducatives;
- nous opposer à la mondialisation néolibérale et à la
financiarisation du monde;
- poursuivre le travail engagé sous des formes appropriées
dans chaque pays.
19.
Nous continuerons à participer aux campagnes existantes visant
à :
-
mettre fin au travail des enfants;
-
atteindre les objectifs fixés par la Campagne mondiale pour une
éducation publique gratuite de qualité pour toutes et tous;
-
renforcer les mobilisations, dans le cadre de l’appel
du Forum Social Mondial, et plus particulièrement contre l’AGCS,
la ZLEA, l’offensive de l’OMC et pour l’annulation de la dette
extérieure;
-
empêcher la privatisation et la commercialisation de l’éducation
et des autres services fondamentaux.