OMC, AGCS. 

En France et en Europe,
nos services publics ne sont pas à vendre !

Collectif AGCS /Services publics

 


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OMC, AGCS. En France et en Europe, nos services publics ne sont pas à vendre !

Par Collectif AGCS /Services publics

Rassemblons-nous pour construire des services publics démocratiques, efficaces et solidaires.

Note :

- OMC : Organisation mondiale du commerce

- AGCS : Accord général sur le commerce des services

POURQUOI CET APPEL ?

Les services publics - eau, assainissement, collecte et traitement des déchets, électricité, transports, gaz, services de santé, d'éducation, services de proximité (aides à la personne, crèches ...), sécurité, télécom, poste... - sont un élément indispensable de la garantie des droits fondamentaux de la personne et des outils de cohésion économique sociale et territoriale. Parce qu'ils sont indispensables au bien-être des habitants et selon leur mode d'organisation, ils peuvent aussi être source de profits considérables, les sommes enjeu sont colossales.

Le rôle des autorités publiques à tous les niveaux territoriaux pour leur définition et leur mode d'organisation est essentiel. Les services publics sont des biens et des services que la société estime devoir faire échapper aux strictes règles du marché, car personne ne doit en être exclu. Ils reposent sur les principes de solidarité et de mutualisation des biens et des ressources. L'égalité d'accès, leur capacité d'adaptation, la continuité du service, et aujourd'hui, le principe de précaution en forment le socle fondamental. Ils représentent bien des enjeux de société, objets de luttes, ils sont aussi le résultat d'un rapport de force sociale et politique à un moment donné d'une société. 

Les libéralisations des services publics par les gouvernements depuis 20 ans, dans un contexte d'évolution technologique plus ou moins importante suivant les secteurs, de financiarisation et de globalisation des économies, les livrent aux forces du marché, remettant en cause leur objet même et les régulations qui les encadrent. Or il y a urgence, le processus de libéralisation se poursuit dans les services de réseau. Les services de santé et d'éducation ne sont pas en dehors de ce processus. Les politiques menées sont le résultat de décisions prises par les gouvernements au sein des instances européennes et internationales. Une nouvelle étape importante s'ouvre avec les négociations sur l'Accord Général sur les Services (AGCS), dans le cadre de l'OMC et c'est la Commission européenne qui va négocier pour l'ensemble des pays de l'Union européenne.

Pour tous ceux qui n'acceptent pas la domination de l'argent et veulent un monde plus solidaire et plus fraternel, éviter de nouvelles étapes de libéralisation, refonder le service public, redéfinir un nouveau cadre réglementaire pour des services d'intérêt général en Europe vont être des tâches prioritaires. Aujourd'hui, face aux forces néo-libérales et aux intérêts des grands groupes financiers qui veulent accélérer la libéralisation pour s'ouvrir de nouveaux marchés, la dispersion des forces associatives et syndicales ne permet ni d'appréhender correctement le sujet, ni de faire des propositions suffisantes, ni de créer le rapport de force pour les imposer.

Les services publics, à quoi ça sert ?

On entend par services publics, la fourniture de biens et services essentiels à la vie quotidienne et à l'exercice de droits fondamentaux de la personne. Ces services peuvent être rendus soit par la puissance publique directement (administration de l'Etat et des collectivités locales), soit par des entreprises : publiques (La Poste, SNCF...), privées ou mixtes. Les missions de service public sont définies par le législateur et chaque niveau territorial approprié (Etat, communes, départements et régions) détermine la façon (type d'entreprise, mise en ouvre des missions) dont sera fourni le service ou le bien. Ces services publics garantissent l'exercice de droits fondamentaux par la garantie d'accès à certains biens et services (énergie, soins, communication, transport, éducation, santé.), en tous points du territoire, sans discrimination et de manière égale pour tous. Les services publics contribuent à la cohésion économique, sociale et territoriale. Ils permettent de soustraire à la quête du profit des biens et services jugés essentiels. Certains relèvent du secteur marchand, (électricité, etc), d'autres manifestement non (état civil, etc.). Entre les deux, toutes les nuances existent. Il est difficile d'établir a priori une liste définitive de tous les services publics devant être considérés comme non économiques. De même, les services publics sont un moyen que peut se donner la puissance publique pour réguler le marché, conduire des politiques publiques (politique énergétique, protection de l'environnement.) et concourir au développement économique et social. L'existence de services publics se retrouve dans tous les pays de l'Union Européenne sous des formes et des appellations différentes. Mais leurs finalités sont identiques et les instances européennes les ont reconnus comme "valeurs communes" de l'Union européenne. De même qu'ils ont contribué à la cohésion économique, sociale et territoriale des divers Etats membres de l'Union Européenne et au sentiment d'appartenance à une identité nationale, les services publics doivent être le moyen de construire une Europe qui ne soit pas qu'une zone de libre-échange et de faire émerger une citoyenneté européenne, située entre la nation et le monde. De plus, sans l'existence de services publics, il n'est nulle démocratie possible. Depuis quelques années, le modèle français de services publics est remis en cause par la construction européenne et par les négociations internationales, notamment l'Accord général sur le commerce des services (AGCS).

Des services publics au niveau européen ?

Dans tous les Etats membres de l'Union européenne on trouve des services publics, ou services d'intérêt général, et les secteurs couverts sont les mêmes : eau, énergie, poste, transports, etc. Par delà la diversité des modèles nationaux (en France, une seule entreprise publique pour gérer l'énergie EDF, en Allemagne environ 1000 entreprises au niveau local et régional), ils relèvent tous d'autres règles que les lois générales de la concurrence. Le traité d'Amsterdam les a reconnus comme "valeurs communes" de l'Union (article 16). Partout ils sont fondés sur des solidarités géographiques et intergénérationnelle et jouent un rôle essentiel dans la cohésion sociale économique et territoriale. Ils représentent une partie du modèle social européen. Il est donc nécessaire d'avoir des services d'intérêt général, partout et pour tous, y compris au niveau européen. Au niveau européen, on peut penser au fret ferroviaire, à un système de guidage par satellite (Galileo) pour que l'Europe soit indépendante du GPS américain, à la sécurité maritime, alimentaire, au contrôle aérien. Pourquoi n'existerait-il pas un tarif unique européen du timbre poste qui permettrait de ne pas défavoriser les régions périphériques ou à la géographie difficile ?

L'AGCS, une logique infernale !

L'AGCS fait partie des Accords instituant l'organisation mondiale du commerce (OMC) conclus en 1994. C'est un accord-cadre qui prétend définir les principes généraux devant régir les négociations commerciales en matière de services. Son objectif est d'atteindre progressivement le niveau le plus haut de libéralisation de l'ensemble des services, sans définir lui-même quels secteurs de services devant être soumis à la libéralisation : ce sont les Etats qui s'engagent à ce sujet. Mais où sont les services publics ?

Pour parvenir à couvrir l'ensemble des services, deux moyens sont utilisés. D'une part, l'accord donne des services une définition extrêmement large : il concerne tous les services de tous les secteurs sauf ceux fournis dans l'exercice du pouvoir gouvernemental, c'est à dire qui ne sont pas fournis sur une base commerciale, ni en concurrence avec un ou plusieurs fournisseurs de services. En France, très peu de services échappent à cette définition ! D'autre part, les services y sont définis à travers la distinction de formes d'échange international de services appelées " modes de fourniture ". 

Mode 1, la prestation transfrontière : le service passe la frontière, en partant d'un pays pour être consommé dans un autre (diffusion d'un programme de télévision par satellite) ;

Mode 2, la consommation à l'étranger: le consommateur passe la frontière (le touriste qui se rend dans un hôtel à l'étranger) ;

Mode 3, l'établissement : le fournisseur passe juridiquement la frontière pour venir investir et s'implanter dans un pays étranger (succursale de banque) ;

Mode 4, le mouvement temporaire de personnes physiques : le fournisseur du service passe la frontière mais cette fois sous forme d'un déplacement physique de personnes, pour une période limitée. Ces distinctions permettent de couvrir tous les secteurs de services, à l'exception de l'armée et de la justice. Aucune référence n'est faite au service public ou d'intérêt général, leur spécificité n'est pas reconnue ni mentionnée.

Ne pas se tromper sur les règles du jeu

On retrouve dans l'AGCS les grandes " règles du jeu " du commerce international, de non-discrimination. La clause de la nation la plus favorisée (NPF) stipule qu'un avantage consenti à un membre peut etre exigé par tout autre membre. Elle s'applique à tous les secteurs de services. La clause du traitement national implique qu'un avantage, une aide ou une subvention accordées aux fournisseurs de services d'un pays le soient à tous les fournisseurs étrangers. L'accès aux marchés énumère précisément quelles limitations de personnel ou de participation au capital, en examen des besoins économiques, en nombre d'opérations de services ou en quantité totale de services produits... Ces deux dernières clauses ne s'appliquent qu'aux secteurs engagés par les membres.

Des engagements volontaires... sans retour !

Les Etats-membres déterminent quels secteurs peuvent être libéralisés. Cette " ouverture au marché " est réalisée à partir de concessions qu'ils s'accordent réciproquement. Elles doivent être clairement mentionnées pour être intégrées à l'accord, elles portent sur l'accès au marché et le traitement national et sont présentées selon les différents modes de fourniture. Par exemple, l'Union européenne a présenté l'éducation à la libéralisation : les secteurs primaire, secondaire et supérieur selon les modes 1, 2 et 3 avec condition de nationalité pour le mode 1; le secteur d'enseignement pour adultes selon les modes 1, 2 et 3 sans restriction. Autre exemple, une soixantaine de membres ont souscrit des engagements additionnels à l'accord sur les télécommunications de base conclu en 1997, établissant les conditions dans lesquelles s'opère la libéralisation du secteur -autorité de régulation indépendante, grille tarifaire transparente et non discriminatoire pour l'accès au réseau, etc. Chaque exception ou restriction doit être réexaminé en principe tous les cinq ans, des exceptions à la NPF devant durer dix ans maximum. Ainsi, la fameuse " exception culturelle " française, relative à l'audiovisuel, devrait être renégociée, selon les termes de l'accord. Ce réexamen implique évidemment que les Etats membres fassent des " efforts " afin de parvenir à une libéralisation complète. De plus, c'est l'OMC qui détermine, au moment des révisions, si les conditions qui justifiaient les restrictions sont toujours valables ! Pour les services comme dans les autres secteurs, l'Organisation mondiale du commerce édicte les règles, contrôle les Etats, juge les litiges et impose les sanctions... Là où l'AGCS passe, les services publics trépassent !

Comment ne jamais avoir tort ?

Enfin, l'AGCS ne laisse rien au hasard. Les subventions " peuvent créer de la distorsion à la concurrence " et, le cas échéant, doivent donc être supprimées. De la même manière, les lois et règlements ne doivent en aucun cas entraver la concurrence. Un groupe de travail est chargé d'examiner la réglementation intérieure des pays membres pour déterminer si une législation est " plus rigoureuse qu'il n'est nécessaire pour assurer la qualité du service ". Cette nécessité n'étant définie nulle part, c'est l'OMC qui doit trancher, sur la base de sa propre appréciation non soumise à la contradiction.

Enfin l'article XXIII-3, dénommé " plainte en cas de non violation ", permet à un opérateur de services qui s'estime lésé par une réglementation pourtant conforme aux règles de l'AGCS, de porter plainte et d'obtenir des compensations ou le retrait de la réglementation... En dernier recours, c'est l'Organe de règlement des différends (ORD) de l'OMC, tribunal interne opaque, sans contradiction et qui ne rend de compte à personne, qui jugera de la validité des réglementations en question...

OMC : Doha ignore les services publics

La cinquième conférence ministérielle de l'OMC s'est tenue à Doha (Qatar) du 9 au 14 décembre 2001, deux ans après l'échec du sommet de Seattle. Elle a abouti après un long bras de fer entre les différents négociateurs, à une déclaration finale censée lancer un " cycle du développement ". Un développement sans les services publics !

En effet, la déclaration a validé la poursuite des négociations telles qu'elles se sont menées à Genève depuis 1994. L'accord n'a pas été modifié pour reconnaître les services publics, ni exclure de ses principes les " biens communs de l'humanité ". Ce résultat ne peut servir de compromis : la poursuite des négociations à Genève devra pouvoir faire admettre la reconnaissance des services publics. L'Union européenne, qui négocie pour les Etats membres, doit consolider les services d'intérêt général et les faire admettre à l'OMC. C'est la condition d'un véritable développement, entendu comme "processus d'expansion des libertés réelles dont jouissent les individus", selon le prix Nobel d'économie Amyarta Sen.

Quelles propositions ?

Au niveau de l'OMC et des organismes mondiaux

Les services publics (ou services d'intérêt général) doivent être reconnus comme un moyen pour toute personne d'exercer ses droits fondamentaux. Par conséquent, ils ne peuvent être soumis à la recherche du profit et l'objet de marchandage. L'OMC et les institutions financières internationales (FMI, Banque mondiale...) doivent être soumises au respect de la Déclaration universelle des droits de l'homme et intégrées dans le système des Nations unies. Les services publics peuvent faire l'objet d'échanges, entre collectivités publiques de différents niveaux territoriaux et institutionnels. Ces échanges peuvent faire l'objet de compensations financières. Les conditions de ces échanges doivent être débattues non seulement par les Etats, mais également par les citoyens et résidents et leurs organisations afin qu'ils ne soient pas dépossédés des garanties que les services publics doivent fournir pour la bonne jouissance de leurs droits fondamentaux. Certains biens essentiels pour la vie tels que l'eau, l'air... doivent être déclarés biens publics au niveau international (" ou biens communs de l'humanité ") et gérés comme tels sous le contrôle des institutions internationales et d'organisations représentatives des citoyens (ONG...)

Au niveau européen

Il convient de clarifier le mandat de l'Union européenne qui négocie pour l'ensemble des États membres. Ce mandat doit s'appuyer sur une conception claire de service d'intérêt général (ou service public) européen. Celle-ci doit s'appuyer sur les principes suivants :

- égalité d'accès pour tous les résidents européens sur tout le territoire,

- continuité des services,

- adaptation afin de prendre en compte les évolutions des besoins des populations,

- transparence dans la définition des objectifs et des missions de services publics et de leur gestion,

- évaluation pluraliste, publique et contradictoire avec possibilité de pluralité d'expertise.

Il nous revient de faire vivre cette campagne

Ces propositions sont de nature à permettre la construction d'une société plus juste, plus solidaire, plus ouverte aux besoins d'un développement durable. Elles portent en elles un élargissement de la démocratie. De fait, il est inconcevable que l'avenir, le fonctionnement d'entreprises et d'activités vitales à la communauté puissent se décider en dehors de leurs salarié(e)s, des citoyens, des usagers. Il est urgent de les mettre en débat, il est possible des les faire aboutir. C'est pourquoi nous en appelons à toutes celles, tous ceux qui prennent à cour ces questions, aux associations, aux organisations syndicales, élus locaux, nationaux et européens. Ensemble, il nous revient de faire vivre cette campagne dans les rendez-vous citoyens à venir, dans les débats électoraux et post électoraux, dans les mobilisations sociales d'ores et déjà en préparation, dans les grands rendez-vous internationaux, enfin. Car nos choix de solidarité font écho aux engagements de celles et ceux qui, partout dans le monde, travaillent à construire des alternatives démocratiques aux politiques libérales.

Collectif AGCS /Services publics Membres du Collectif : Association pour la démocratie et l'éducation locale et sociale, AILES, AITEC, ATTAC, CGT, Confédération syndicale des familles, Droit-Solidarité (AIJD), Emmaüs International, FAADDHED, FAFRAD, Fédération CGT des services publics, Fédération AEFTI, Femmes de la Terre, Feyka-Kurdistan, Forum des migrants de l'Union européenne, France Libertés, FSU, GAS (Groupe d'Accueil et Solidarité), Groupe d'Appui France, Ligue des droits de l'homme, LASAIRE, Marches européennes contre le chômage, Nouveaux Droits de l'Homme, Pour des Services Publics, Réseaux Services Publics, SNUI SUD PTT

Contact pour cet article : Réseau Services Publics/AITEC - 21 ter, rue Voltaire 75011 Paris Tél. : 01 43 71 22 22 Fax : 01 44 64 74 55 Courriel : aitec@globenet.org