Revue de presse

Manifestation

contre la guerre en Irak

Samedi 15 février 2003


Page précédente

Imprimer cette page
(ou allez dans "Fichier" puis "Imprimer")

Irak: près de 10 millions de personnes ont manifesté contre la guerre



Quelque dix millions de personnes se sont mobilisées samedi pour manifester contre la guerre en Irak, principalement en Europe où de véritables marées humaines ont déferlé dans les rues de Rome, Madrid et Londres pour dire non au président George W. Bush.

En Espagne, en Italie et en Grande-Bretagne, trois alliés de Washington dans la crise irakienne où l'opinion publique ne partage pas la position adoptée par leur gouvernement, la mobilisation a battu tous les records et donné lieu à des rassemblements humains parmi les plus importants de l'après-guerre.

Plus de cinq millions d'Espagnols, selon les organisateurs, trois millions selon la police, ont défilé dans les principales villes du pays.

A Madrid, la manifestation a dépassé toutes les prévisions avec deux millions de personnes, selon le parti socialiste, qui avait appelé à manifester, alors que la préfecture estimait ce chiffre à 600.000. Les rues du centre-ville étaient noires de monde sur plusieurs kilomètres. Les slogans les plus fréquents étaient "Non à la Guerre" ou "Arrêtons la guerre".

Ironie du parcours, les manifestants passaient devant une immense affiche de plus de 20 mètres de haut proposant aux jeunes Espagnols de s'engager dans l'armée espagnole. Un manifestant avait écrit sur sa pancarte "Non à Azwar", jeu de mot avec le nom du président du gouvernement espagnol José Maria Aznar, signataire de la lettre des "Huit", et le mot "War".

A Barcelone, 1,3 million de personnes, selon la mairie et 1,5 million selon les organisateurs, ont envahi le centre-ville. Plus que le 11 septembre 1976, lors de la première célébration démocratique de la fête nationale catalane, après 40 ans de dictature franquiste. Environ 500.000 personnes étaient mobilisées à Valence, 250.000 à Séville, 200.000 à Bilbao.

Pas moins de trois millions de personnes ont participé à Rome à une marche contre la guerre en Irak, d'après les organisateurs. La police parle elle de 650.000 personnes massées en fin de journée devant la basilique Saint-Jean de Latran, terme de la marche pour la paix, mais de très nombreux participants n'ont pu accéder à la place, noire de monde, selon la préfecture de police.

A Rome, le cortège, parti peu avant midi, s'étendait sur près de dix kilomètres et les images prises d'hélicoptère ont montré une marée humaine aux couleurs de l'arc-en-ciel, celles de la bannière frappée du mot "Pace" (paix en italien) portée comme une cape par les marcheurs.

Dans la plus importante manifestation jamais vue à Londres, ils étaient 750.000 selon la police, tandis que les organisateurs revendiquaient plus de deux millions de participants.

Les manifestations contre la "Poll Tax" (impôts locaux) avaient rassemblé 350.000 personnes en mars 1990 et celle contre la guerre du Vietnam 400.000 personnes dans les années 1970, a précisé Scotland Yard.

Arrivés à Londres par trains entiers, en autocars ou à pied, sifflets à la bouche et brandissant une forêt de pancartes "N'attaquez pas l'Irak", des manifestants de tous âges, en famille ou entre amis, ont défilé pour demander aux Etats-Unis et au Premier ministre Tony Blair de ne pas déclencher une guerre.

Glasgow, en Ecosse, avec au moins 80.000 personnes dans la rue, selon les organisateurs, a aussi connu la plus importante manifestation depuis celle contre la Poll Tax, tandis que Belfast résonnait des cris de dizaines de milliers de personnes.

En Irlande, un autre rassemblement record comptait environ 100.000 personnes.

En Allemagne, environ 500.000 personnes, selon la police et les organisateurs, ont participé à Berlin à une marche contre la guerre, soit là encore l'une des plus importantes manifestations de l'après-guerre.

En revanche, en France, pays pourtant en pointe du combat diplomatique pour éviter la guerre en Irak, la mobilisation n'a pas, semble-t-il, été au rendez-vous. La France est apparue plutôt en retrait par rapport à ses voisins européens.

Selon les organisateurs, le nombre total de manifestants en France a atteint un demi-million de personnes dans quelque 72 villes, dont 250.000 à Paris. Toutefois, selon la police, la mobilisation n'a atteint que 100.000 personnes dans la capitale.

Dans le reste de l'Europe, ces manifestations contre une nouvelle guerre du Golfe ont rassemblé au total plusieurs centaines de milliers de personnes, de Bruxelles à Stockholm, Varsovie, Moscou, Budapest ou encore Athènes, où la mobilisation a souvent battu des records.

Partout les slogans ont réclamé la paix et demandé aux Etats-Unis de renoncer à cette "guerre pour le pétrole".

La mobilisation avait commencé en Australie. Quelque 100.000 personnes ont défilé dès vendredi dans les rues de Melbourne, paralysant la grande métropole australienne.

Au Japon, quelque 25.000 manifestants avaient défilé dès vendredi soir dans le centre de Tokyo. Des milliers de personnes se sont également rassemblées en Corée du Sud, en Thaïlande, en Malaisie et en Indonésie.

Des manifestations ont également eu lieu samedi au Proche et au Moyen-Orient. Notamment à Damas, où plus de 200.000 Syriens, un million selon des chiffres officiels, ont dit "non" à la guerre contre leurs voisins irakiens.

Quelque 3.000 manifestants juifs et arabes se sont rassemblés samedi soir dans le centre de Tel-Aviv. Les manifestants scandaient: "Israéliens et Palestiniens contre la guerre en Irak" et brandissaient des pancartes avec l'inscription "Pas de sang contre du pétrole".

A Bagdad, des défilés de plusieurs kilomètres, selon des estimations de journalistes, ont rassemblé samedi des manifestants en armes opposés à une éventuelle guerre américaine contre l'Irak.

Des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées samedi matin à Manhattan, près du bâtiment des Nations unies, pour manifester leur opposition à la guerre.

En Amérique latine, des dizaines de milliers de personnes ont défilé dans plusieurs capitales, dont plus de 50.000 à Montevideo, selon les organisateurs.

 

Des centaines de milliers de manifestants en France



Plusieurs centaines de milliers de personnes ont manifesté samedi un peu partout en France pour dire "non à la guerre" contre l'Irak au lendemain de la réunion du Conseil de sécurité de l'ONU où les Etats-Unis sont apparus en minorité.

Selon la coordination de l'Appel "Non à la guerre contre l'Irak, oui à un monde de justice, de paix et de démocratie", le nombre total de manifestants a atteint un demi-million de personnes dans quelque 72 villes en France, dont 250.000 à Paris (100.000 selon la police).

En tête du défilé parisien se trouvaient des pacifistes américains et des vétérans français de la guerre du Golfe, appartenant à l'association Avigolfe qui milite pour la reconnaissance de maladies liées aux guerres du Golfe et des Balkans.

Le défilé était si long qu'à 17h15, plus de trois heures après le départ de la place Denfert-Rochereau, les derniers manifestants venaient tout juste de s'ébranler.

La gauche, l'extrême gauche et les Verts étaient présents en force et plusieurs personnalités socialistes étaient du cortège. Etaient aussi présents Alain Krivine (LCR), Marie-George Buffet (PCF), Gilles Lemaire, Noël Mamère, Yves Contassot et Yves Cochet pour les Verts. José Bové (confédération paysanne), Jean-Pierre Chevènement (MRC) et Arlette Laguiller (LO) étaient également dans les rangs.

Le Premier secrétaire du PS François Hollande, les anciens Premier ministre Laurent Fabius et Pierre Mauroy conduisaient la délégation socialiste. Un bon nombre d'autres personnalités de gauche s'étaient déplacées, comme Henri Emmanuelli, Claude Estier, Jean-Marc Ayrault, Elisabeth Guigou et Martine Aubry.

"La mobilisation considérable dans toutes les grandes villes du monde peut être un message fort à l'égard de l'administration américaine pour faire comprendre que les peuples ne veulent pas une guerre de cette manière et en ce moment", a déclaré François Hollande.

A Lyon, près de 10.000 personnes, selon la police, 20.000 personnes selon les organisateurs, ont manifesté, élus locaux en tête. Beaucoup de manifestants portaient un carré de papier où était simplement inscrit "Non".

A Rennes, 4.000 personnes (police), plus de 5.000 (organisateurs), ont défilé aux cris de "Solidaires contre Bush et Blair, solidaires contre la guerre" et "Veto dans la rue, Veto à l'ONU".

En Bretagne, d'autres manifestations étaient organisés comme à Lorient (2.500 selon la police, entre 3 et 4.000 selon les organisateurs), Nantes (entre 4.et 5.000 manifestants selon la police, 5 à 6.000 selon les journalistes), Brest (quelque 3.000 personnes selon la police, 3.500 selon les organisateurs). A Tours, ils étaient environ 3.500 selon la police, 500 à Angers selon la police, environ 550 à Laval et 700 A Rouen.

Dans le sud-ouest, les manifs ont réuni entre 8 et 10.000 personnes (police et organisateurs) à Toulouse, 900 à Tarbes, 800 à Montauban, 600 à Auch et 600 à Cahors, une centaine à Foix , 300 à Carcassonne (Aude). A Angoulême, environ 700 personnes se sont réunis alors que Bordeaux rassemblait selon la police environ 11.000 personnes, dont certaines défilaient avec une colombe de la paix en papier accrochée au revers de leur veste.

A Strasbourg, 5.500 personnes, selon la police, ont manifesté au rythme de slogans disant "Chirac, ton veto sur l'Irak. Bush, Blair, non à la guerre".

Dans le sud, Marseille a rassemblé 8.500 selon la police, le double selon les organisateurs, Nice 6.000 selon la police et 10.000 selon les organisateurs, Montpellier 10.000 selon la police, Nîmes 2.500 (police), 5.000 (organisateurs) et Avignon 3.200 selon la police.

Les enfants n'ont pas été oubliés comme à Marseille où Lea, Juliette et Thimotée tenaient une banderole demandant "La paix pour les enfants d'Irak".

Selon un sondage Ifop à paraître dans le Journal du dimanche, 4 Français sur cinq (81%) se déclarent favorables à ce que la France oppose son droit de veto à une intervention militaire des Etats-Unis et de leurs alliés en Irak.

En revanche, 15% d'entre eux y sont opposés. 4% ne se prononcent pas.

Le sondage a été réalisé du 13 au 14 février auprès d'un échantillon de 974 personnes, par téléphone et selon la méthode des quotas.

 

Manifestation historique des Britanniques



Dans la plus importante manifestation jamais vue à Londres, entre 750.000 et deux millions de personnes ont manifesté pour dire "non" à une guerre contre l'Irak, que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne n'écartent toujours pas.

La police a affirmé que les manifestants étaient au moins 750.000 samedi, tandis que les organisateurs revendiquaient plus de deux millions de participants, du jamais vu chez les Britanniques peu enclins à défiler dans les rues.

Les manifestations contre la "Poll Tax" (impôts locaux) avaient rassemblé 350.000 personnes en mars 1990 et celle contre la guerre du Vietnam 400.000 personnes dans les années 1970, a précisé à l'AFP une porte-parole de Scotland Yard.

Glasgow, en Ecosse, avec au moins 80.000 personnes dans la rue, selon les organisateurs, a aussi connu la plus importante manifestation depuis celle contre la Poll Tax, tandis que Belfast résonnait des cris de dizaines de milliers de personnes. Dans l'Irlande voisine, un rassemblement record comptait environ 100.000 personnes.

Ces manifestations, qui se sont déroulées dans le calme, constituent par leur ampleur, un revers pour Tony Blair qui a tenté d'expliquer, samedi encore, à Glasgow, devant le congrès du parti travailliste, la menace que représente, selon lui, le président irakien Saddam Hussein.

"Je ne recherche pas l'impopularité comme un gage d'honneur. Mais parfois c'est le prix à payer pour le pouvoir et le prix des convictions", a-t-il plaidé.

Les protestataires, venus de tous horizons en famille ou entre amis, sifflet à la bouche, ne semblaient manifestement pas convaincus, reprochant à Tony Blair et au président américain George W. Bush de ne pas écouter la voix de la paix.

"Ou Tony Blair nous écoute, ou on va s'en débarrasser", a lancé Graham Hill, 37 ans, une fausse bombe en plastique éclatée sur la tête.

"Si nous ne nous dressons pas pour dire non au président américain George Bush, il croit qu'il peut faire ce qu'il veut", a résumé un autre manifestant, Nick Lobniz.

Etant donné le rapport des inspecteurs, "il n'y a pas de raison juste ou morale pour la guerre en Irak", a tranché le chef du Parti libéral-démocrate Charles Kennedy, deuxième parti d'opposition britannique.

"C'est le moment le plus risqué pour la Grande-Bretagne depuis (la crise) de Suez" en 1956, a-t-il ajouté.

"Il n'est pas trop tard pour arrêter une guerre", a lancé le révérend américain Jesse Jackson acclamé par la foule immense massée dans Hyde Park. Et s'adressant à Tony Blair, il a ajouté: "S'il vous plaît, éloignez-vous d'un pas de la guerre".

Le maire de Londres Ken Livingstone a fustigé M. Bush, "qui n'est certainement pas un exemple car il utilise la peine de mort avec un parfait dédain pour le respect de la vie humaine".

Très en verve, le dramaturge britannique Harold Pinter a dénoncé la "barbarie américaine qui détruit le monde". "C'est un pays dirigé par une bande de criminels (..) avec Tony Blair comme homme de main", a-t-il asséné.

Cette démonstration pacifiste, la plus importante en Europe après celle de Rome - où plus de 650.000 personnes ont défilé- a une valeur de symbole dans un pays, allié indéfectible de Washington depuis le début de la crise irakienne, qui accuse Bagdad de cacher et de développer des armes de destruction massive.

Elle intervient au moment où les mesures de sécurité ont été lourdement renforcées à Londres, les autorités affirmant craindre des attentats.

 

La perspective d'un vote prochain de l'Onu sur la guerre s'éloigne



La perspective d'un vote prochain du Conseil de sécurité de l'Onu sur un éventuel recours à la force contre l'Irak s'est éloignée alors qu'une majorité de pays s'est prononcée vendredi pour la poursuite des inspections.

Selon un diplomate de haut rang s'exprimant sous couvert de l'anonymat, le camp des pays opposés à la guerre devrait sortir encore renforcé de la séance publique du Conseil de sécurité prévue mardi.

Ce débat public donne la possibilité à tous les Etats membres de l'Onu de s'exprimer, mais il n'est pas suivi de vote, les décisions du Conseil de sécurité étant élaborées dans le secret du huis clos par ses 15 membres.

La séance historique du Conseil de sécurité vendredi en présence de dix ministres des Affaires étrangères, dont ceux des cinq membres permanents disposant d'un droit de veto, a montré l'isolement actuel des Etats-Unis, qui multipliaient ces derniers jours les signes d'impatience et affirmaient que "le temps de la diplomatie était passé".

Le Premier ministre britannique Tony Blair, principal allié du président américain George W. Bush, s'est d'ailleurs plié samedi à Glascow (Ecosse) aux voeux de la majorité du Conseil d'accorder plus de temps aux inspecteurs de l'Onu.

"Le (chef des inspecteurs Hans) Blix a rendu son rapport hier et il y aura plus de temps donné aux inspections. M. Blix fera un nouveau rapport le 28 février", a convenu M. Blair, tout en mettant en doute le bien-fondé de cette décision internationale.

Les chefs des inspecteurs en désarmement doivent présenter un rapport d'étape au Conseil tous les 15 jours. Le prochain devrait donc tomber le 28 février, le 1er mars tombant un samedi. Tony Blair a ainsi lui-même mentionné samedi cette date du 28 février.

La prise de conscience de l'isolement américain et britannique, selon des sources diplomatiques, a contraint vendredi les Etats-Unis et la Grande-Bretagne à renoncer à déposer le projet de résolution ouvrant la voie à une opération militaire qu'ils avaient préparé.

Un haut diplomate interrogé sur le fait de savoir quand Washington et Londres présenteraient une nouvelle résolution a répondu: "Nous prenons nos décisions au jour le jour". Mais il a noté que le sommet de l'Union européenne lundi à Bruxelles constituerait une bonne occasion pour des consultations.

Après le dernier rapport des chefs des inspecteurs Hans Blix et Mohamed ElBaradei, une majorité des pays membres du Conseil de sécurité ont emboité le pas à la position de la France et de l'Allemagne qui souhaitent donner plus de temps aux inspections.

Même si elles peuvent encore être améliorées, ces inspections, estiment ces pays opposés à une intervention militaire à court terme contre l'Irak, peuvent remplir leur but, le désarmement de l'Irak comme le stipule la résolution 1441 du 8 novembre du Conseil de sécurité.

C'est le point de vue qu'a martelé le ministre français des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, qui a affirmé, dans une allocution exceptionnellement saluée par les applaudissements nourris des diplomates, que "l'usage de la force ne se justifiait pas aujourd'hui".

Le ministre français a donné rendez-vous à ses collègues pour le 14 mars prochain afin de faire un nouveau point sur les inspections mais, selon un diplomate ayant suivi les débats à huis clos vendredi, Colin Powell, le secrétaire d'Etat américain, et Ana Palacio, ministre espagnole des Affaires étrangères, auraient manifesté des réticences.

La date du 14 mars avancée par la France ne constitue en tout cas pas une date-butoir et ne signifie pas qu'un délai a été fixé, souligne-t-on de source française, qui insiste sur le fait que la résolution 1441 ne fixe aucune limite à la durée des inspections.

"Le calendrier militaire des Etats-Unis a sans doute ses propres exigences, mais le Conseil de sécurité n'a aucune raison d'en tenir compte", a ainsi souligné un diplomate.

 

Tony Blair se résout à donner plus de temps aux inspecteurs



Tony Blair s'est plié samedi aux voeux des membres du Conseil de sécurité de l'Onu d'accorder plus de temps aux inspecteurs de l'Onu, mais il a critiqué "les concessions" faites à un régime jugé dangereux et appelé ses concitoyens à penser aux victimes de Saddam Hussein.

Le Premier ministre britannique s'adressait samedi matin à son parti travailliste en congrès à Glasgow (Ecosse), mais surtout aux centaines de milliers de manifestants anti-guerre se massant dans la capitale.

Downing Street n'a pas souhaité faire de commentaire sur l'ampleur du mouvement, qui isole plus que jamais Tony Blair dans son propre pays. De nombreux commentateurs politiques s'interrogent sur l'avenir politique du Premier ministre s'il décidait de soutenir une opération militaire américaine sans l'aval de l'Onu.

Avant même la manifestation, des éditorialistes jugeaient déjà samedi matin que la probabilité d'une guerre unilatérale américaine contre l'Irak avait augmenté.

Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne sont apparus en minorité vendredi à l'Onu, où la plupart des 15 membres du Conseil de sécurité se sont dits en faveur d'une poursuite des inspections après un rapport affirmant que l'Irak coopère mieux mais doit encore prouver son désarmement.

"Le Dr Blix a rendu son rapport hier et il y aura plus de temps donné aux inspections. M. Blix fera un nouveau rapport le 28 février", a convenu samedi M. Blair, en mettant en doute le bien fondé de cette décision internationale.

"Quiconque est familier avec les tactiques de duperie et de dérobade de Saddam, peut avoir un sentiment las de déjà vu. (...) Les concessions sont suspectes. Malheureusement les armes sont réelles", a-t-il ajouté.

L'ambassadeur britannique aux Nations unies, Jeremy Greenstock, a affirmé qu'il s'attendait à ce que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne présentent la semaine prochaine le projet d'une seconde résolution sur l'Irak.

Les propos plus modérés qu'à l'habitude de Tony Blair s'inscrivent avant la convocation lundi d'un sommet de l'Union européenne sur l'Irak, qui tentera de préserver une unité très malmenée.

"L'Union européenne est une immense réussite pour la paix et la prospérité", a glissé M. Blair, qui a salué la fin de la guerre froide mais noté que "la vieille menace a été remplacée par une nouvelle".

Le chef du gouvernement britannique a rappelé que la question essentielle était la non coopération du président irakien Saddam Hussein.

"Le temps nécessaire n'est pas le temps qu'il faut aux inspecteurs pour découvrir des armes", a insisté M. Blair. "Le temps nécessaire est celui qu'il faut pour parvenir à un jugement: Saddam (Hussein) est-il prêt à coopérer totalement ou non", a-t-il insisté.

"S'il l'est, les inspecteurs peuvent prendre autant de temps qu'ils veulent. S'il ne l'est pas, si c'est une répétition des années 1990 -et je pense que ç'est le cas- alors nous ne pouvons avoir aucun doute sur ce qui est en jeu", a-t-il conclu.

M. Blair a assuré qu'il respectait et comprenait "la haine de la guerre" ressentie par les Britanniques, tout en parlant de "morale" à ses concitoyens. "Débarrasser le monde de Saddam serait un acte d'humanité. Le laisser où il est est en fait inhumain", a-t-il dit.

"S'il y a 500.000 manifestants, c'est toujours moins que le nombre de morts dont Saddam est responsable. S'il y en a un million, c'est toujours moins que le nombre de personnes mortes dans des guerres qu'il a initiées", avait-il commenté avant l'événement.

 

La France marque un point et prend sa revanche dans la crise irakienne



La France a marqué un point et pris sa revanche dans la crise irakienne après le discours applaudi de son ministre des Affaires étrangères Dominique de Villepin, estimaient samedi les commentateurs, dont certains appelaient toutefois Paris à ne pas gâcher ce léger avantage.

La presse française et européenne a jugé dans son ensemble que les Etats-Unis avaient été mis en échec au Conseil de sécurité au lendemain du rapport de Hans Blix, le chef des inspecteurs de l'ONU chargés du désarmement de l'Irak, et du débat qui a suivi.

Beaucoup de commentateurs ont également relevé la "revanche" prise par la France après les attaques en règle dont elle a été victime dans la presse américaine et de la part de certains dirigeants à Washington.

Les applaudissements qui ont fusé après l'intervention du chef de la diplomatie française n'ont pas échappé à une partie de la presse européenne, d'autant plus que ce genre de manifestation est rare dans la grande salle du Conseil de sécurité de l'Onu. Le Monde à Paris a fait son enquête et écrit samedi qu'il faut remonter à une intervention de l'ancien président sud-africain et ex-plus vieux prisonnier politique du monde, Nelson Mandela, pour retrouver pareil enthousiasme.

Ces éloges devraient apporter un peu de baume au coeur de M. de Villepin, sévèrement critiqué il y a encore quelques jours par une partie de la presse française.

Ce "hussard" de la République, chantre de la diplomatie du mouvement et salué pour son dynamisme à son arrivée au quai d'Orsay, était devenu au cours des dernières semaines, un ministre "fébrile" un peu trop agité, dont la gestion de la crise ivoirienne s'est avérée "catastrophique", selon les expressions alors utilisées par plusieurs journaux. Certains d'entre eux ont même fait état de sa démission, un moment envisagée avant d'être refusée par le président Jacques Chirac. Ridicule, a démenti M. de Villepin, cité par d'autres journaux.

Il n'en reste pas moins que sa gestion de la crise irakienne inquiétait, au moins jusqu'à vendredi, tous ceux qui à Paris se montrent soucieux de ne pas se couper des Etats-Unis. Certains analystes estiment à ce propos que la France aurait intérêt aujourd'hui à prendre une initiative destinée à sauver si c'est encore possible, l'unité de la communauté internationale.

Jacques Beltran, chercheur à l'Institut français des relations internationales (IFRI) estime ainsi que l'heure est venue de "mettre chacun au pied du mur" en imposant un ultimatum à Saddam Hussein.

Si Paris veut continuer à éviter la guerre, alors il est "impératif de donner aux Etats-Unis une raison valable de retarder puis d'annuler leur intervention", écrit M. Beltran dans Le Figaro de samedi. Or, "seul un ultimatum du Conseil de sécurité adressé à l'Irak et proposé par la France (...) pourrait aujourd'hui permettre de rompre le dialogue de sourds avec Washington", ajoute-t-il.

 

Photo P. Blanchard

Toulon : forte mobilisation contre la guerre en Irak

Hier, pour dire non à la guerre contre l'Irak, ils étaient près de 4 000 à défiler pour refuser « la busherie »

 

La vieille Europe sait parler de paix : les propos de Dominique de Villepin chef de la diplomatie française la veille, lors du conseil de sécurité de l'ONU, ont semble-t-il galvanisé les foules, prêtes à se battre pour défendre la paix. Alors que Georges W. Bush brandit toujours la menace de guerre, 4 000 personnes (1) se sont rassemblées hier, à Toulon, pour faire « la guerre à la guerre ».

Comme la veille à Melbourne (Australie), hier dans toutes les capitales d'Europe et dans les principales villes de France, de nombreux citoyens ont tout simplement tenu à rappeler au président américain qu'il n'est ni la « vox Dei » ni le maitre du monde.

Répondant à l'appel de nombreuses organisations (2), des centaines d'hommes et de femmes, d'enfants, ont défilé à travers les plus grands axes de circulation de la ville, dénonçant les alibis de Georges Bush, « qui cache très mal son souhait de mener cette guerre dans l'unique but de faire main basse sur le pétrole irakien », a lancé Alain Jaubert, président des Chevènementistes du Var et porte-parole des organisations en préambule à la grande marche pour la paix.

Dans le cortège ont pris place hommes et femmes venus de tous horizons. Certains ont connu la guerre, en portent encore les stigmates. D'autres refusent que leurs enfants vivent ça, pensent tout simplement à l'avenir... Ils sont de toutes confessions. Politiques, anonymes, jeunes ou vieux... Grande absente de ce combat à Toulon : la droite républicaine.

Parce que la lutte contre le terrorisme ne saurait justifier des actes à l'encontre de l'humanisme, de justice et de démocratie, tous ont élevé une seule et même voix pour refuser une politique qui « participerait à relancer le terrorisme et augmenterait les tensions internationales ».

La « vox populi » s'est fait entendre contre ce « devoir d'ingérence » par la force. « Otan, suspends ton vol », ont martelé les manifestants pour la paix, avant d'engloutir des milliards dans une opération, « des milliards qui seraient mieux utilisés pour la santé, l'éducation, les retraites », ont rappelé les organisations : Georges Bush a rassemblé l'opinion publique hier... contre lui et sa « busherie ».

1. 3 500 personnes de source officielle.

2. Attac, la CGT, la CFDT, la FSU, Sud, l'UNEF, la Ligue des droits de l'homme, les Varois pour la paix et la justice en Méditerranée, le Parti occitan, les Verts, le PS, le PC, la LCR, le MRC, les Radicaux de gauche et le Parti des travailleurs, Ras l'front, rejoints dans le mouvement par la Fédération anarchiste Nada, le Comité catholique contre la faim et pour le développement, le Secours catholique, la Fédération des œuvres laiques.

K.M.

Dimanche 16 Février 2003

Photo F. Fernandes

Plus de six mille personnes dans la rue à Nice pour la paix

La manifestation départementale a fortement mobilisé dans le centre-ville pour dire clairement non à la guerre contre l'Irak

Plus de six mille personnes ont, hier après-midi, à Nice, répondu à l'appel des principales organisations de gauche pour témoigner de leur opposition au déclenchement éventuel d'une guerre en Irak.

Le cortège, formé devant la gare centrale SNCF, a vu ses rangs grossir au fur et à mesure qu'il progressait sur l'avenue Jean-Médecin, la principale artère du centre-ville. D'un petit millier au départ, le rassemblement avait atteint plus de six mille personnes, selon la police, davantage encore selon les organisateurs (10 000), lorsqu'il s'est arrêté devant le siège du consulat des États-Unis, situé non loin de la promenade des Anglais.

La grande banderole déployée devant l'entrée de l'immeuble où se trouvent les bureaux du consulat américain, proclamait : « Non à la guerre contre l'Irak, justice, paix et démocratie dans le Moyen-Orient et le Monde. »

La manifestation pacifiste, qui s'est déroulée dans une ambiance très détendue, avait été organisée par plusieurs organisations politiques, syndicales ou issues du tissu associatif (1).

Dans le cortège, de nombreux symboles étaient brandis pour rappeler l'hostilité à la guerre en Irak ou ailleurs : foulards palestiniens, drapeaux tchétchènes, etc. A l'aide de slogans cinglants, les manifestants ont conspué le président américain George W. Bush, les Premiers ministres anglais, Tony Blair, et israélien, Ariel Sharon.

En revanche, d'autres slogans invitaient : « Raffarin, Chirac, pas de guerre en Irak ! », « Pas de soutien français à une intervention en Irak ! ». En tête du cortège, une fillette brandissait une pancarte : « Non à la guerre, Mr Cow-Boy », tandis qu'un manifestant portait un casque de l'armée américaine affichant un symbole d'opposition à la guerre.

Même si la manifestation niçoise se voulait être le pôle de rassemblement régional de l'opposition à la guerre, dans d'autres cités du département des Alpes-Maritimes, notamment à Grasse, au Cannet-Rocheville ou encore à Mouans-Sartoux, des petits groupes se sont réunis pour, eux aussi, faire entendre leur message de paix.

(1) - Le Parti socialiste, les Verts, la Ligue communiste révolutionnaire, le Parti communiste, le Mouvement républicain et citoyen de Jean-Pierre Chevènement, les Alternatifs, l'association Attac, Lutte Ouvrière, le Mouvement contre le racisme et l'antisémitisme, la Ligue des droits de l'homme. Des syndicats également : CGT, CFDT, FSU, Sgen, FCPE.

Dimanche 16 Février 2003