Irak:
près de 10 millions de personnes ont manifesté contre la guerre
Quelque dix millions de personnes se sont mobilisées samedi pour
manifester contre la guerre en Irak, principalement en Europe où
de véritables marées humaines ont déferlé dans les rues de Rome,
Madrid et Londres pour dire non au président George W. Bush.
En Espagne, en Italie et en Grande-Bretagne, trois alliés de Washington
dans la crise irakienne où l'opinion publique ne partage pas la
position adoptée par leur gouvernement, la mobilisation a battu
tous les records et donné lieu à des rassemblements humains parmi
les plus importants de l'après-guerre.
Plus de cinq millions d'Espagnols, selon les organisateurs, trois
millions selon la police, ont défilé dans les principales villes
du pays.
A Madrid, la manifestation a dépassé toutes les prévisions avec
deux millions de personnes, selon le parti socialiste, qui avait
appelé à manifester, alors que la préfecture estimait ce chiffre
à 600.000. Les rues du centre-ville étaient noires de monde sur
plusieurs kilomètres. Les slogans les plus fréquents étaient "Non
à la Guerre" ou "Arrêtons la guerre".
Ironie du parcours, les manifestants passaient devant une immense
affiche de plus de 20 mètres de haut proposant aux jeunes Espagnols
de s'engager dans l'armée espagnole. Un manifestant avait écrit
sur sa pancarte "Non à Azwar", jeu de mot avec le nom
du président du gouvernement espagnol José Maria Aznar, signataire
de la lettre des "Huit", et le mot "War".
A Barcelone, 1,3 million de personnes, selon la mairie et 1,5 million
selon les organisateurs, ont envahi le centre-ville. Plus que le
11 septembre 1976, lors de la première célébration démocratique
de la fête nationale catalane, après 40 ans de dictature franquiste.
Environ 500.000 personnes étaient mobilisées à Valence, 250.000
à Séville, 200.000 à Bilbao.
Pas moins de trois millions de personnes ont participé à Rome à
une marche contre la guerre en Irak, d'après les organisateurs.
La police parle elle de 650.000 personnes massées en fin de journée
devant la basilique Saint-Jean de Latran, terme de la marche pour
la paix, mais de très nombreux participants n'ont pu accéder à la
place, noire de monde, selon la préfecture de police.
A Rome, le cortège, parti peu avant midi, s'étendait sur près de
dix kilomètres et les images prises d'hélicoptère ont montré une
marée humaine aux couleurs de l'arc-en-ciel, celles de la bannière
frappée du mot "Pace" (paix en italien) portée comme une
cape par les marcheurs.
Dans la plus importante manifestation jamais vue à Londres, ils
étaient 750.000 selon la police, tandis que les organisateurs revendiquaient
plus de deux millions de participants.
Les manifestations contre la "Poll Tax" (impôts locaux)
avaient rassemblé 350.000 personnes en mars 1990 et celle contre
la guerre du Vietnam 400.000 personnes dans les années 1970, a précisé
Scotland Yard.
Arrivés à Londres par trains entiers, en autocars ou à pied, sifflets
à la bouche et brandissant une forêt de pancartes "N'attaquez
pas l'Irak", des manifestants de tous âges, en famille ou entre
amis, ont défilé pour demander aux Etats-Unis et au Premier ministre
Tony Blair de ne pas déclencher une guerre.
Glasgow, en Ecosse, avec au moins 80.000 personnes dans la rue,
selon les organisateurs, a aussi connu la plus importante manifestation
depuis celle contre la Poll Tax, tandis que Belfast résonnait des
cris de dizaines de milliers de personnes.
En Irlande, un autre rassemblement record comptait environ 100.000
personnes.
En Allemagne, environ 500.000 personnes, selon la police et les
organisateurs, ont participé à Berlin à une marche contre la guerre,
soit là encore l'une des plus importantes manifestations de l'après-guerre.
En revanche, en France, pays pourtant en pointe du combat diplomatique
pour éviter la guerre en Irak, la mobilisation n'a pas, semble-t-il,
été au rendez-vous. La France est apparue plutôt en retrait par
rapport à ses voisins européens.
Selon les organisateurs, le nombre total de manifestants en France
a atteint un demi-million de personnes dans quelque 72 villes, dont
250.000 à Paris. Toutefois, selon la police, la mobilisation n'a
atteint que 100.000 personnes dans la capitale.
Dans le reste de l'Europe, ces manifestations contre une nouvelle
guerre du Golfe ont rassemblé au total plusieurs centaines de milliers
de personnes, de Bruxelles à Stockholm, Varsovie, Moscou, Budapest
ou encore Athènes, où la mobilisation a souvent battu des records.
Partout les slogans ont réclamé la paix et demandé aux Etats-Unis
de renoncer à cette "guerre pour le pétrole".
La mobilisation avait commencé en Australie. Quelque 100.000 personnes
ont défilé dès vendredi dans les rues de Melbourne, paralysant la
grande métropole australienne.
Au Japon, quelque 25.000 manifestants avaient défilé dès vendredi
soir dans le centre de Tokyo. Des milliers de personnes se sont
également rassemblées en Corée du Sud, en Thaïlande, en Malaisie
et en Indonésie.
Des manifestations ont également eu lieu samedi au Proche et au
Moyen-Orient. Notamment à Damas, où plus de 200.000 Syriens, un
million selon des chiffres officiels, ont dit "non" à
la guerre contre leurs voisins irakiens.
Quelque 3.000 manifestants juifs et arabes se sont rassemblés samedi
soir dans le centre de Tel-Aviv. Les manifestants scandaient: "Israéliens
et Palestiniens contre la guerre en Irak" et brandissaient
des pancartes avec l'inscription "Pas de sang contre du pétrole".
A Bagdad, des défilés de plusieurs kilomètres, selon des estimations
de journalistes, ont rassemblé samedi des manifestants en armes
opposés à une éventuelle guerre américaine contre l'Irak.
Des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées samedi
matin à Manhattan, près du bâtiment des Nations unies, pour manifester
leur opposition à la guerre.
En Amérique latine, des dizaines de milliers de personnes ont défilé
dans plusieurs capitales, dont plus de 50.000 à Montevideo, selon
les organisateurs.
Des
centaines de milliers de manifestants en France
Plusieurs centaines de milliers de personnes ont manifesté samedi
un peu partout en France pour dire "non à la guerre" contre
l'Irak au lendemain de la réunion du Conseil de sécurité de l'ONU
où les Etats-Unis sont apparus en minorité.
Selon la coordination de l'Appel "Non à la guerre contre l'Irak,
oui à un monde de justice, de paix et de démocratie", le nombre
total de manifestants a atteint un demi-million de personnes dans
quelque 72 villes en France, dont 250.000 à Paris (100.000 selon
la police).
En tête du défilé parisien se trouvaient des pacifistes américains
et des vétérans français de la guerre du Golfe, appartenant à l'association
Avigolfe qui milite pour la reconnaissance de maladies liées aux
guerres du Golfe et des Balkans.
Le défilé était si long qu'à 17h15, plus de trois heures après le
départ de la place Denfert-Rochereau, les derniers manifestants
venaient tout juste de s'ébranler.
La gauche, l'extrême gauche et les Verts étaient présents en force
et plusieurs personnalités socialistes étaient du cortège. Etaient
aussi présents Alain Krivine (LCR), Marie-George Buffet (PCF), Gilles
Lemaire, Noël Mamère, Yves Contassot et Yves Cochet pour les Verts.
José Bové (confédération paysanne), Jean-Pierre Chevènement (MRC)
et Arlette Laguiller (LO) étaient également dans les rangs.
Le Premier secrétaire du PS François Hollande, les anciens Premier
ministre Laurent Fabius et Pierre Mauroy conduisaient la délégation
socialiste. Un bon nombre d'autres personnalités de gauche s'étaient
déplacées, comme Henri Emmanuelli, Claude Estier, Jean-Marc Ayrault,
Elisabeth Guigou et Martine Aubry.
"La mobilisation considérable dans toutes les grandes villes
du monde peut être un message fort à l'égard de l'administration
américaine pour faire comprendre que les peuples ne veulent pas
une guerre de cette manière et en ce moment", a déclaré François
Hollande.
A Lyon, près de 10.000 personnes, selon la police, 20.000 personnes
selon les organisateurs, ont manifesté, élus locaux en tête. Beaucoup
de manifestants portaient un carré de papier où était simplement
inscrit "Non".
A Rennes, 4.000 personnes (police), plus de 5.000 (organisateurs),
ont défilé aux cris de "Solidaires contre Bush et Blair, solidaires
contre la guerre" et "Veto dans la rue, Veto à l'ONU".
En Bretagne, d'autres manifestations étaient organisés comme à Lorient
(2.500 selon la police, entre 3 et 4.000 selon les organisateurs),
Nantes (entre 4.et 5.000 manifestants selon la police, 5 à 6.000
selon les journalistes), Brest (quelque 3.000 personnes selon la
police, 3.500 selon les organisateurs). A Tours, ils étaient environ
3.500 selon la police, 500 à Angers selon la police, environ 550
à Laval et 700 A Rouen.
Dans le sud-ouest, les manifs ont réuni entre 8 et 10.000 personnes
(police et organisateurs) à Toulouse, 900 à Tarbes, 800 à Montauban,
600 à Auch et 600 à Cahors, une centaine à Foix , 300 à Carcassonne
(Aude). A Angoulême, environ 700 personnes se sont réunis alors
que Bordeaux rassemblait selon la police environ 11.000 personnes,
dont certaines défilaient avec une colombe de la paix en papier
accrochée au revers de leur veste.
A Strasbourg, 5.500 personnes, selon la police, ont manifesté au
rythme de slogans disant "Chirac, ton veto sur l'Irak. Bush,
Blair, non à la guerre".
Dans le sud, Marseille a rassemblé 8.500 selon la police, le double
selon les organisateurs, Nice 6.000 selon la police et 10.000 selon
les organisateurs, Montpellier 10.000 selon la police, Nîmes 2.500
(police), 5.000 (organisateurs) et Avignon 3.200 selon la police.
Les enfants n'ont pas été oubliés comme à Marseille où Lea, Juliette
et Thimotée tenaient une banderole demandant "La paix pour
les enfants d'Irak".
Selon un sondage Ifop à paraître dans le Journal du dimanche, 4
Français sur cinq (81%) se déclarent favorables à ce que la France
oppose son droit de veto à une intervention militaire des Etats-Unis
et de leurs alliés en Irak.
En revanche, 15% d'entre eux y sont opposés. 4% ne se prononcent
pas.
Le sondage a été réalisé du 13 au 14 février auprès d'un échantillon
de 974 personnes, par téléphone et selon la méthode des quotas.
Manifestation
historique des Britanniques
Dans la plus importante manifestation jamais vue à Londres, entre
750.000 et deux millions de personnes ont manifesté pour dire "non"
à une guerre contre l'Irak, que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne
n'écartent toujours pas.
La police a affirmé que les manifestants étaient au moins 750.000
samedi, tandis que les organisateurs revendiquaient plus de deux
millions de participants, du jamais vu chez les Britanniques peu
enclins à défiler dans les rues.
Les manifestations contre la "Poll Tax" (impôts locaux)
avaient rassemblé 350.000 personnes en mars 1990 et celle contre
la guerre du Vietnam 400.000 personnes dans les années 1970, a précisé
à l'AFP une porte-parole de Scotland Yard.
Glasgow, en Ecosse, avec au moins 80.000 personnes dans la rue,
selon les organisateurs, a aussi connu la plus importante manifestation
depuis celle contre la Poll Tax, tandis que Belfast résonnait des
cris de dizaines de milliers de personnes. Dans l'Irlande voisine,
un rassemblement record comptait environ 100.000 personnes.
Ces manifestations, qui se sont déroulées dans le calme, constituent
par leur ampleur, un revers pour Tony Blair qui a tenté d'expliquer,
samedi encore, à Glasgow, devant le congrès du parti travailliste,
la menace que représente, selon lui, le président irakien Saddam
Hussein.
"Je ne recherche pas l'impopularité comme un gage d'honneur.
Mais parfois c'est le prix à payer pour le pouvoir et le prix des
convictions", a-t-il plaidé.
Les protestataires, venus de tous horizons en famille ou entre amis,
sifflet à la bouche, ne semblaient manifestement pas convaincus,
reprochant à Tony Blair et au président américain George W. Bush
de ne pas écouter la voix de la paix.
"Ou Tony Blair nous écoute, ou on va s'en débarrasser",
a lancé Graham Hill, 37 ans, une fausse bombe en plastique éclatée
sur la tête.
"Si nous ne nous dressons pas pour dire non au président américain
George Bush, il croit qu'il peut faire ce qu'il veut", a résumé
un autre manifestant, Nick Lobniz.
Etant donné le rapport des inspecteurs, "il n'y a pas de raison
juste ou morale pour la guerre en Irak", a tranché le chef
du Parti libéral-démocrate Charles Kennedy, deuxième parti d'opposition
britannique.
"C'est le moment le plus risqué pour la Grande-Bretagne depuis
(la crise) de Suez" en 1956, a-t-il ajouté.
"Il n'est pas trop tard pour arrêter une guerre", a lancé
le révérend américain Jesse Jackson acclamé par la foule immense
massée dans Hyde Park. Et s'adressant à Tony Blair, il a ajouté:
"S'il vous plaît, éloignez-vous d'un pas de la guerre".
Le maire de Londres Ken Livingstone a fustigé M. Bush, "qui
n'est certainement pas un exemple car il utilise la peine de mort
avec un parfait dédain pour le respect de la vie humaine".
Très en verve, le dramaturge britannique Harold Pinter a dénoncé
la "barbarie américaine qui détruit le monde". "C'est
un pays dirigé par une bande de criminels (..) avec Tony Blair comme
homme de main", a-t-il asséné.
Cette démonstration pacifiste, la plus importante en Europe après
celle de Rome - où plus de 650.000 personnes ont défilé- a une valeur
de symbole dans un pays, allié indéfectible de Washington depuis
le début de la crise irakienne, qui accuse Bagdad de cacher et de
développer des armes de destruction massive.
Elle intervient au moment où les mesures de sécurité ont été lourdement
renforcées à Londres, les autorités affirmant craindre des attentats.
La
perspective d'un vote prochain de l'Onu sur la guerre s'éloigne
La perspective d'un vote prochain du Conseil de sécurité de l'Onu
sur un éventuel recours à la force contre l'Irak s'est éloignée
alors qu'une majorité de pays s'est prononcée vendredi pour la poursuite
des inspections.
Selon un diplomate de haut rang s'exprimant sous couvert de l'anonymat,
le camp des pays opposés à la guerre devrait sortir encore renforcé
de la séance publique du Conseil de sécurité prévue mardi.
Ce débat public donne la possibilité à tous les Etats membres de
l'Onu de s'exprimer, mais il n'est pas suivi de vote, les décisions
du Conseil de sécurité étant élaborées dans le secret du huis clos
par ses 15 membres.
La séance historique du Conseil de sécurité vendredi en présence
de dix ministres des Affaires étrangères, dont ceux des cinq membres
permanents disposant d'un droit de veto, a montré l'isolement actuel
des Etats-Unis, qui multipliaient ces derniers jours les signes
d'impatience et affirmaient que "le temps de la diplomatie
était passé".
Le Premier ministre britannique Tony Blair, principal allié du président
américain George W. Bush, s'est d'ailleurs plié samedi à Glascow
(Ecosse) aux voeux de la majorité du Conseil d'accorder plus de
temps aux inspecteurs de l'Onu.
"Le (chef des inspecteurs Hans) Blix a rendu son rapport hier
et il y aura plus de temps donné aux inspections. M. Blix fera un
nouveau rapport le 28 février", a convenu M. Blair, tout en
mettant en doute le bien-fondé de cette décision internationale.
Les chefs des inspecteurs en désarmement doivent présenter un rapport
d'étape au Conseil tous les 15 jours. Le prochain devrait donc tomber
le 28 février, le 1er mars tombant un samedi. Tony Blair a ainsi
lui-même mentionné samedi cette date du 28 février.
La prise de conscience de l'isolement américain et britannique,
selon des sources diplomatiques, a contraint vendredi les Etats-Unis
et la Grande-Bretagne à renoncer à déposer le projet de résolution
ouvrant la voie à une opération militaire qu'ils avaient préparé.
Un haut diplomate interrogé sur le fait de savoir quand Washington
et Londres présenteraient une nouvelle résolution a répondu: "Nous
prenons nos décisions au jour le jour". Mais il a noté que
le sommet de l'Union européenne lundi à Bruxelles constituerait
une bonne occasion pour des consultations.
Après le dernier rapport des chefs des inspecteurs Hans Blix et
Mohamed ElBaradei, une majorité des pays membres du Conseil de sécurité
ont emboité le pas à la position de la France et de l'Allemagne
qui souhaitent donner plus de temps aux inspections.
Même si elles peuvent encore être améliorées, ces inspections, estiment
ces pays opposés à une intervention militaire à court terme contre
l'Irak, peuvent remplir leur but, le désarmement de l'Irak comme
le stipule la résolution 1441 du 8 novembre du Conseil de sécurité.
C'est le point de vue qu'a martelé le ministre français des Affaires
étrangères, Dominique de Villepin, qui a affirmé, dans une allocution
exceptionnellement saluée par les applaudissements nourris des diplomates,
que "l'usage de la force ne se justifiait pas aujourd'hui".
Le ministre français a donné rendez-vous à ses collègues pour le
14 mars prochain afin de faire un nouveau point sur les inspections
mais, selon un diplomate ayant suivi les débats à huis clos vendredi,
Colin Powell, le secrétaire d'Etat américain, et Ana Palacio, ministre
espagnole des Affaires étrangères, auraient manifesté des réticences.
La date du 14 mars avancée par la France ne constitue en tout cas
pas une date-butoir et ne signifie pas qu'un délai a été fixé, souligne-t-on
de source française, qui insiste sur le fait que la résolution 1441
ne fixe aucune limite à la durée des inspections.
"Le calendrier militaire des Etats-Unis a sans doute ses propres
exigences, mais le Conseil de sécurité n'a aucune raison d'en tenir
compte", a ainsi souligné un diplomate.
Tony
Blair se résout à donner plus de temps aux inspecteurs
Tony Blair s'est plié samedi aux voeux des membres du Conseil de
sécurité de l'Onu d'accorder plus de temps aux inspecteurs de l'Onu,
mais il a critiqué "les concessions" faites à un régime
jugé dangereux et appelé ses concitoyens à penser aux victimes de
Saddam Hussein.
Le Premier ministre britannique s'adressait samedi matin à son parti
travailliste en congrès à Glasgow (Ecosse), mais surtout aux centaines
de milliers de manifestants anti-guerre se massant dans la capitale.
Downing Street n'a pas souhaité faire de commentaire sur l'ampleur
du mouvement, qui isole plus que jamais Tony Blair dans son propre
pays. De nombreux commentateurs politiques s'interrogent sur l'avenir
politique du Premier ministre s'il décidait de soutenir une opération
militaire américaine sans l'aval de l'Onu.
Avant même la manifestation, des éditorialistes jugeaient déjà samedi
matin que la probabilité d'une guerre unilatérale américaine contre
l'Irak avait augmenté.
Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne sont apparus en minorité vendredi
à l'Onu, où la plupart des 15 membres du Conseil de sécurité se
sont dits en faveur d'une poursuite des inspections après un rapport
affirmant que l'Irak coopère mieux mais doit encore prouver son
désarmement.
"Le Dr Blix a rendu son rapport hier et il y aura plus de temps
donné aux inspections. M. Blix fera un nouveau rapport le 28 février",
a convenu samedi M. Blair, en mettant en doute le bien fondé de
cette décision internationale.
"Quiconque est familier avec les tactiques de duperie et de
dérobade de Saddam, peut avoir un sentiment las de déjà vu. (...)
Les concessions sont suspectes. Malheureusement les armes sont réelles",
a-t-il ajouté.
L'ambassadeur britannique aux Nations unies, Jeremy Greenstock,
a affirmé qu'il s'attendait à ce que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne
présentent la semaine prochaine le projet d'une seconde résolution
sur l'Irak.
Les propos plus modérés qu'à l'habitude de Tony Blair s'inscrivent
avant la convocation lundi d'un sommet de l'Union européenne sur
l'Irak, qui tentera de préserver une unité très malmenée.
"L'Union européenne est une immense réussite pour la paix et
la prospérité", a glissé M. Blair, qui a salué la fin de la
guerre froide mais noté que "la vieille menace a été remplacée
par une nouvelle".
Le chef du gouvernement britannique a rappelé que la question essentielle
était la non coopération du président irakien Saddam Hussein.
"Le temps nécessaire n'est pas le temps qu'il faut aux inspecteurs
pour découvrir des armes", a insisté M. Blair. "Le temps
nécessaire est celui qu'il faut pour parvenir à un jugement: Saddam
(Hussein) est-il prêt à coopérer totalement ou non", a-t-il
insisté.
"S'il l'est, les inspecteurs peuvent prendre autant de temps
qu'ils veulent. S'il ne l'est pas, si c'est une répétition des années
1990 -et je pense que ç'est le cas- alors nous ne pouvons avoir
aucun doute sur ce qui est en jeu", a-t-il conclu.
M. Blair a assuré qu'il respectait et comprenait "la haine
de la guerre" ressentie par les Britanniques, tout en parlant
de "morale" à ses concitoyens. "Débarrasser le monde
de Saddam serait un acte d'humanité. Le laisser où il est est en
fait inhumain", a-t-il dit.
"S'il y a 500.000 manifestants, c'est toujours moins que le
nombre de morts dont Saddam est responsable. S'il y en a un million,
c'est toujours moins que le nombre de personnes mortes dans des
guerres qu'il a initiées", avait-il commenté avant l'événement.
La
France marque un point et prend sa revanche dans la crise irakienne
La France a marqué un point et pris sa revanche dans la crise irakienne
après le discours applaudi de son ministre des Affaires étrangères
Dominique de Villepin, estimaient samedi les commentateurs, dont
certains appelaient toutefois Paris à ne pas gâcher ce léger avantage.
La presse française et européenne a jugé dans son ensemble que les
Etats-Unis avaient été mis en échec au Conseil de sécurité au lendemain
du rapport de Hans Blix, le chef des inspecteurs de l'ONU chargés
du désarmement de l'Irak, et du débat qui a suivi.
Beaucoup de commentateurs ont également relevé la "revanche"
prise par la France après les attaques en règle dont elle a été
victime dans la presse américaine et de la part de certains dirigeants
à Washington.
Les applaudissements qui ont fusé après l'intervention du chef de
la diplomatie française n'ont pas échappé à une partie de la presse
européenne, d'autant plus que ce genre de manifestation est rare
dans la grande salle du Conseil de sécurité de l'Onu. Le Monde à
Paris a fait son enquête et écrit samedi qu'il faut remonter à une
intervention de l'ancien président sud-africain et ex-plus vieux
prisonnier politique du monde, Nelson Mandela, pour retrouver pareil
enthousiasme.
Ces éloges devraient apporter un peu de baume au coeur de M. de
Villepin, sévèrement critiqué il y a encore quelques jours par une
partie de la presse française.
Ce "hussard" de la République, chantre de la diplomatie
du mouvement et salué pour son dynamisme à son arrivée au quai d'Orsay,
était devenu au cours des dernières semaines, un ministre "fébrile"
un peu trop agité, dont la gestion de la crise ivoirienne s'est
avérée "catastrophique", selon les expressions alors utilisées
par plusieurs journaux. Certains d'entre eux ont même fait état
de sa démission, un moment envisagée avant d'être refusée par le
président Jacques Chirac. Ridicule, a démenti M. de Villepin, cité
par d'autres journaux.
Il n'en reste pas moins que sa gestion de la crise irakienne inquiétait,
au moins jusqu'à vendredi, tous ceux qui à Paris se montrent soucieux
de ne pas se couper des Etats-Unis. Certains analystes estiment
à ce propos que la France aurait intérêt aujourd'hui à prendre une
initiative destinée à sauver si c'est encore possible, l'unité de
la communauté internationale.
Jacques Beltran, chercheur à l'Institut français des relations internationales
(IFRI) estime ainsi que l'heure est venue de "mettre chacun
au pied du mur" en imposant un ultimatum à Saddam Hussein.
Si Paris veut continuer à éviter la guerre, alors il est "impératif
de donner aux Etats-Unis une raison valable de retarder puis d'annuler
leur intervention", écrit M. Beltran dans Le Figaro de samedi.
Or, "seul un ultimatum du Conseil de sécurité adressé à l'Irak
et proposé par la France (...) pourrait aujourd'hui permettre de
rompre le dialogue de sourds avec Washington", ajoute-t-il.

Photo
P. Blanchard
|
Toulon :
forte mobilisation contre la guerre en Irak
Hier, pour dire non à la guerre contre l'Irak,
ils étaient près de 4 000 à défiler pour refuser « la
busherie »
La
vieille Europe sait parler de paix : les propos de
Dominique de Villepin chef de la diplomatie française la
veille, lors du conseil de sécurité de l'ONU, ont semble-t-il
galvanisé les foules, prêtes à se battre pour défendre la
paix. Alors que Georges W. Bush brandit toujours la menace
de guerre, 4 000 personnes (1) se sont rassemblées
hier, à Toulon, pour faire « la guerre à la guerre ».
Comme
la veille à Melbourne (Australie), hier dans toutes les
capitales d'Europe et dans les principales villes de France,
de nombreux citoyens ont tout simplement tenu à rappeler
au président américain qu'il n'est ni la « vox Dei »
ni le maitre du monde.
Répondant
à l'appel de nombreuses organisations (2), des centaines
d'hommes et de femmes, d'enfants, ont défilé à travers les
plus grands axes de circulation de la ville, dénonçant les
alibis de Georges Bush, « qui cache très mal son souhait
de mener cette guerre dans l'unique but de faire main basse
sur le pétrole irakien », a lancé Alain Jaubert, président
des Chevènementistes du Var et porte-parole des organisations
en préambule à la grande marche pour la paix.
Dans
le cortège ont pris place hommes et femmes venus de tous
horizons. Certains ont connu la guerre, en portent encore
les stigmates. D'autres refusent que leurs enfants vivent
ça, pensent tout simplement à l'avenir... Ils sont de toutes
confessions. Politiques, anonymes, jeunes ou vieux... Grande
absente de ce combat à Toulon : la droite républicaine.
Parce
que la lutte contre le terrorisme ne saurait justifier des
actes à l'encontre de l'humanisme, de justice et de démocratie,
tous ont élevé une seule et même voix pour refuser une politique
qui « participerait à relancer le terrorisme et augmenterait
les tensions internationales ».
La
« vox populi » s'est fait entendre contre ce « devoir
d'ingérence » par la force. « Otan, suspends ton
vol », ont martelé les manifestants pour la paix, avant
d'engloutir des milliards dans une opération, « des
milliards qui seraient mieux utilisés pour la santé, l'éducation,
les retraites », ont rappelé les organisations :
Georges Bush a rassemblé l'opinion publique hier... contre
lui et sa « busherie ».
1.
3 500 personnes de source officielle.
2.
Attac, la CGT, la CFDT, la FSU, Sud, l'UNEF, la Ligue des
droits de l'homme, les Varois pour la paix et la justice
en Méditerranée, le Parti occitan, les Verts, le PS, le
PC, la LCR, le MRC, les Radicaux de gauche et le Parti des
travailleurs, Ras l'front, rejoints dans le mouvement par
la Fédération anarchiste Nada, le Comité catholique contre
la faim et pour le développement, le Secours catholique,
la Fédération des œuvres laiques.
K.M.
Dimanche
16 Février 2003
|
Photo
F. Fernandes
|
Plus
de six mille personnes dans la rue à Nice pour la paix
La manifestation départementale a fortement
mobilisé dans le centre-ville pour dire clairement non à
la guerre contre l'Irak
Plus
de six mille personnes ont, hier après-midi, à Nice, répondu
à l'appel des principales organisations de gauche pour témoigner
de leur opposition au déclenchement éventuel d'une guerre
en Irak.
Le
cortège, formé devant la gare centrale SNCF, a vu ses rangs
grossir au fur et à mesure qu'il progressait sur l'avenue
Jean-Médecin, la principale artère du centre-ville. D'un
petit millier au départ, le rassemblement avait atteint
plus de six mille personnes, selon la police, davantage
encore selon les organisateurs (10 000), lorsqu'il
s'est arrêté devant le siège du consulat des États-Unis,
situé non loin de la promenade des Anglais.
La
grande banderole déployée devant l'entrée de l'immeuble
où se trouvent les bureaux du consulat américain, proclamait :
« Non à la guerre contre l'Irak, justice, paix et démocratie
dans le Moyen-Orient et le Monde. »
La
manifestation pacifiste, qui s'est déroulée dans une ambiance
très détendue, avait été organisée par plusieurs organisations
politiques, syndicales ou issues du tissu associatif (1).
Dans
le cortège, de nombreux symboles étaient brandis pour rappeler
l'hostilité à la guerre en Irak ou ailleurs : foulards
palestiniens, drapeaux tchétchènes, etc. A l'aide de slogans
cinglants, les manifestants ont conspué le président américain
George W. Bush, les Premiers ministres anglais, Tony Blair,
et israélien, Ariel Sharon.
En
revanche, d'autres slogans invitaient : « Raffarin,
Chirac, pas de guerre en Irak ! », « Pas
de soutien français à une intervention en Irak ! ».
En tête du cortège, une fillette brandissait une pancarte :
« Non à la guerre, Mr Cow-Boy », tandis qu'un
manifestant portait un casque de l'armée américaine affichant
un symbole d'opposition à la guerre.
Même
si la manifestation niçoise se voulait être le pôle de rassemblement
régional de l'opposition à la guerre, dans d'autres cités
du département des Alpes-Maritimes, notamment à Grasse,
au Cannet-Rocheville ou encore à Mouans-Sartoux, des petits
groupes se sont réunis pour, eux aussi, faire entendre leur
message de paix.
(1)
- Le Parti socialiste, les Verts, la Ligue communiste révolutionnaire,
le Parti communiste, le Mouvement républicain et citoyen
de Jean-Pierre Chevènement, les Alternatifs, l'association
Attac, Lutte Ouvrière, le Mouvement contre le racisme et
l'antisémitisme, la Ligue des droits de l'homme. Des syndicats
également : CGT, CFDT, FSU, Sgen, FCPE.
Dimanche
16 Février 2003
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