Scolarisation
précoce en France : quels bénéfices pour les élèves ?
La
scolarisation maternelle précoce suscite en France un débat
permanent et même parfois polémique entre les acteurs du
système éducatif, débat qui mérite d’être éclairé
par des études qui permettent d’isoler de façon nette
les aspects positifs et négatifs liés la fréquentation de
l’école maternelle dès l’âge de 2 ans. Rappelons que
si la quasi-totalité des enfants fréquentent l’école
maternelle, c’est seulement le cas de 35% des enfants de 2
ans. On peut, de façon schématique, considérer plusieurs
aspects de la question, chacun d’entre eux se rapportant
à des courants de recherche différents.
Une
première dimension est de nature économique et sociale. On
s’interroge alors sur le service que fournit l’école
aux parents avec la prise en charge des jeunes enfants, l’école
maternelle étant à cet égard considérée comme un mode
de garde particulier. Il peut alors être intéressant de
savoir si certains milieux sociaux utilisent plus que
d’autres cette structure d’accueil. Une seconde
dimension est de nature psychologique; on s’interroge
alors sur les conditions d’accueil de l’école
maternelle compte tenu des caractéristiques biologiques et
psycho-sociales des enfants de 2 ans. Une troisième
dimension se centre sur les effets pédagogiques de la
scolarisation maternelle précoce en évaluant les bénéfices
éventuels que peuvent tirer les enfants d’un point de vue
des acquis cognitifs et scolaires au cours de l’école
primaire. Sur ce dernier point, des études françaises
permettent de dégager quelques résultats utiles du point
de vue pédagogique, mais aussi et plus largement en matière
de politique éducative.
Effets de la préscolarisation à la maternelle
Dans
beaucoup d’études qui se centrent sur l’identification
des facteurs de réussite scolaire, la fréquentation de
l’école maternelle est souvent intégrée aux analyses
comme variable explicative. Les résultats sont sur ce point
assez concordants: la maternelle procure un avantage pour la
suite de la scolarité, tant sur le plan des acquisitions,
qu’en termes de carrière scolaire en réduisant la
probabilité de redoubler une classe, et notamment le Cours
préparatoire; les effets de la préscolarisation étant
d’autant plus positifs que la scolarisation en maternelle
a été longue, il n’existe toutefois pas de relation de
proportionnalité entre le nombre d’années de maternelle
et l’impact sur la scolarité.
Quand
on compare la scolarité élémentaire des enfants ayant fréquenté
l’école maternelle à l’âge de 2 ans à celle
d’autres élèves qui n’ont été scolarisés qu’à
l’âge de 3 ans, plusieurs constats peuvent être faits
sur la base de deux recherches conduites à plusieurs années
d’intervalle et utilisant une méthodologie semblable
(analyses permettant de raisonner «toutes choses égales
par ailleurs»). La première recherche effectuée au début
des années 901 relève un impact positif sur les
acquisitions scolaires des élèves mesurées par des tests
standardisés en français et en mathématiques. Cette même
recherche met en évidence le caractère durable de ces
effets puisqu’ils sont encore visibles jusqu’à la fin
de l’école primaire. Plus récemment, une recherche
conduite par le Ministère de l’éducation nationale à
partir d’un large panel d’élèves2 établit des
conclusions également positives quant à la scolarisation
précoce. Les enfants entrés à l’école maternelle à
l’âge de 2 ans présentent un risque de redoubler l’école
primaire légèrement inférieur à celui des enfants
scolarisés plus tardivement (à l’âge de 3 ans).
Inégalités sociales de réussite
Au-delà
des effets moyens de la scolarisation précoce sur les
acquisitions et les carrières des élèves, ces deux
recherches ont abordé un angle plus social, la question étant
de savoir si la scolarisation précoce n’était pas plus
profitable à certaines populations (les enfants issus de
milieux sociaux défavorisés notamment) qu’à d’autres.
Cette question a d’ailleurs été une préoccupation
institutionnelle puisque la scolarisation maternelle à 2
ans a été encouragée pour les populations socialement défavorisées
ces dernières années (le taux de scolarisation moyen à 2
ans est de 40% dans les ZEP). Dans la première étude,
aucune interaction significative entre le milieu social et
la scolarisation à l’âge de 2 ans n’a pu être établie:
l’effet positif sur les acquisitions des élèves étant
relevé avec la même intensité pour toutes les catégories
sociales. Dans la seconde étude, les résultats indiquent
qu’en termes de carrière scolaire, ce sont les enfants de
cadres et les élèves étrangers ou issus de
l’immigration qui semblent tirer le plus grand bénéfice
de cette mesure.
Ces
résultats positifs de la scolarisation précoce ne doivent
pas masquer les inégalités sociales de réussite qui
jalonnent le parcours des élèves et dès l’école
maternelle, des écarts d’acquisitions très importants
existent dont certains vont progressivement s’atténuer
(par exemple les écarts entre les enfants nés en début et
en fin d’année civile) et certains s’accentuer (les écarts
entre catégories sociales). En outre, il ne suffit sans
doute pas de s’intéresser uniquement à la préscolarisation
d’un point de vue quantitatif (en termes de durée), mais
aussi d’un point de vue plus qualitatif (en termes de
contenu d’enseignement et de pratiques pédagogiques). A
ce titre, il a été montré que certaines activités (les
activités musicales d’un certain type) pouvaient avoir
des effets très positifs et durables sur le développement
cognitif des enfants, effets d’une intensité aussi
importante que ceux liés à la scolarisation maternelle à
2 ans3. Indépendamment des éléments qui plaident en
faveur de l’école maternelle à 2 ans, il convient aussi
de s’interroger sur les modalités concrètes
d’organisation de l’école pour les enfants d’un si
jeune âge.
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