Une
mauvaise constitution |
Marseille,
le 3 avril 2005.
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Chers
collègues et amis,
Après
six mois de réflexion intense, se cristallise une
argumentation autour du "traité constitutionnel",
à partir de lui mais au-delà de lui, une argumentation qui
n’est ni de droite ni de gauche, et qui montre un danger
historique pour nous tous, au-dessus de la politique. Pour ces
raisons, cette courte argumentation devrait intéresser les
citoyens de tout bord.
Il
y a six mois, en septembre 2004, j’étais, comme tout le
monde, favorable à ce texte sans l’avoir lu, par principe,
"pour avancer", même si je savais bien que les
institutions étaient très imparfaites. Je ne voulais pas être
de ceux qui freinent l’Europe. Je crois vraiment que
l’immense majorité des européens, au-delà des clivages
gauche/droite, aiment cette belle idée d’une Europe unie,
plus fraternelle, plus forte. C’est un rêve de paix,
consensuel, très majoritaire.
Je
n’avais pas lu le texte et je n’avais absolument pas le
temps : trop de travail… Et puis l’Europe c’est
loin, et puis avec tous ces hommes politiques, je me sentais
protégé par le nombre : en cas de dérive, il allait
bien y en avoir quelques uns pour nous défendre… et je me
dispensais de "faire de la politique", c’est-à-dire
que je me dispensais de m’occuper de mes propres affaires.
Déjà
des appels s’élevaient contre le traité, mais ils venaient
des extrêmes de l’échiquier politique et pour cette simple
raison, je ne commençais même pas à lire leurs arguments,
restant en confiance dans le flot de l’avis du plus grand
nombre sans vérifier par moi-même la force des idées en présence.
Et
puis soudain, des appels sont venus de personnes non suspectes
d’être antieuropéennes. J’ai alors lu leurs appels, sans
souci des étiquettes, et j’ai trouvé les arguments très
forts. Je me suis mis à lire, beaucoup, des livres entiers,
de tout bord, Fabius, Strauss-Khann, Giscard, Jennar, Fitoussi,
Généreux, etc. et beaucoup plus d’articles des partisans
du traité parce que je voulais être sûr de ne pas me
tromper. Et plus je lis, plus je suis inquiet. Finalement,
aujourd’hui, je ne pense plus qu’à ça, je ne dors
presque plus, j’ai peur, simplement, de perdre l’essentiel :
la protection contre l’arbitraire.
Je
continue aujourd’hui à lire toutes les interventions, ceux
qui sont pour, ceux qui sont contre, je continue à chercher où
est la faille dans mon raisonnement et le présent texte est
un appel à réfléchir et à progresser : si vous sentez
une faille, parlons-en, s’il vous plaît, tranquillement,
honnêtement, c’est très important. Je peux me tromper, je
cherche sincèrement à l’éviter, réfléchissons ensemble,
si vous le voulez bien.
Je
sens que c’est ma mission de professeur de droit d’en
parler un peu plus que les autres, d’en parler à mes collègues,
mais aussi à mes élèves, aussi aux journalistes. Je serais
complice si je restais coi.
J’ai
ainsi trouvé plus de dix raisons graves de s’opposer à ce
texte extrêmement dangereux, et encore dix autres raisons de
rejeter un texte désagréable, pas fraternel du tout en réalité.
Mais les cinq raisons les plus fortes, les plus convaincantes,
celles qui traversent toutes les opinions politiques parce
qu’elles remettent en cause carrément la possibilité
d’avoir une réflexion politique, me sont apparues
tardivement car il faut beaucoup travailler pour les mettre en
évidence. Ce sont ces raisons-là, les cinq plus importantes,
sur lesquelles je voudrais attirer votre attention et
solliciter votre avis pour que nous en parlions ensemble,
puisque les journalistes nous privent de débats publics.
Dans
cette affaire d'État, les fondements du droit constitutionnel sont bafoués, ce qui
rappelle au premier plan cinq principes transmis par nos aïeux.
Les principes 4 et 5 sont les plus importants.
1.
1.
Une
Constitution doit être lisible pour permettre un vote
populaire : ce texte-là est illisible.
2.
2.
Une
Constitution doit être politiquement neutre : ce texte-là
est partisan.
3.
3.
Une
Constitution est révisable : ce texte-là est verrouillé
par une exigence de double unanimité.
4.
4.
Une
Constitution protège de la tyrannie par la séparation des
pouvoirs et par le contrôle des pouvoirs : ce texte-là
organise un Parlement
sans pouvoir face à un exécutif tout puissant et largement
irresponsable.
5.
5.
Une
Constitution n’est pas octroyée par les puissants, elle est
établie par le peuple lui-même, précisément pour se protéger
de l’arbitraire des puissants, à travers une assemblée
constituante, indépendante, élue pour ça et révoquée après :
ce texte-là entérine des
institutions européennes qui ont été écrites depuis
cinquante ans par les hommes au pouvoir, à la fois juges et
parties.
Premier
principe de droit constitutionnel : une Constitution
est un texte lisible.
Le "traité
constitutionnel" est beaucoup trop long[i][1]
: 852 pages A4, une ramette et demie. Cette
longueur est unique au monde pour une Constitution, ce qui la
rend simplement illisible.
Cette longueur
interdit la critique. C’est tout sauf un détail.
Les 75%
d’espagnols votants qui ont approuvé ce texte, comme les
60% qui se sont abstenus,
ne l'ont pas lu : ni les ministres,
ni les parlementaires,
ni les professeurs,
ni les journalistes, ni les citoyens, qui ont tous
autre chose à faire : qui a le temps matériel de lire
850 pages A4 ? Il suffit de se poser la question pour
soi-même : ce n’est pas différent pour les autres.
Ces
citoyens prennent ainsi le risque majeur, pour eux, mais aussi
pour leurs enfants et leurs petits enfants, de découvrir trop
tard ce qu'ils ne pourront plus changer.
Il
faut évidemment lire et comprendre ce que l'on signe.
Ou
bien, on refuse de signer.
Même s'il était
simple (et il ne l'est pas),
un texte aussi long ne permet pas de le juger avec
discernement.
Et pourtant, il
faut bien avoir un avis. Comment faire pour avoir un avis sur
un texte qu'on ne peut pas lire ?
En s’alignant sur "les autres", on se
rassure, comme les
moutons de Panurge.
Cette longueur
extravagante est, par elle-même, non démocratique : on éloigne ainsi les curieux.
On observe ces temps-ci comme cette vieille technique
obscurantiste marche bien : l’unanimisme ambiant repose
sur des malentendus rendus possibles par un texte illisible.
Une
Constitution est la loi fondamentale, elle doit pouvoir être lue
par tous, pour être approuvée ou rejetée en
connaissance de cause.
N’est-ce pas
une mission des professeurs de droit, mais aussi des
journalistes, de l'expliquer aux citoyens, jeunes et vieux ?
Deuxième
principe de droit constitutionnel : une Constitution est un
texte neutre, elle permet le débat politique sans en imposer l'issue
Une Constitution
démocratique n'est pas de droite ou de gauche, elle n'est pas
socialiste ou libérale, une Constitution n'est pas partisane :
elle rend possible le débat politique, elle est au-dessus du débat
politique.
À l’inverse,
ce "traité constitutionnel", en plus de fixer la règle
du jeu politique, voudrait fixer le jeu lui-même !
En
imposant dans toutes ses parties[ii][2]
(I, II et surtout III) des contraintes et références libérales,
ce texte n'est pas neutre politiquement, il impose pour
toujours des choix de politique économique qui doivent évidemment
dépendre du débat politique quotidien, variable selon la
conjoncture.
Notamment, ce
texte confirme pour toujours que l’Europe se prive elle-même
des trois principaux leviers économiques qui permettent à
tous les États du monde de gouverner : pas de politique
monétaire (banque centrale indépendante, n’ayant comme
seule mission, constitutionnelle, intangible, que la lutte
contre l’inflation et aucunement l’emploi ou la croissance[iii][3]),
pas de politique budgétaire (pacte de stabilité[iv][4])
et pas de politique industrielle (interdiction de toute
entrave à la concurrence[v][5],
donc interdiction d’aider certains acteurs nationaux).
C’est une politique de l’impuissance économique[vi][6]
qui est ainsi institutionnalisée, imposée
pour longtemps.
Ce texte
infantilise les citoyens d'Europe : il nous prive tous de
l'intérêt de réfléchir à des alternatives. À quoi bon
continuer le débat politique, en effet, puisque toute
alternative réelle est expressément interdite dans le texte
suprême ?
Mise à part la
constitution soviétique (qui imposait, elle aussi, une
politique, le collectivisme), cette constitution partisane
serait un cas unique au monde.
N’est-ce pas
une mission des professeurs de droit, mais aussi des
journalistes, de l'expliquer aux citoyens, jeunes et vieux ?
Troisième
principe de droit constitutionnel : une Constitution démocratique
est révisable
Le "traité
constitutionnel" est beaucoup trop difficilement révisable[vii][7] :
pour changer une virgule à ce texte, il faut d'abord
l'unanimité des gouvernements pour tomber d'accord sur un
projet de révision, puis il faut l'unanimité des peuples
(parlements ou référendums) pour le ratifier.
Avec
25 États, cette procédure
de double unanimité est une vraie garantie
d'intangibilité pour les partisans de l'immobilisme.
Ce texte est pétrifié dès sa naissance.
C'est
inacceptable pour une Constitution[viii][8]
et ce serait, là encore, un cas unique au monde.
Mettre en avant
le mot "traité" pour prétendre que l'unanimité
est normale (ce qui est vrai en matière de traités) est
malhonnête : cette supercherie de l'oxymore "Traité
constitutionnel" (assemblage de mots contradictoires)
permet ainsi, en jouant sur les mots, de créer une
nouvelle norme suprême en s'affranchissant de la lourde procédure
constituante.
Le "traité
constitutionnel" est exécutoire sans limitation de durée[ix][9],
il s’impose sur presque tous les sujets essentiels à la vie
des gens, et sa force juridique est supérieure à toutes nos
normes nationales (règlements, lois, Constitution), et même
à tous nos traités[x][10].
Ce texte n'est évidemment pas un simple traité comme ceux
qui l’ont précédé. C'est une tromperie de le prétendre.
Avec le
"traité constitutionnel", notre
Constitution nationale devient un texte de rang inférieur au
moindre règlement européen10 et ne nous protège donc plus de rien dans tous les domaines où
l'Europe prend le pouvoir, c’est-à-dire presque partout[xi][11].
Pour l'entrée
d'un nouvel État dans l'UE, la règle de l’unanimité est
une protection, mais ce n'est pas l'unanimité des peuples
consultés par référendum qui est requise : c'est
d’abord l’unanimité des 25 représentants des
gouvernements (dont beaucoup ne sont pas élus, et dont aucun
ne l'est avec le mandat de décider sur ce point essentiel),
puis l’unanimité des États selon leur procédure nationale
de ratification[xii][12].
Seuls les pays qui ont une procédure référendaire, et la
France en fait partie, verront donc leur peuple directement
consulté.
Tout indique que
la volonté des peuples compte de moins en moins pour ceux qui
les gouvernent.
N’est-ce pas
une mission des professeurs de droit, mais aussi des
journalistes, de l'expliquer aux citoyens, jeunes et vieux ?
Quatrième
principe de droit constitutionnel : une Constitution démocratique
garantit contre l'arbitraire en assurant à la fois la séparation
des pouvoirs et le contrôle des pouvoirs
L'esprit
des lois décrit par Montesquieu est sans
doute la meilleure idée de toute l'histoire de
l'Humanité : tous les pouvoirs tendent naturellement, mécaniquement,
à l'abus de pouvoir. Il est donc essentiel, pour protéger
les humains contre la tyrannie, d'abord de séparer les
pouvoirs, et ensuite d'organiser le contrôle des
pouvoirs : pas de confusion des pouvoirs, et pas de
pouvoir sans contre-pouvoirs.
|
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Ainsi le peuple
dit : « Toi,
tu fais les lois, mais tu ne les exécutes pas. Et toi, tu exécutes
les lois, mais tu ne peux pas les écrire toi-même. »
Ainsi, aucun pouvoir n’a, à lui seul, les moyens de devenir
un tyran.
« D’autre
part, si l’un des pouvoirs estime que l’autre a un
comportement inacceptable, il peut le révoquer :
l’assemblée peut renverser le gouvernement, et le
gouvernement peut dissoudre l’assemblée. Dans les deux cas,
on en appelle alors à l’arbitrage (élection) du peuple qui
doit rester la source unique de tous les pouvoirs. »
C’est ça, la
meilleure idée du monde, la source profonde de notre quiétude
quotidienne.
Foulant aux pieds
ces principes fondateurs de la démocratie, le "traité
constitutionnel" entérine au contraire l'attribution de
tous les pouvoirs au couple exécutif Conseil des ministres +
Commission : c’est ainsi que le pouvoir législatif
(l’exécutif européen a l’exclusivité de l'initiative
des lois ![xiii][13]),
le pouvoir exécutif, et le pouvoir judiciaire (c'est l’exécutif
qui intente, ou pas, les actions en justice aux fins de
respect de la Constitution[xiv][14])
sont dans les mêmes mains !
Avec
la confusion des pouvoirs, c’est un premier rempart
essentiel contre la tyrannie qui nous échappe !
Avec une certaine
cohérence, ce texte prive aussi le Parlement européen des
pouvoirs élémentaires et essentiels que lui confère
pourtant traditionnellement son élection au suffrage
universel direct : le parlement européen n'a pas
l'initiative des lois.
Ceci est un vice
rédhibitoire, absolument pas négociable. Si on laisse passer
ça, on est fous.
Le Parlement
européen n'a également aucun
moyen sérieux de contrôler et d'infléchir la politique menée
par l'exécutif. Dans
le meilleur des cas, il légifère en codécision[xv][15].
Il y a même une série de sujets qui lui échappent
totalement ![xvi][16]
Nombreux sont les
"responsables" de l'exécutif européen, à
commencer par les commissaires[xvii][17],
mais surtout le Conseil des ministres, qui créent des normes
contraignantes et n'ont pourtant de comptes à rendre à
personne au Parlement. Un
pouvoir immense sans contre-pouvoirs.
Le Parlement
européen ne peut pas mettre en cause un commissaire, il ne
peut que révoquer en bloc la commission et seulement pour un
usage pénal, pas pour sanctionner la politique de la
commission, ce qui limite considérablement son influence. Le
Parlement européen ne peut pas renverser le Conseil des
Ministres qui est donc absolument irresponsable.
Exemple de la
toute puissance des commissaires : le commissaire chargé
du commerce international est le représentant unique de l’Union
dans toutes les négociations internationales (OMC et autres).
À lui seul, cet homme concentre donc un pouvoir vertigineux.
C’est à ce titre qu’il négocie l’AGCS (Accord général
sur les services, version mondiale de la directive Bolkestein)
au nom de tous les européens, mais dans le plus grand secret :
il ne rend aucun compte au Parlement des négociations qu’il
mène sur un accord qui va pourtant profondément changer la
vie de tous les européens, et le Parlement ne peut pas lui
imposer de rendre des comptes[xviii][18].
On peut donc déjà observer des signes tangibles d’une dérive
de type tyrannique. Et le "traité constitutionnel"
verrouille pour longtemps un déséquilibre institutionnel qui
le permet.
L’affaiblissement
du contrôle parlementaire, c’est un deuxième rempart
essentiel contre la tyrannie qui disparaît.
C'est ce que,
depuis vingt ans, les manuels scolaires des étudiants en
sciences politiques appellent pudiquement le "déficit
démocratique" de l'UE. Un terme bien anodin pour
désigner en fait une trahison des peuples, trop confiants en
ceux qu'ils ont désignés pour les défendre.
Toutes les
conversations des citoyens devraient analyser ce recul
historique, ce cancer de la démocratie : dans
les institutions européennes, le Parlement, seule instance porteuse de la souveraineté populaire
par le jeu du suffrage universel direct, est privé à
la fois de son pouvoir normatif et de son pouvoir de
contrôle, pendant que la confusion des pouvoirs la plus
dangereuse est réalisée dans les mains d'un exécutif
largement irresponsable.
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C'est la porte
grande ouverte à l'arbitraire.
Comment les
analystes et commentateurs peuvent-ils glisser là-dessus
comme si c'était secondaire ? C'est l'Europe à tout
prix ? N'importe quelle Europe ? Même non démocratique ?!
On n'a pas le droit d'en parler sans être qualifié d’antieuropéen ?
On nous dit :
« ce texte est
meilleur qu’avant, il faudrait être idiot pour refuser de
progresser ». C’est masquer qu’avec ce texte, on
ne ferait pas que progresser : on figerait,
on bloquerait, on entérinerait, on renforcerait, on donnerait pour la première fois une caution populaire aux
auteurs du texte qui s’en sont dispensés jusque-là, on
voit pour quel résultat.
Même mieux
qu’avant, le texte proposé est absolument inacceptable, très
dangereux.
Montesquieu doit
se retourner dans sa tombe.
Les partisans du
traité présentent comme une avancée majeure le fait que désormais,
avec ce texte, le Parlement votera le budget[xix][19].
Est-ce qu'on se rend compte de la gravité de la situation ?
Aujourd'hui, le Parlement européen ne vote même pas le
budget ! Il faut garder à l’esprit que, si le
Parlement est faible, ce sont les citoyens qui sont faibles.
L'avancée (réelle)
sur le budget est une manœuvre qui ne doit pas masquer
l'inacceptable faiblesse : si les citoyens valident
eux-mêmes que leur Parlement n'ait définitivement pas
l'initiative des lois, ils se font politiquement hara-kiri.
Triste paradoxe
que ces peuples, mal informés, qui acceptent eux-mêmes
le recul du contrôle parlementaire, c’est-à-dire du
rempart fondamental qui les protège de l’injuste loi du
plus fort.
Il deviendrait
alors inutile, pour les citoyens, d'avoir une réflexion et
une opinion politique dès lors que disparaîtrait
la courroie de transmission du Parlement (la seule qui transforme
nos opinions politiques individuelles en décisions et en
normes juridiques générales).
Ceux qui
claironnent la naissance d'un référendum d'initiative
populaire à l'initiative d'un million de citoyens[xx][20]
sont des menteurs ou ne savent pas lire : le traité ne définit
qu'un misérable droit de pétition sans aucune force contraignante pour la
Commission qui n'est qu'invitée à réfléchir et qui
peut parfaitement jeter la proposition à la poubelle sans se
justifier[xxi][21].
De la même façon,
les beaux principes généraux
et généreux, claironnés partout, privés de leurs modalités
pratiques d'application, n'ont
pas de force contraignante et font ainsi illusion.
Partout, ce texte
est en trompe-l'œil pour masquer une maladie mortelle pour la
démocratie : progressivement et subrepticement, en
affirmant le contraire sans vergogne, les
exécutifs nationaux, de droite comme de gauche, à l'occasion
de la naissance de l'Europe, sont en train, en cinquante ans,
de s'affranchir du contrôle parlementaire.
Les
hommes politiques au pouvoir ne sont pourtant pas
propriétaires de la souveraineté populaire qu'ils
n’incarnent que temporairement : ni le
gouvernement ni le parlement ne peuvent l'abdiquer (ou
la confisquer) ; seul le peuple, lui-même,
directement et en connaissance de cause, le peut.
|
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De
ce point de vue, les nombreux gouvernements qui ont fait
ratifier ce texte par leur Parlement national[xxii][22],
plutôt que par leur peuple (référendum), signent une
véritable forfaiture : les peuples de ces pays sont
ainsi privés à la fois du débat et de l’expression
directe qui leur aurait permis de résister au recul du
contrôle parlementaire qui les expose immanquablement aux
tyrans à venir.
C’est une juste
cause d’émeute[xxiii][23].
Ce mépris des
peuples et de leurs choix réels est très révélateur du
danger qui grandit dans la plus grande discrétion : nos
élites, de droite comme de gauche, se méfient de la démocratie
et nous en privent délibérément, progressivement et
insidieusement.
N’est-ce pas
une mission des professeurs de droit, mais aussi des
journalistes, de l'expliquer aux citoyens, jeunes et vieux ?
Cinquième
principe de droit constitutionnel : une Constitution démocratique
est forcément établie par une assemblée
indépendante des pouvoirs en place
Une Constitution
n’est pas octroyée au peuple par les puissants.
Elle est définie par le peuple lui-même, précisément
pour se protéger de l’arbitraire des puissants.
À l’inverse,
les institutions européennes ont été écrites (depuis
cinquante ans) par les hommes politiques au pouvoir qui
sont donc évidemment juges et parties : de droite
comme de gauche, en fixant eux-mêmes les contraintes qui
allaient les gêner tous les jours, ces responsables ont été
conduits, c'est humain mais c'est aussi prévisible, à une
dangereuse partialité.
C'est, là
encore, un cas unique au monde, pour une démocratie.
Et on observe les
résultats comme une caricature de ce qu'il faut éviter :
un exécutif tout puissant et un Parlement fantoche, une
apparence de démocratie avec des trompe-l'œil partout, mais
un recul réel et profond du contrôle parlementaire, de la
souveraineté des peuples et de la garantie contre
l'arbitraire.
La
seule voie crédible pour créer un texte fondamental équilibré
et protecteur est une assemblée constituante, indépendante
des pouvoirs en place, élue pour élaborer une Constitution,
rien que pour ça, et révoquée après.
C'est
aux citoyens d'imposer cette procédure si les
responsables politiques tentent de s'en affranchir.
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La composition
assez variée de la Convention Giscard n'est pas un
argument satisfaisant : cette convention est une mauvaise
parodie, on est à mille lieues d'une assemblée Constituante :
ses membres n'ont pas été élus avec ce mandat, ses membres
n'étaient pas tous indépendants des pouvoirs en place, ils
n'avaient pas les pouvoirs pour écrire un texte équilibré
et démocratique : ils ont simplement validé, compilé
(et légèrement modifié) les textes antérieurs écrits par
des acteurs à la fois partisans et partiaux.
La réécriture du texte par les
gouvernants au pouvoir, pendant encore une année après
que la Convention ait rendu sa proposition, est une énormité
de plus, sous l’angle constitutionnel[xxiv][24].
Tous les vices
antidémocratiques du "traité constitutionnel"
viennent sans doute de cette erreur centrale, commise depuis
l'origine, sur la source du droit fondamental, qui ne
peut être qu'une assemblée constituante indépendante, élue
sur ce seul mandat.
N’est-ce pas
une mission des professeurs de droit, mais aussi des
journalistes, de l'expliquer aux citoyens, jeunes et vieux ?
Conclusion
Finalement, ce
"traité constitutionnel" est un détonateur, un
révélateur, qui met en lumière ce qui se trame discrètement
depuis longtemps.
D'une certaine façon,
le loup est sorti du
bois et les citoyens peuvent enfin voir le grand danger,
et résister.
Une des erreurs
majeures, c’est de faire passer l’économique avant le
politique, c’est de confier la barre aux économistes alors
qu’ils devraient rester dans les soutes pour faire tourner
le moteur.
En prônant la
liberté comme une valeur supérieure, au lieu de la fraternité,
en détruisant la régulation par l’État, gardien de
l’intérêt général, pour instaurer la régulation par le
marché, somme d’intérêts particuliers, les économistes
libéraux s’en prennent aux fondements de la démocratie
pour affranchir les principaux décideurs économiques de tout
contrôle.
La dérégulation
systématique menée en Europe (institutions, politique et
verrou de la Constitution), et plus généralement sur la
terre entière (OMC, AGCS, ADPIC) est un recul de la
civilisation, un retour vers la barbarie de la loi du plus
fort[xxv][25].
Par optimisme,
par crédulité, par indifférence, les peuples modernes
laissent s'affaiblir leur bien le plus précieux, très rare
sur cette planète, celui qui conditionne leur sérénité
quotidienne : les différentes protections contre
l'arbitraire des hommes forts, depuis le cœur des entreprises
(droits sociaux) jusqu'à la patrie (institutions démocratiques
contrôlées et révocables).
La démocratie
n'est pas éternelle, elle est même extrêmement fragile. En
la croyant invulnérable, nous sommes en train de la laisser
perdre.
Même après
le refus de ce texte-là, il faudra se battre pour la garder,
et continuer à militer pour imposer à nos représentants de
construire une autre Europe, simplement démocratique.
Mais ce texte
fondateur en trompe-l'œil est présenté aux citoyens à
travers un débat lui aussi en trompe-l'œil[xxvi][26].
De nombreux
journalistes, en assimilant les opposants au texte à des
opposants à l'Europe, font un amalgame malhonnête : la
double égalité "Oui au traité=Oui à l'Europe, Non
au traité=Non à l'Europe" est un
mensonge insultant, une inversion de la réalité, un
slogan trompeur jamais démontré, fait pour séduire ceux
qui n'ont pas lu le traité et qui n'ont pas étudié les
arguments, pourtant très forts, de ceux qui s’opposent à
ce traité précisément pour protéger la perspective d’une
Europe démocratique.
La
responsabilité des journalistes est ici historique :
n'y aura-t-il en France aucun journaliste honnête pour faire
écho de façon équitable
aux deux positions proeuropéennes, oui et non ?
N'y aura-t-il en
France aucun journal, aucune émission, pour organiser les débats
contradictoires indispensables pour se forger une opinion
éclairée ?
C'est, pour
l'instant, l'Internet
qui est le média le plus démocratique, non censuré, le
meilleur outil pour résister. Si ce message vous semble
utile, diffusez-le vite dans vos propres réseaux et au-delà
de l’Internet, sur papier.
On ne naît
pas citoyen : on le devient.
N’est-ce pas
une mission des professeurs de droit, mais aussi des
journalistes, de l'expliquer aux citoyens, jeunes et vieux ?
À l’heure de
choix aussi essentiels, difficiles et dangereux que ceux qui
fondent une Constitution, à quoi servent donc les
journalistes ?
À
quoi servent les professeurs de droit ?
Étienne Chouard,
Marseille.
http://etienne.chouard.free.fr/Europe
Post
scriptum (3 avril 2005) :
Ce
texte a eu un succès inattendu et a suscité des milliers de
réactions. Des centaines de messages me sont parvenus en
quelques heures, presque toujours enthousiastes, parfois
critiques, ce qui m’a permis de progresser. Certaines
questions, des doutes aussi, reviennent dans les messages et
je voudrais ici, d’un mot, y répondre pour anticiper les
prochaines.
Je
suis professeur de droit, d'économie et d'informatique, en
BTS, dans un lycée de Marseille, j'ai 48 ans, quatre enfants,
je n'appartiens à aucun parti, syndicat ou association. Dans
ma vie, j'ai fait beaucoup plus de parapente que de politique
où je suis vierge, (un débutant absolu qui s’est "réveillé"
il y a six mois), et où je ne ferai pas de vieux os (le vol
libre est une drogue dure qui me rappellera vite à elle).
Je
ne suis donc le "sous-marin" de personne (question
marrante reçue récemment).
Je suis un simple citoyen,"de base"… :o)
J’ai
reçu des propositions de publication sur des sites ou dans
des revues que j’ai acceptées sans contrôler que la CIA ou
le KGB n’agisse en sous-main. De nombreux sites ont déjà
publié des liens vers ce texte, parfois sans m’en parler,
et ils font bien.
Je
voudrais anticiper sur les probables calomnies à venir, à
base d’étiquetage politique hâtif en vue d’un discrédit
facile. Je ne suis pas un homme politique, je n’aspire pas
à le devenir, je ne prétends pas non plus être juriste pour
imposer mon point de vue de façon prétentieuse mais pour
expliquer ma démarche, d’ailleurs je ne suis pas vraiment
juriste, j’ai surtout une formation de juriste, ce n’est
pas important : je voudrais que le débat reste concentré
sur le fond des problèmes sans dériver sur de stériles et
parfois malveillantes querelles de personne ou procès
d’intention dont les commentateurs politiques ont le secret.
S’il
vous plaît, fiez-vous surtout aux idées et arguments,
abordez le débat comme si votre interlocuteur était de bonne
foi, sans noires arrière-pensées,
et ne vous laissez pas polluer l’analyse par des considérations
parasites.
Ce
débat important appartient au commun des mortels,
c'est la beauté de la démocratie, ne
le laissez pas confisquer par de soi-disant experts.
Lisez, réfléchissez et prenez la parole sans
complexes :o)
Ne
me reprochez pas les erreurs éventuelles comme si j'étais
malhonnête : elles sont prévisibles, prévues, et pas
du tout définitives si on recherche sincèrement à
identifier les vrais enjeux de ce traité : admettez que
la tâche est rude avec ce texte complexe et sibyllin, et
qu'on est beaucoup plus forts à plusieurs pour affiner une
critique qui deviendra (peut-être) finalement irréfutable.
Enfin,
vous avez compris que ce
texte évolue, s’améliore, au gré de vos
contributions, il est donc daté. Pour le faire circuler, envoyez donc de préférence un
lien vers le site, plutôt qu’un document pdf
figé, pour être sûr que ce soit la version la plus récente
qui circule.
Merci
à tous pour votre aide et votre soutien :o)
ÉC
Parmi
les livres et articles que j’ai lu depuis six mois, tous
profondément proeuropéens, certains aident particulièrement
à se forger une opinion construite et solidement argumentée contre
ce texte dangereux, et plus généralement sur la construction
européenne et la dérégulation mondiale :
·
·
Raoul
Marc Jennar, « Europe,
la trahison des élites »,
280 pages, décembre 2004, Fayard : pour un réquisitoire
rigoureux et passionnant. Une étude consternante des rouages
européens et des dérives foncièrement antidémocratiques de
cette Europe qui ment tout le temps.
Comment la défense des intérêts privés des grands
groupes a d’ores et déjà pris la place de celle de l’intérêt
général. Les chapitres sur l’OMC, l’AGCS et l’ADPIC
sont absolument é-di-fiants. Un livre essentiel, à lire
d’urgence.
·
·
Anne-Marie
Le Pourhiet, professeur de droit public,
a écrit dans le Monde, le 11 mars 2005, un article très
puissant qui résume parfaitement l’essentiel de
l’essentiel : « Qui
veut de la post-démocratie ? » : http://www.lemonde.fr/web/imprimer_article/0,1-0@2-3232,36-401231,0.html.
Un article court (une page) et très dense : important,
percutant, à lire absolument.
·
·
Raoul
Marc Jennar, « Quand
l’Union Européenne tue l’Europe », 40
pages, janvier 2005 : brochure résumant un argumentaire
serré contre le "traité constitutionnel". Également
un DVD où Jennar présente lui-même, de façon pédagogique, très
posée, trois exposés sur l’AGCS,
la directive Bolkestein
et le traité
constitutionnel. On y sent très fortement la terrifiante cohérence
qui relie ces textes. Documents importants disponibles sur www.urfig.org.
·
·
Jean-Claude
Fitoussi, économiste,
« La politique de l’impuissance », 160 pages, janvier
2005, Arléa : un passionnant petit livre d’entretiens
avec Jean-Claude Guillebaud pour comprendre comment l’Europe
abandonne sciemment la démocratie et renonce à
l’intervention économique des États.
·
·
Jacques
Généreux,
économiste, « Manuel critique du parfait européen – Les bonnes raisons de
dire "non" à la constitution », 165
pages, février 2005, Seuil : encore un excellent petit
livre, très clair, vivant, incisif, très argumenté, avec
une tonalité à la fois économique et très humaine.
Encore un enthousiasmant plaidoyer pour une vraie Europe !
·
·
Yves
Salesse, membre du Conseil d’État, « Manifeste pour une autre Europe », 120 page, janvier
2005, Le Félin : un argumentaire précis, rigoureux,
constructif. Agréable à lire et très instructif.
·
·
Yves
Salesse a également rédigé, lui aussi, un article plus
court qui résume en 10 pages son analyse : « Dire
non à la "constitution" européenne pour construire
l’Europe » :
http://www.fondation-copernic.org/Flash-septembre2004.pdf.
·
·
Ces
temps-ci, une source majeure d’information non censurée, très
orientée politiquement (à gauche), mais absolument
foisonnante, est le
site portail www.rezo.net.
J’y trouve chaque jour au moins un document passionnant.
·
·
Bernard
Maris,
« Ah Dieu !
Que la guerre économique est jolie », novembre
1999, Albin Michel : pour une démonstration de
l’imposture de "l’indispensable guerre économique",
avec un parallèle très convaincant avec la guerre de 1914 :
comme d’habitude,
la guerre n'est pas inévitable, et ceux qui poussent à faire
la guerre ne sont pas ceux qui se battent et qui souffrent. Un bel appel à la désertion.
À mettre en parallèle avec la religion de la concurrence
(compétition) sans entrave, rabachée par le "traité
constitutionnel" qui, finalement, monte les États et les
peuples les uns contre les autres, à coups de dumping social,
fiscal, et environnemental.
·
·
Joseph
E. Stiglitz, « La grande désillusion »,
324 pages, sept. 2003, Fayard : un pavé dans la mare :
un grand économiste libéral, patron de la banque mondiale,
qui a travaillé avec les plus grands hommes de ce monde, et
qui décrit en détail le dogmatisme aveugle et criminel des technocrates
libéraux du FMI et ses conséquences sur les économies et
les peuples. Un
style soigné, 0% de matière grasse.
Un grand bouquin, une référence. À lire.
·
·
Agnès
Bertrand et
Laurence Kalafatides,
« OMC, le pouvoir
invisible », 325 pages, juillet 2003, Fayard :
un livre palpitant et éclairant pour comprendre les objectifs
et les moyens de cette énorme machine à déréguler que sont
le GATT puis l’OMC, outils
de contrainte pour les États mais jamais pour les entreprises.
Ce livre permet de ressentir fortement la parfaite cohérence
qui existe entre les objectifs et les influences de l’OMC et
ceux de la construction européenne actuelle.
·
·
Pour
comprendre la logique d’ensemble de ce qui prend forme au
niveau planétaire, il faut lire l’article à la fois
terrifiant et lumineux de Lori M. Wallach, « Le nouveau manifeste du capitalisme mondial »,
dans Le Monde Diplomatique de février 1998, à propos de l’Accord Multilatéral sur l’investissement (AMI), (une de ces « décisions
Dracula », appelées ainsi parce qu’elles ne
supportent pas la lumière, tellement elles sont évidemment
inacceptables) : http://www.monde-diplomatique.fr/1998/02/WALLACH/10055.
On y perçoit clairement, comme grâce à une caricature, la
logique qui sous-tend de nombreux textes et accords essentiels
en préparation aujourd’hui : AGCS, Construction européenne
libérale, OMC, ADPIC, directive Bolkestein, etc.
La parenté de tous ces textes devient évidente :
un redoutable « air de famille ».
O
O
O
O
O
NOTES
[i][1]
Constitution européenne : Comment se procurer le
texte intégral ?
http://www.constitution-europeenne.fr
À lire avant de voter :
a/ Le traité
établissant une Constitution pour l’Europe - 349 pages.
b/ Les protocoles
et annexes I et II - 382 pages. Document nommé "Addendum
1 au document CIG 87/04 REV 1.
c/ Les déclarations
à annexer à l’acte final de la CIG et l’acte final -
121 pages. Doc. Nommé "Addendum 2 au document CIG
87/04 REV 2.
Total : 349 + 382 + 121 = 852
pages.
Pourtant, tout n’y figure pas : des définitions
aussi essentielles que celle des SIEG, services d’intérêt
économique général, (cités aux art. II-96, III-122,
III-166), à ne surtout pas confondre avec les services
publics, ne figurent pas dans les 852 pages : il
faut, par exemple, consulter le "livre blanc" de
la Commission pour apprendre que les SIG et SIEG n’ont rien
à voir avec les services publics…
Rappel : à titre de comparaison, les Constitutions françaises
et américaines font chacune environ 20 pages.
Autres unités de mesure, moins sujettes à variation
typographique, les mots et les caractères : la
Constitution européenne contient 70 904 mots (soit
14,7 fois plus que la Constitution française) et 441 895
caractères (contre 46 515).
[ii][2]
Les instructions impératives de type politique
sont trop nombreuses pour les citer toutes.
Entre autres, plus de trois cents articles de la
partie III fixent en détail les politiques économiques
de l’Union.
[iii][3]
Indépendance et missions de la banque centrale :
art.
I-30 : « §1
(…) La Banque centrale européenne et les banques
centrales nationales des États membres dont la monnaie
est l'euro, qui constituent l'Eurosystème, conduisent la
politique monétaire de l'Union. §2. Le Système
européen de banques centrales est dirigé par les organes
de décision de la Banque centrale européenne. L'objectif
principal du Système européen de banques centrales est
de maintenir la stabilité des prix. Sans préjudice
de cet objectif, il apporte son soutien aux politiques économiques
générales dans l'Union pour contribuer à la réalisation
des objectifs de celle-ci.
Il conduit toute autre mission de banque centrale conformément
à la partie III et au statut du Système européen de
banques centrales et de la Banque centrale européenne. §3.
La Banque centrale européenne est une institution. Elle a
la personnalité juridique. Elle est seule habilitée à
autoriser l'émission de l'euro. Elle est indépendante dans l'exercice de ses pouvoirs et dans la
gestion de ses finances. Les institutions, organes et
organismes de l'Union ainsi que les gouvernements des États
membres respectent cette indépendance. » et art.
III-188 : « ni
la Banque centrale européenne, ni une banque centrale
nationale, ni un membre quelconque de leurs organes de décision
ne peuvent
solliciter ni accepter des instructions des
institutions, organes ou organismes de l'Union, des
gouvernements des États membres ou de tout autre
organisme. »
[iv][4]
Pacte de stabilité : art.
III-184 (2 pages) et art.
1 du protocole n°10 sur la procédure concernant
les déficits excessifs « Les
valeurs de référence visées à l'article III-184,
paragraphe 2, de la Constitution sont les suivantes: a) 3
% pour le rapport entre le déficit public prévu ou
effectif et le produit intérieur brut aux prix du marché;
b) 60 % pour le rapport entre la dette publique et le
produit intérieur brut aux prix du marché. »
[v][5]
Interdiction de fausser la concurrence : cette
interdiction est partout dans le texte, elle est formelle
et contraignante, également à l’encontre des services
publics : Art.
III-166 : « §1. Les États membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent
des droits spéciaux ou exclusifs, n'édictent
ni ne maintiennent aucune mesure contraire à la
Constitution, notamment à l'article I-4, paragraphe 2
[non discrimination],
et aux articles III-161 à III-169 [règles de concurrence]. §2.
Les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt
économique général ou présentant le caractère d'un
monopole fiscal sont soumises aux dispositions de la
Constitution, notamment
aux règles de concurrence, dans la mesure où
l'application de ces dispositions ne fait pas échec à
l'accomplissement en droit ou en fait de la mission
particulière qui leur a été impartie. Le développement
des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure
contraire à l'intérêt de l'Union. §3. La Commission veille à l'application du présent article et
adopte, en tant que de besoin, les règlements ou décisions
européens appropriés. »
[vi][6]
« La politique de l’impuissance » :
voir le petit livre lumineux de Jean-Claude Fitoussi qui démontre
cette dépossession progressive des responsables
politiques par méfiance de la démocratie.
Voir surtout le livre enthousiasmant de Jacques Généreux,
« Manuel
critique du parfait européen » qui proteste,
lui aussi, contre le sabordage des outils européens
d’intervention économique, et contre le dogmatisme
aveugle qui soutient cette folie unique au monde.
[vii][7]
Procédure de révision : art.
IV-443.3 : « Une
Conférence des représentants des gouvernements des États
membres est convoquée par le président du Conseil en vue
d'arrêter d'un
commun accord les modifications à apporter au présent
traité. Les modifications entrent en vigueur après avoir
été ratifiées par tous les États membres conformément à leurs règles
constitutionnelles respectives. »
[viii][8]
Rappel : l’article
28 de la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen de l’an I de la République française (1793) précisait :
« Un peuple a
toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa
Constitution. Une génération ne peut pas assujettir à
ses lois les générations futures. »
[ix][9]
Durée d’application du texte : Art. IV-446 : « Le
présent traité est conclu pour une durée
illimitée. »
[x][10]
Force supérieure
des normes européennes sur toutes les autres normes,
nationales et internationales : Art. I-6 : « La
Constitution et le droit adopté par les institutions de
l'Union, dans l'exercice des compétences qui sont
attribuées à celle-ci,
priment le droit
des États membres. »
Art.
I-12 :
« §1. Lorsque la Constitution attribue à l'Union
une compétence exclusive dans un domaine déterminé, seule l'Union peut légiférer et adopter des actes juridiquement
contraignants, les États membres ne pouvant le faire par
eux-mêmes que s'ils sont habilités par l'Union, ou pour
mettre en oeuvre les actes de l'Union. ».
Parmi
les compétences exclusives, voir l’art.I-13,
§1 : « e) la
politique commerciale commune. »…
Les
parlements nationaux sont ainsi totalement dépouillés,
par exemple, de la moindre capacité d’influencer les
accords commerciaux internationaux (AGCS, ADPIC et
autres avatars de l’OMC), alors que la vie des citoyens
est promise à des bouleversements majeurs à l’occasion
de ces accords qui se préparent dans la plus grande discrétion.
Art. I-33 :
« Les actes
juridiques de l'Union : Les institutions, pour
exercer les compétences de l'Union, utilisent comme
instruments juridiques, conformément à la partie III, la
loi européenne, la loi-cadre européenne, le règlement
européen, la décision européenne, les recommandations
et les avis.
La loi
européenne est un acte législatif de portée générale.
Elle est obligatoire
dans tous ses éléments et directement
applicable dans tout État membre.
La loi-cadre
européenne est un acte législatif qui lie tout État
membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout
en laissant aux instances nationales la compétence quant
au choix de la forme et des moyens.
Le règlement
européen est un acte non législatif de portée générale
pour la mise en oeuvre des actes législatifs et de
certaines dispositions de la Constitution. Il peut soit
être obligatoire dans tous ses éléments et directement
applicable dans tout État membre, soit
lier tout État membre destinataire quant au résultat à
atteindre, tout en laissant aux instances nationales
la compétence quant au choix de la forme et des moyens.
La décision
européenne est un acte non législatif obligatoire
dans tous ses éléments.
Lorsqu'elle désigne des destinataires, elle n'est
obligatoire que pour ceux-ci.
Les recommandations
et les avis n'ont pas d'effet contraignant. »
[xi][11]
Liste des domaines où l’Europe est compétente :
Article I-13 :
« Les domaines de compétence
exclusive : §1. L'Union dispose d'une compétence
exclusive dans les domaines suivants: a) l'union douanière;
b) l'établissement des règles de concurrence
nécessaires au fonctionnement du marché intérieur; c)
la politique monétaire pour les États membres dont la monnaie est l'euro;
d) la conservation des ressources biologiques de la mer
dans le cadre de la politique commune de la pêche;
e) la politique
commerciale commune.
§2. L'Union dispose également d'une compétence
exclusive pour la conclusion
d'un accord international lorsque cette conclusion est
prévue dans un acte législatif de l'Union, ou est nécessaire
pour lui permettre d'exercer sa compétence interne, ou
dans la mesure où elle est susceptible d'affecter des règles
communes ou d'en altérer la portée. » Article I-14 :
« Les domaines de compétence
partagée : (…) §2. Les compétences partagées
entre l'Union et les États membres s'appliquent aux
principaux domaines suivants: a) le marché intérieur; b) la politique
sociale, pour les aspects définis dans la partie III;
c) la cohésion économique,
sociale et territoriale; d) l'agriculture
et la pêche, à l'exclusion de la conservation des
ressources biologiques de la mer; e) l'environnement;
f) la protection
des consommateurs; g) les transports;
h) les réseaux transeuropéens; i) l'énergie;
j) l'espace de
liberté, de sécurité et de justice; k) les enjeux
communs de sécurité en matière de santé publique,
pour les aspects définis dans la partie III. (…)».
[xii][12]
Procédure de ratification pour l’entrée d’un
nouvel État dans l’UE : Article I-58 :
« Critères d'éligibilité et procédure
d'adhésion à l'Union : (…) §2. Tout État européen
qui souhaite devenir membre de l'Union adresse sa demande
au Conseil. Le Parlement européen et les parlements
nationaux sont informés de cette demande. Le
Conseil statue à l'unanimité après avoir consulté
la Commission et après approbation
du Parlement européen, qui se prononce à la majorité
des membres qui le composent. Les conditions et les
modalités de l'admission font l'objet d'un accord entre
les États membres et l'État candidat. Cet
accord est soumis par tous les États contractants à
ratification, conformément à leurs règles
constitutionnelles respectives. » Ces
derniers mots font dépendre du droit national la procédure
de ratification de l’entrée d’un nouveau membre.
En février 2005, le Parlement français, réunis en Congrès,
a changé la Constitution française pour que cette
ratification soit forcément soumise au référendum :
article 2 de la loi
de révision : « I. – Le titre XV de la
Constitution est complété par un article 88-5 ainsi rédigé
: "Art. 88-5. – Tout projet de loi autorisant la
ratification d’un traité relatif à l’adhésion
d’un État à l’Union européenne et aux Communautés
européennes est
soumis au référendum par le Président de la République."
» Quand
le texte précise « est soumis », c’est
obligatoire (en droit, l’indicatif vaut impératif).
[xiii][13]
Exclusivité de l’initiative des lois pour l’exécutif :
article
I-26 : « (…)
§2. Un acte législatif
de l'Union ne peut être adopté que sur proposition de la
Commission, sauf dans les cas où la Constitution en
dispose autrement. Les autres actes sont adoptés sur
proposition de la Commission lorsque la Constitution le prévoit. »
[xiv][14]
Pouvoir de lancer les procédures judiciaires ou
pas : Article
I-26 : « La
Commission européenne : §1. La Commission promeut
l'intérêt général de l'Union et prend les initiatives
appropriées à cette fin. Elle veille à l'application de la Constitution ainsi que des
mesures adoptées par les institutions en vertu de
celle-ci. Elle
surveille l'application du droit de l'Union sous le contrôle
de la Cour de justice de l'Union européenne. Elle exécute
le budget et gère les programmes. Elle exerce des
fonctions de coordination, d'exécution et de gestion
conformément aux conditions prévues par la Constitution.
À l'exception de la politique étrangère et de sécurité
commune et des autres cas prévus par la Constitution,
elle assure la représentation extérieure de l'Union.
Elle prend les initiatives de la programmation annuelle et
pluriannuelle de l'Union pour parvenir à des accords
interinstitutionnels. »
[xv][15]
Domaines où le Parlement est habilité à légiférer
en codécision ("procédure législative
ordinaire" de l’art. III-396) :
Art.
I-34, §1 : « Les
lois et lois-cadres européennes sont adoptées, sur
proposition de la Commission, conjointement par le
Parlement européen et le Conseil conformément à la
procédure législative ordinaire visée à l'article
III-396. Si les deux institutions ne parviennent pas à un
accord, l'acte en question n'est pas adopté. »
Pas de liste des domaines de codécision, donc,
apparemment : il faut partir à la pêche dans les
850 pages pour trouver les articles qui prévoient la procédure
législative ordinaire, et donc la codécision. Voir la
note suivante.
[xvi][16]
Domaines
exclusifs, où l’exécutif peut légiférer seul :
art. I-34,
§2 : « Dans
les cas spécifiques prévus par la Constitution, les lois
et lois-cadres européennes sont adoptées par le
Parlement européen avec la participation du Conseil ou
par celui-ci avec la participation du Parlement européen,
conformément à des procédures législatives spéciales.»
ici non plus, apparemment, pas de liste des "domaines réservés à l’exécutif-législateur"
(Montesquieu souffre sans doute dans sa tombe que cet
oxymore ose exister), donc : il faut partir à la pêche
dans les 850 pages pour trouver les articles qui prévoient
une procédure législative spéciale… Ces domaines étant
en quelque sorte une zone franche de contrôle parlementaire, on aimerait pourtant savoir
simplement quelles sont les matières concernées.
Ne trouvant pas ce que je cherchais dans mes 852 pages du
texte original, j’ai trouvé les explications suivantes
sur le site http://www.assemblee-nationale.fr/12/europe/rap-info/i1710.asp
:
« 2)
La généralisation de la "procédure législative
européenne" :
La Constitution étend sensiblement le champ d'application
de la procédure de codécision,
désormais nommée « procédure législative ordinaire »,
qui place le Parlement européen sur un pied d'égalité
avec le Conseil de l'Union.
Cette extension conduit à un net renforcement des
pouvoirs du Parlement européen puisque 27
domaines d'action de l'Union passent à la procédure législative,
et concernent principalement :
- le marché intérieur (art III-24, III-29, III-32, et
III-46-2) ;
- la gouvernance économique et l'Union économique et monétaire
(art. III-71-6 et III-79-5) ;
- la justice et les affaires intérieures (art. III-163,
III-166-2, III-167, III-171, III-172, III-173, III-177) ;
- la Cour de justice (art. III-264, III-269, III-289) ;
- le budget européen (art. III-318, III-319) ;
- les accords commerciaux (art III-217-2) ;
- l'agriculture (art. III-126-1, III-127-2).
Les nouvelles compétences reconnues à l'Union sont
toutes soumises à la procédure législative ordinaire,
ajoutant ainsi huit nouveaux domaines dans lesquels le Parlement européen légifère sur un pied d'égalité avec le Conseil :
- le sport (article III-182) ;
- la protection civile (article III-184) ;
- la propriété intellectuelle (article III-68) ;
- l'espace (article III-150) ;
- la coopération administrative (article III-185) ;
- les mesures nécessaires à l'usage de l'euro (article
III-83) ;
- les sanctions financières contre des personnes ou des
groupes criminels (article III-49) ;
- l'énergie (article III-157).
Dans les domaines qui restent soumis à une procédure
législative spéciale, le Parlement européen obtient
néanmoins un renforcement de ses pouvoirs :
- pouvoir d'initiative et dernier mot sur la loi définissant
les modalités d'exercice de son droit d'enquête (article
III-235);
- procédure d'approbation sur les modalités des «
ressources propres » (article I-53 § 4) au lieu d'une
simple consultation;
- procédure d'approbation sur l'extension des droits liés
à la citoyenneté (article III-13) ;
- pouvoir de consultation dans plusieurs
domaines où il n'avait aucun droit de regard
telles que les mesures nécessaires pour faciliter
la protection diplomatique et consulaire des citoyens de
l'Union (article III-11).
Par ailleurs, le Parlement européen devra être consulté en ce qui concerne :
- la décision du Conseil d'utiliser la « clause
passerelle » (article IV-7 bis) ;
- les mesures concernant les passeports, cartes d'identité,
titres de séjour, protection et sécurité sociale
(article III-9);
- le régime linguistique des titres de propriété
intellectuelle (article III-68).
Enfin, en matière d'accords internationaux, l'extension
de la procédure législative entraînera la procédure
d'approbation pour les accords portant sur ces domaines
(article III-226). »
On reste sur l’impression qu’il y a encore
des domaines où le Parlement n’a « aucun droit de
regard » (le seul fait que les concepteurs de l’Europe
aient pu imaginer de prévoir ça un jour fait froid dans
le dos), mais que personne n’insiste là-dessus… Quels
sont ces domaines ?
Ce traité est illisible, source de confusions.
Lu sur http://www.legrandsoir.info/article.php3?id_article=2157
: « Les 21 domaines dont le Parlement est exclu et où le Conseil des
ministres décide seul
sont d’une importance décisive : le marché
intérieur, l’essentiel de la Politique Agricole
Commune, le Tarif Douanier Commun, la Politique Étrangère
et de Sécurité Commune, la politique économique, la
politique sociale, la fiscalité... ». Interrogé
sur les sources de cette affirmation, l'auteur JJ
Chavigné m’a rapidement donné les n° d’articles
précis : « il
ne sera jamais écrit noir sur blanc que le Parlement est
exclu de la décision. Il faudra comprendre qu’il est
exclu lorsqu’un article de la Constitution précisera
que c’est le Conseil décide et/ou que le Parlement sera
simplement consulté. (JJC)»
Inquiétante
opacité du texte suprême qui devrait pourtant être
absolument clair, on voit bien ici pourquoi.
JJC continue : « Voilà
donc les domaines (ou les parties de domaine) les plus
importants où le Conseil décide seul et où le Parlement
n’est pas co-décideur : (JJC jusqu’à la
fin de la note 16) »
Politique Étrangère et de Sécurité Commune
Article
III-295 : Alinéa 1 : «
Le Conseil européen définit les orientations générales
de la politique étrangère et de sécurité commune, y
compris pour les questions ayant des implications en matière
de défense ».
Article
III-300, Alinéa 1 : «
Les décisions européennes visées au présent chapitre
sont adoptées par le Conseil statuant à l’unanimité
».
Alinéa
2 : «
Par dérogation au paragraphe 1, le Conseil statue à la
majorité qualifiée ».
Le rôle du Parlement est défini à l’article
III-304 : Alinéa 1 : «
Le ministre des affaires étrangères de l’Union consulte
et informe le Parlement européen… »
Alinéa
2 : «
Le Parlement européen peut adresser des questions
ou formuler des recommandations… »
Marché intérieur
Article
III-130-3 :
«
Le Conseil, sur proposition de la Commission adopte les règlements
ou décisions européens… »
Tarif Douanier
Commun :
Article
III-151-5 : «
Le Conseil sur proposition de la Commission adopte les règlements
ou décisions européens qui fixent les droits du tarif
douanier commun ».
Politique Agricole
Commune :
Article
III-231 : Alinéa 2 : «
La loi ou loi-cadre européenne établit l’organisation
commune des marchés… »
L’expression « Loi-cadre européenne », sans autre précision,
signifie que la procédure législative ordinaire, définie
à l’article III-396 s’applique. Il s’agit alors
d’une co-décision
du Conseil et du Parlement européen. Ce qui est un progrès par rapport aux traités précédents.
Mais :
Alinéa
3 : «
Le Conseil sur proposition de la Commission adopte les règlements
ou décisions européens relatifs à la fixation des prix,
des prélèvements, des aides et des limitations
quantitatives… ». Le
Conseil décide donc seul, sur proposition de la
Commission, des prix, des aides, des quotas…
Fiscalité :
Article
III-171 : «
Une loi-cadre européenne du Conseil établit les mesures
concernant l’harmonisation des législations relatives
aux taxes sur le chiffre d’affaires, aux droits
d’accises et autres impôts indirects, pour autant que
cette harmonisation soit nécessaire pour assurer l’établissement
ou le fonctionnement du marché intérieur et éviter des
distorsions de concurrence. Le Conseil statue à
l’unanimité, après consultation du Parlement européen
et du Comité économique et social ».
Social :
Il faut distinguer trois niveaux :
1er niveau :
domaine de co-décision :
Article
III-210-1 :
a-
L’amélioration du milieu de travail…
b- Les conditions de
travail.
e- L’information et
la consultation des travailleurs.
h- l’intégration
des personnes exclues du marché du travail
i- L’égalité
entre hommes et femmes.
j- La lutte contre
l’exclusion sociale
k- La modernisation
des systèmes de protection sociale, sans préjudice du
point c.
2ème niveau
: le Conseil décide seul :
Article
III-210-3 : «
… dans les domaines visés au paragraphe 1, point c, d,
f et g, la loi ou loi-cadre européenne est adoptée par
le Conseil statuant à l’unanimité, après consultation
du Parlement européen… »
c-
la sécurité sociale et la protection sociale des
travailleurs.
d- La protection des
travailleurs en cas de résiliation du contrat de travail.
f- La représentation
et la défense collective des intérêts des travailleurs
et des employeurs y compris la cogestion, sous réserve du
paragraphe 6.
g- Les conditions
d’emploi des ressortissants de pays tiers se trouvant en
séjour régulier sur le territoire de l’Union.
3ème niveau
: l’Union (que ce soit le Conseil seul ou le Parlement
avec le Conseil) n’est pas compétente :
Article
III-210-6 :
«
Le présent article ne s’applique ni aux rémunérations,
ni au droit d’association, ni au droit de grève, ni au
lock-out… »
Ce qui rend impossible tout Smic européen.
Ce qui vide de son contenu l’article II-210-3-f.
Ce qui vide de son contenu l’article II-88 : le droit de
grève ne pourra être imposé par l’Union à un
Etat-membre qui ne le prévoirait pas ou le retirait de sa
législation. Ce qui a l’avantage de ne pas, non plus,
imposer le « lock out » à une législation nationale
qui (telle la législation française) ne le reconnaîtrait
pas. (JJC)
[xvii][17]
Seule la Commission peut être renversée par le
Parlement, en bloc : Article
I-26, §8 : « La
Commission, en tant que collège, est responsable devant
le Parlement européen. Le
Parlement européen peut adopter une motion de censure de
la Commission conformément à l'article III-340. Si
une telle motion est adoptée, les membres de la
Commission doivent démissionner collectivement de leurs
fonctions et le ministre des Affaires étrangères de
l'Union doit démissionner des fonctions qu'il exerce au
sein de la Commission. »,
un commissaire peut être « démissionné »
par le président de la Commission (lui-même élu par le
Parlement) : art.
1-27, dernier § :
« Un
membre de la Commission présente sa démission si le président
le lui demande. »,
mais ni le Conseil des
ministres, ni le Conseil européen, ne sont responsables
devant personne.
Le Conseil nomme les membres de la Commission (art.1-27
§2), seul le président de la Commission est élu
par le Parlement (art.
1-27 §1). La
Commission, qui est ainsi l’émanation du Conseil, sa
« chose », sert donc de « fusible »
politique face au Parlement, faisant
écran aux Conseils qui ne risquent rien.
[xviii][18]
Voir le détail de l’humiliation infligée par
Pascal Lamy aux parlementaires qui voulaient consulter les
documents préparatoires pour l’AGCS dans le livre
passionnant de Raoul Marc Jennar, « Europe,
la trahison des élites », pages 64 et s.,
et notamment 70 et 71.
Voir aussi un passionnant article de Jennar intitulé « Combien de temps encore Pascal Lamy ? », à propos des
deux accords AGCS et ADPIC : http://politique.eu.org/archives/2004/04/11.html.
[xix][19]
Soi-disant "avancées" pour le Parlement :
il va voter le budget et il y aura davantage de matières
où il y aura codécision : le
Parlement ne sera donc plus exclu de presque tout
comme avant… On croit rêver.
[xx][20]
Noëlle Lenoir, alors ministre française déléguée
aux affaires européennes du gouvernement Raffarin, a déclaré :
« il suffira
de rassembler un million de signatures en Europe pour obliger
la Commission à engager une procédure législative »
(Le Monde, 30 octobre 2003).
[xxi][21]
Droit de pétition : art.
I-47, §4 : « Des
citoyens de l'Union, au nombre d'un million au moins,
ressortissants d'un nombre significatif d'États membres,
peuvent prendre l'initiative d'inviter
la Commission, dans le cadre de ses attributions, à
soumettre une proposition appropriée sur des questions
pour lesquelles ces citoyens considèrent qu'un acte
juridique de l'Union est nécessaire aux fins de l'application de la Constitution. La loi européenne arrête les
dispositions relatives aux procédures et conditions
requises pour la présentation d'une telle initiative
citoyenne, y compris le nombre minimum d'États membres
dont les citoyens qui la présentent doivent provenir. »
On est à mille lieues du référendum
d’initiative populaire suisse qu’on fait miroiter aux
électeurs.
[xxii][22]
Pays qui ne soumettent pas le "traité"
à leur peuple : Italie, Allemagne, Belgique, Suède,
Chypre, Grèce, Estonie.
Pays qui ont opté pour le référendum : France,
Royaume-Uni, Espagne, République tchèque, Portugal,
Pays-Bas…
[xxiii][23]
RM Jennar à raison : il faut réaffirmer nos
fondamentaux et rappeler ce que proclamait, le 26 juin 1793,
l’article 35 de la Déclaration
des droits de l’homme et du citoyen de l’an I :
« Quand
le gouvernement viole les droits du peuple,
l’insurrection est pour le peuple et pour chaque portion
du peuple le plus sacré des droits et le plus
indispensable des devoirs ».
(« Europe, la trahison… », p. 218).
[xxiv][24]
Lire à ce propos la position de Pervenche Berès,
membre de la convention Giscard, coauteur du texte donc,
qui renie pourtant le résultat final tant il a été défiguré
par les gouvernements dans l’année qui a suivi, et qui
appelle finalement à « Dire
"non" pour sauver l'Europe » : http://www.ouisocialiste.net/IMG/pdf/beresMonde290904.pdf.
[xxv][25]
Selon la célèbre formule de Lacordaire : "
Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre,
entre le maître et le serviteur, c'est la liberté qui
opprime et la loi qui affranchit".
Chacun peut prévoir ce qu’il adviendra avec des renards
libres dans un poulailler libre.
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