lundi 4 avril 2005, 19h46

Référendum : le non persiste

Le non confirme à 54% selon le Baromètre Louis Harris Yahoo! Libération iTélé du mois d'avril 2005


Popularité Chirac-Raffarin
Ni le dîner-débat tenu mercredi à Lyon par Jean-Pierre Raffarin, ni le meeting de François Hollande qui s'est déroulé jeudi à Marseille ne seront parvenus à enrayer la dynamique du " non " au projet de Constitution européenne. Si le contexte économique et social constitue toujours l'un des meilleurs vecteurs de cette hausse, le " non " se nourrit également, et de façon jusqu'ici méconnue, d'une dégradation d'image significative des leaders politiques engagés dans les débats relatifs au référendum.

La persistance du "non"
Désormais établi à 54 % des intentions de vote, le " non " doit sa progression en priorité aux sympathisants de gauche et, dans une moindre mesure, aux sympathisants de droite. Cette mobilisation d'une nouvelle partie de la gauche contre le projet de traité témoigne de l'influence des questions économiques et sociales sur le choix de vote du 29 mai. Concrètement cette progression du " non " à gauche s'inscrit dans un double contexte :

- Une insatisfaction concernant la situation économique et sociale de la France ; insatisfaction amplifiée par le record d'un taux de chômage franchissant la barre des 10 %, et par le scepticisme très majoritaire inspiré par l'action gouvernementale : seules 21 % des personnes interrogées estiment que l'action menée par le gouvernement en matière de lutte contre le chômage va " dans le bon sens ", et 13 % émettent un tel jugement à propos de l'action menée en faveur du pouvoir d'achat.

- Des inquiétudes face au libéralisme perçu de l'Europe, et face au libéralisme supposé du projet de Constitution ; inquiétudes amplifiées par la médiatisation de la directive Bolkestein.


L'impopularité record du Premier ministre

Pour sa part, Jean-Pierre Raffarin enregistre ce mois-ci son plus mauvais niveau de popularité depuis sa nomination à Matignon : avec 28 % d'opinions positives seulement, sa cote de confiance perd 7 points par rapport au mois dernier, soit un repli d'une amplitude peu fréquente.

La signification de ce record appelle une double lecture : les responsables de la majorité peuvent certes estimer qu'une telle défiance n'est pas compromettante lorsqu'elle émane des rangs de l'opposition, de l'extrême droite ou des personnes sans proximité partisane. Mais cette fois, c'est bien au sein même des rangs de l'UMP que le chef du gouvernement perd ses soutiens : alors que 81 % des sympathisants UMP avaient une bonne opinion de Jean-Pierre Raffarin le mois dernier, ils ne sont plus aujourd'hui que 59 % à lui accorder leur confiance. C'est dire que le chef du gouvernement est désormais proche de l'impopularité, y compris parmi les siens.

Cette baisse de la popularité de Jean-Pierre Raffarin apparaît comme la traduction de deux tendances croissantes :

- La progression du " non " dans l'opinion, signifiant la difficulté du Premier ministre à plaider efficacement en faveur du " oui " ;

- Les difficultés économiques et sociales évoquées précédemment, et la critique de l'action gouvernementale en la matière.

Pour sa part, Jacques Chirac subit lui-même une forte décrue de popularité (-12 points en trois mois).

Le désaveu massif des leaders politiques dans la perspective du référendum

Surtout, cette nouvelle enquête révèle un puissant désaveu, de la part des Français, envers les responsables politiques associés à l'actualité du référendum.

La défiance touche massivement les promoteurs du " oui " : 66 % des personnes interrogées estiment que l'image de Jean-Pierre Raffarin sort " plutôt affaiblie " de l'actualité de ces dernières semaines concernant le référendum ; 56 % portent le même jugement à propos de Jacques Chirac, et 51 % à propos de François Hollande. Toutefois, les tenants du " non " ne bénéficient pas d'un crédit supérieur : 62 % estiment que l'image de Jean-Marie Le Pen sort affaiblie, et 52 % celle de Laurent Fabius.

L'ensemble de ces scores très décevants révèlent le caractère perceptible des stratégies présidentielles sous les prises de position " européennes ", et la difficulté des uns et des autres à fédérer leur camp et à peser véritablement sur l'opinion.

L'unique personnalité testée qui recueille un score positif est Nicolas Sarkozy : 53 % des personnes interrogées considèrent que son image s'est améliorée à la faveur de l'actualité du référendum. Ce résultat positif exceptionnel est favorisé par la popularité du président de l'UMP, par son intervention télévisée menée la veille de la réalisation du sondage, et par ses prises de position simultanément favorables à l'adoption de la Constitution, et opposées à l'adhésion de la Turquie.

 


Jugements sur l'action du gouvernement

Un phénomène cumulatif : de la déception concernant la pré-campagne, à la progression du "non"

Envisagé dans sa globalité, ce tableau dessine un contexte néfaste pour le " oui " : les principaux leaders politiques, qu'ils soient favorables au " oui " ou au " non ", suscitent des réactions désenchantées de la part de l'opinion, ce qui ternit l'image du débat relatif à la Constitution, et ce qui ne constitue pas un facteur de motivation des électeurs en faveur du " oui ". A moins de deux mois du référendum, les déceptions politiques s'ajoutent donc aux impatiences sociales.

Toutefois, les scores enregistrés aujourd'hui révèlent surtout des opinions d'humeur, qui se caractérisent premièrement par leur très forte réactivité à l'actualité, et deuxièmement par une grande part d'incertitude : 35 % des personnes " tout à fait certaines d'aller voter " estiment pouvoir changer d'avis d'ici le 29 mai. Un tel contexte autorise des revirements rapides, et seule l'intensification de la campagne électorale permettra, au cours des semaines qui viennent, de mieux cristalliser les rapports de forces sur des positions progressivement plus stables

 


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Raffarin et les sept nons
L'enquête Louis-Harris pour Libération, Yahoo, et itélé — à paraître mardi — est la septième à donner le non gagnant au référendum sur la Constitution européenne, 54% des Français ayant l'intention de voter contre et 46% • Le Premier ministre plomberait la campagne •

Par A.A.
lundi 04 avril 2005 (Liberation.fr - 18:23)

Le non prend racine. Selon le sondage Louis-Harris réalisé pour Libération-Yahoo et i-télé les 1er et 2 avril (1), 54 % des électeurs auraient l'intention de rejeter la constitution européenne tandis que 46 % l'approuveraient lors du referendum du 29 mai prochain. Alors que l'UMP et le PS ont entrepris, chacun de leur côté, de faire donner l'artillerie lourde de la campagne du oui, cette nouvelle enquête confirme le basculement de l'opinion déjà enregistré mi-mars. Depuis le sondage CSA-Le Parisien du 17 mars qui avait pour la première fois donné le non gagnant, les six enquêtes publiées en France ont toutes donné le non victorieux, dans des pourcentages allant de 51 à 55 %.

En attendant l'intervention de Jacques Chirac repoussée au 14 avril pour cause de décès du pape, l'entrée en lice des ténors du oui la semaine dernière n'a manifestement pas permis de stopper cette dynamique . L'enquête de Louis-Harris révèle que le non des Français ne se nourrit pas seulement d'un contexte économique et social très défavorable , il va de paire avec une profonde dégradation de l'image des responsables politiques : «les leaders sont manifestement perçus comme n'étant pas à la hauteur des attentes des citoyens», explique François Miquet-Marty, directeur des études politiques à l'Institut Louis-Harris.

C'est particulièrement vrai de Jean-Pierre Raffarin qui enregistre le plus mauvais niveau de popularité depuis sa nomination à Matignon : avec 28 % d'opinions positives seulement, sa cote de confiance perd 7 points par rapport au mois dernier. Le chef du gouvernement finira également par être impopulaire au sein de son propre camp : alors que 81 % des sympathisants UMP avaient une bonne opinion de lui en mars, ils ne sont plus aujourd'hui que 59 % à lui accorder leur confiance. A deux mois du référendum, tout se passe comme si les interventions de Jean-Pierre Raffarin ne faisaient que faire grossir le camp du non. Cette baisse de la popularité n'épargne pas Jacques Chirac qui aura perdu 12 points au cours des trois derniers mois (de 54 à 42 % d'opinions favorables).

François Hollande sort lui aussi «plutôt affaibli» de ce début de campagne . Le numéro un du PS paie son incapacité à garantir un minimum de cohérence au sein de son parti. Et les tenants du «non» ne s'en sortent pas mieux : 52 % estiment que Laurent Fabius est «plutôt affaibli» par cette campagne. Nicolas Sarkozy est le seul à s'en sortir : 53 % des personnes interrogées considèrent que son image s'est améliorée à la faveur de l'actualité du référendum. Il est vrai que le président de l'UMP a surtout choisi de faire entendre son non à la Turquie. Et de rester relativement sobre dans son soutien au projet de constitution.

(1) Sur un échantillon de 1004 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas appliquée aux variables suivantes : sexe, âge, profession du chef de famille, après stratification par région et catégorie d'agglomération.