Ni le dîner-débat
tenu mercredi à Lyon par Jean-Pierre Raffarin, ni le meeting
de François Hollande qui s'est déroulé jeudi à Marseille
ne seront parvenus à enrayer la dynamique du " non
" au projet de Constitution européenne. Si le contexte
économique et social constitue toujours l'un des meilleurs
vecteurs de cette hausse, le " non " se nourrit également,
et de façon jusqu'ici méconnue, d'une dégradation d'image
significative des leaders politiques engagés dans les débats
relatifs au référendum.
La
persistance du "non"
Désormais établi à 54 % des intentions de vote, le "
non " doit sa progression en priorité aux sympathisants
de gauche et, dans une moindre mesure, aux sympathisants de
droite. Cette mobilisation d'une nouvelle partie de la gauche
contre le projet de traité témoigne de l'influence des
questions économiques et sociales sur le choix de vote du 29
mai. Concrètement cette progression du " non " à
gauche s'inscrit dans un double contexte :
- Une
insatisfaction concernant la situation économique et sociale
de la France ; insatisfaction amplifiée par le record d'un
taux de chômage franchissant la barre des 10 %, et par le
scepticisme très majoritaire inspiré par l'action
gouvernementale : seules 21 % des personnes interrogées
estiment que l'action menée par le gouvernement en matière
de lutte contre le chômage va " dans le bon sens ",
et 13 % émettent un tel jugement à propos de l'action menée
en faveur du pouvoir d'achat.
- Des
inquiétudes face au libéralisme perçu de l'Europe, et face
au libéralisme supposé du projet de Constitution ; inquiétudes
amplifiées par la médiatisation de la directive Bolkestein.
L'impopularité record du
Premier ministre
Pour sa
part, Jean-Pierre Raffarin enregistre ce mois-ci son plus
mauvais niveau de popularité depuis sa nomination à Matignon
: avec 28 % d'opinions positives seulement, sa cote de
confiance perd 7 points par rapport au mois dernier, soit un
repli d'une amplitude peu fréquente.
La
signification de ce record appelle une double lecture : les
responsables de la majorité peuvent certes estimer qu'une
telle défiance n'est pas compromettante lorsqu'elle émane
des rangs de l'opposition, de l'extrême droite ou des
personnes sans proximité partisane. Mais cette fois, c'est
bien au sein même des rangs de l'UMP que le chef du
gouvernement perd ses soutiens : alors que 81 % des
sympathisants UMP avaient une bonne opinion de Jean-Pierre
Raffarin le mois dernier, ils ne sont plus aujourd'hui que 59
% à lui accorder leur confiance. C'est dire que le chef du
gouvernement est désormais proche de l'impopularité, y
compris parmi les siens.
Cette
baisse de la popularité de Jean-Pierre Raffarin apparaît
comme la traduction de deux tendances croissantes :
- La
progression du " non " dans l'opinion, signifiant la
difficulté du Premier ministre à plaider efficacement en
faveur du " oui " ;
- Les
difficultés économiques et sociales évoquées précédemment,
et la critique de l'action gouvernementale en la matière.
Pour sa
part, Jacques Chirac subit lui-même une forte décrue de
popularité (-12 points en trois mois).
Le
désaveu massif des leaders politiques dans la perspective du
référendum
Surtout,
cette nouvelle enquête révèle un puissant désaveu, de la
part des Français, envers les responsables politiques associés
à l'actualité du référendum.
La défiance
touche massivement les promoteurs du " oui " : 66 %
des personnes interrogées estiment que l'image de Jean-Pierre
Raffarin sort " plutôt affaiblie " de l'actualité
de ces dernières semaines concernant le référendum ; 56 %
portent le même jugement à propos de Jacques Chirac, et 51 %
à propos de François Hollande. Toutefois, les tenants du
" non " ne bénéficient pas d'un crédit supérieur
: 62 % estiment que l'image de Jean-Marie Le Pen sort
affaiblie, et 52 % celle de Laurent Fabius.
L'ensemble
de ces scores très décevants révèlent le caractère
perceptible des stratégies présidentielles sous les prises
de position " européennes ", et la difficulté des
uns et des autres à fédérer leur camp et à peser véritablement
sur l'opinion.
L'unique
personnalité testée qui recueille un score positif est
Nicolas Sarkozy : 53 % des personnes interrogées considèrent
que son image s'est améliorée à la faveur de l'actualité
du référendum. Ce résultat positif exceptionnel est favorisé
par la popularité du président de l'UMP, par son
intervention télévisée menée la veille de la réalisation
du sondage, et par ses prises de position simultanément
favorables à l'adoption de la Constitution, et opposées à
l'adhésion de la Turquie.
Un
phénomène cumulatif : de la déception concernant la pré-campagne,
à la progression du "non"
Envisagé
dans sa globalité, ce tableau dessine un contexte néfaste
pour le " oui " : les principaux leaders politiques,
qu'ils soient favorables au " oui " ou au " non
", suscitent des réactions désenchantées de la part de
l'opinion, ce qui ternit l'image du débat relatif à la
Constitution, et ce qui ne constitue pas un facteur de
motivation des électeurs en faveur du " oui ". A
moins de deux mois du référendum, les déceptions politiques
s'ajoutent donc aux impatiences sociales.
Toutefois,
les scores enregistrés aujourd'hui révèlent surtout des
opinions d'humeur, qui se caractérisent premièrement par
leur très forte réactivité à l'actualité, et deuxièmement
par une grande part d'incertitude : 35 % des personnes "
tout à fait certaines d'aller voter " estiment pouvoir
changer d'avis d'ici le 29 mai. Un tel contexte autorise des
revirements rapides, et seule l'intensification de la campagne
électorale permettra, au cours des semaines qui viennent, de
mieux cristalliser les rapports de forces sur des positions
progressivement plus stables
Raffarin
et les sept nons
L'enquête
Louis-Harris pour Libération, Yahoo, et itélé — à
paraître mardi — est la septième à donner le non
gagnant au référendum sur la Constitution européenne,
54% des Français ayant l'intention de voter contre et 46%
• Le Premier ministre plomberait la campagne •
Par A.A.
lundi 04 avril 2005 (Liberation.fr - 18:23)
Le
non prend racine. Selon le sondage Louis-Harris réalisé
pour Libération-Yahoo et i-télé les 1er et 2 avril (1),
54 % des électeurs auraient l'intention de rejeter la
constitution européenne tandis que 46 % l'approuveraient
lors du referendum du 29 mai prochain. Alors que l'UMP et
le PS ont entrepris, chacun de leur côté, de faire
donner l'artillerie lourde de la campagne du oui, cette
nouvelle enquête confirme le basculement de l'opinion déjà
enregistré mi-mars. Depuis le sondage CSA-Le Parisien du
17 mars qui avait pour la première fois donné le non
gagnant, les six enquêtes publiées en France ont toutes
donné le non victorieux, dans des pourcentages allant de
51 à 55 %.
En
attendant l'intervention de Jacques Chirac repoussée au
14 avril pour cause de décès du pape, l'entrée en lice
des ténors du oui la semaine dernière n'a manifestement
pas permis de stopper cette dynamique . L'enquête de
Louis-Harris révèle que le non des Français ne se
nourrit pas seulement d'un contexte économique et social
très défavorable , il va de paire avec une profonde dégradation
de l'image des responsables politiques : «les leaders
sont manifestement perçus comme n'étant pas à la
hauteur des attentes des citoyens», explique François
Miquet-Marty, directeur des études politiques à
l'Institut Louis-Harris.
C'est
particulièrement vrai de Jean-Pierre Raffarin qui
enregistre le plus mauvais niveau de popularité depuis sa
nomination à Matignon : avec 28 % d'opinions positives
seulement, sa cote de confiance perd 7 points par rapport
au mois dernier. Le chef du gouvernement finira également
par être impopulaire au sein de son propre camp : alors
que 81 % des sympathisants UMP avaient une bonne opinion
de lui en mars, ils ne sont plus aujourd'hui que 59 % à
lui accorder leur confiance. A deux mois du référendum,
tout se passe comme si les interventions de Jean-Pierre
Raffarin ne faisaient que faire grossir le camp du non.
Cette baisse de la popularité n'épargne pas Jacques
Chirac qui aura perdu 12 points au cours des trois
derniers mois (de 54 à 42 % d'opinions favorables).
François
Hollande sort lui aussi «plutôt affaibli» de ce début
de campagne . Le numéro un du PS paie son incapacité à
garantir un minimum de cohérence au sein de son parti. Et
les tenants du «non» ne s'en sortent pas mieux : 52 %
estiment que Laurent Fabius est «plutôt affaibli» par
cette campagne. Nicolas Sarkozy est le seul à s'en sortir
: 53 % des personnes interrogées considèrent que son
image s'est améliorée à la faveur de l'actualité du référendum.
Il est vrai que le président de l'UMP a surtout choisi de
faire entendre son non à la Turquie. Et de rester
relativement sobre dans son soutien au projet de
constitution.
(1)
Sur un échantillon de 1004 personnes, représentatif de
la population française âgée de 18 ans et plus, selon
la méthode des quotas appliquée aux variables suivantes
: sexe, âge, profession du chef de famille, après
stratification par région et catégorie d'agglomération.
|