Arguments à verser au débat


Marie-George Buffet

Députée de Seine-Saint-Denis

Groupe des Député-e-s Communistes et Républicains

Le 05/04/2005

 

Débat sur le traité établissant

une constitution européenne

 

 

 

Monsieur le Président,

Monsieur le Premier ministre,

Mes chers collègues,

 

Un référendum, est-ce bien utile ? Certains désormais se posent peut être la question. Et pourtant, l’ampleur du questionnement qui traverse notre peuple en démontre s’il le fallait, l’absolue nécessité.

Au nom des député-e-s communistes et républicains, je voudrais me féliciter de cette consultation.

Sur de tels enjeux, il revient à notre peuple de se prononcer en toute conscience.

Le débat qu’il ouvre au cœur de la société est un débat essentiel qui nous ramène à la grande controverse politique de notre temps. Force est de constater que l’on a beaucoup traîné en chemin. Avant d’accepter un référendum, d’abord. Avant d’en donner la date ensuite et maintenant en transformant le matériel officiel en outil de propagande pour le oui, voire en utilisant l’école publique à cette fin. Il aurait pu se préparer dans de bien meilleures conditions démocratiques. Mais les Français et les Françaises sont entrés en force dans ce grand débat fondamental qui met en présence les options qui demain vont peser sur leurs vies quotidiennes. Et à vous écouter, Monsieur le Premier ministre, il n’y a pas ambiguïté : votre option, celle que vous mettez en œuvre avec les ravages sociaux que l’on sait depuis que vous avez été nommé, correspond pleinement à celle que porte le texte. Elle est profondément libérale, profondément régressive.

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Que nous est-il demandé formellement ? De porter appréciation sur le projet de loi du gouvernement qui ratifie le traité.

Adopter une sorte de concentré de toutes les mesures dévastatrices mises en œuvre par ce gouvernement, assorti d’une peine de sûreté durant des décennies, n’est naturellement pas fait pour soulever notre enthousiasme, et les mots sont faibles. D’enthousiasme d’ailleurs, je n’en distingue pas vraiment à l’endroit de ce texte dans le débat public. On comprend que certains ne souhaitent pas voir le gouvernement mener la campagne du oui, vu le succès d’opinion que remporte son action et vu la nécessité de tenter de ne pas rebuter les électeurs et les électrices de gauche, peu enclins à emprunter les autoroutes du libéralisme.

En réalité, il s’agit d’un choix de société : voulons-nous poursuivre l’Europe telle qu’elle s’est construite jusqu’ici et accélérer le pas des régressions? Ou bien voulons-nous qu’elle change de cap et dessine à l’avenir d’autres horizons ? C’est un choix important.

En 1992, à l’occasion du débat de Maastricht, on a enfermé le débat dans un « pour ou contre l’Europe » stérilisant. Cela ne prend plus, nos concitoyens veulent se prononcer sur l’orientation à prendre pour l’Europe. La Constitution propose d’approfondir le sillon creusé depuis des décennies en gravant le libéralisme dans le marbre. Voulons nous de cette Europe, ou bien voulons-nous d’une autre Europe, voilà l’enjeu qui doit nous occuper ?

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Dans quelques semaines, nous allons célébrer le soixantième anniversaire du 8 mai 1945, de la Libération. Au sortir des heures sombres de notre histoire, partagées par l’Europe tout entière et au-delà, se sont reconstruites des sociétés nouvelles. Des sociétés marqués par un idéal démocratique et social solide et déterminé. Dans notre pays, comment oublier la profondeur des racines, puisant dans la Résistance au nazisme et à la collaboration ! La Libération, ce fut l’espoir possible d’un monde meilleur, qui éteigne à jamais le feu infernal. Ce fut la paix. Ce furent les grandes réalisations issues du programme du Conseil National de la Résistance. Ce fut la conscience aiguë de relations nouvelles entre les peuples et notamment entre les peuples d’Europe.

L’Europe, oui, c’est un bel idéal. Qu’en est-il advenu ? La belle idée d’Europe a servi de cheval de Troie au libéralisme le plus décomplexé – ce d’autant plus qu’il se réfugiait hors de portée des citoyennes et des citoyens. La belle idée d’Europe a été utilisée pour détruire les acquis de la Libération. Elle est devenue le fer de lance des décisions de l’OMC et du FMI. Le bilan est désastreux, à l’heure où nous parlons, il est plus que temps d’en tirer les leçons.

Les rédacteurs du traité auraient pu avoir pour mission de re-fonder l’Europe sur une autre base. Puisqu’ils n’ont pas voulu le faire, le moment semble bien choisi pour remettre les choses à plat et travailler réellement sur un autre projet européen. C’est le sens du vote non. Je veux le dire ici à ses défenseurs sincères : la belle idée d’Europe est en train d’être gâchée par le libéralisme. Il est plus que jamais nécessaire de réagir. C’est le sens du vote non, un vote d’espoir pour l’Europe.

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Que dit ce texte ? En substance, nous pensons qu’il est possible de le résumer à cette phrase : « L’Europe offre à ses citoyennes et à ses citoyens un marché intérieur où la concurrence est libre et non-faussée ». Ainsi rédigé, l’article 3 indique la philosophie globale qui a inspiré les rédacteurs.

Qu’on me permette ici d’éclairer ce propos.

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Tout d’abord, nous pouvons lire brièvement dans les premières lignes du traité quelques grandes intentions louables et quelques objectifs que personne ne saurait contester : liberté, démocratie, égalité… Mais la seule chose qui soit en réalité garantie par le texte, la seule chose qui y soit développée, c’est bien la « concurrence libre et non faussée », dont les mécanismes sont décrits avec une précision d’horloger dans la partie 3. Elle y est entièrement consacrée et constitue l’essentiel de ce texte. Il est donc, pour le moins, permis de s’interroger sur l’utilisation de grandes valeurs partagées au sein des peuples pour couvrir et habiller des projets qui le sont moins. Une fois ces préliminaires passés, on ne parle plus qu’en termes de marché, de libéralisation, de mise en concurrence...

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Ensuite, disons clairement qu’un certain nombre de choix relevant de décisions politiques importantes sont inscrits dans ce texte. Il fixe ainsi des lignes directrices aux gouvernements eux-mêmes, dont il est une évidence que ce sont des lignes politiques extrêmement libérales. Le Parlement européen lui-même, dont les attributions sont réduites à la portion congrue puisqu’il n’a même pas le pouvoir de proposer des textes législatifs, est enjoint à faire appliquer la Constitution et donc le libéralisme. Le droit de pétition évoqué dans le texte – je dis bien évoqué- n’est aucunement défini et peut très bien se traduire par une autorisation aux citoyens de crier dans le désert. Il y a des sujets sur lesquels les rédacteurs ont su ou plutôt voulu être plus attentifs et plus précis.

Face au défi démocratique auquel est confrontée l’Europe, que nombre de citoyens jugent éloignée de leurs préoccupations et de leur pouvoir d’intervention, c’est peu dire que le texte présenté n’est pas à la hauteur. Les institutions, quelles que soient les menues modifications qui y interviennent par rapport aux fonctionnements antérieurs, restent placées hors de l’intervention citoyenne.

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Parlons également de la charte des droits fondamentaux. Cela aurait pu être une formidable idée, une source de progrès énorme. La Charte énonce un certain nombre de droits appréciables. Mais elle ne se préoccupe pas de les traduire en actes et de les faire appliquer. On peut s’interroger sur quelques éléments troublants. Comment faut-il lire le « droit à la vie », qu’évoquent par ailleurs les opposants au droit à l’avortement. Et comment faut-il interpréter l’absence de ce droit, justement dans le texte en question ? Que faut-il penser du « droit à travailler » inscrit dans le texte, plutôt que le « droit à un emploi » ? Faut-il être rassuré lorsque l’Union Européenne « reconnaît et respecte le droit d’accès aux prestations de sécurité sociale », ou faut-il s’inquiéter de ce qu’elle n’affiche aucune ambition pour les renforcer et les développer, affichant par ailleurs l’ambition de réduire les charges sociales et le champ d’application des droits sociaux garantis ?

Faut-il se satisfaire du droit de vote accordé aux citoyens de l’Union pour les municipales quel que soit leur pays de résidence, ou faut-il regretter qu’une fois de plus des hommes et des femmes dont l’essentiel de la vie s’est déroulée sous nos latitudes soient humiliés et privés d’un droit élémentaire, celui de voter ? Faut-il accepter que la laïcité en soit absente ? L’engagement pris par le Garde des Sceaux au Sénat de viser dans le projet référendaire la décision du 19 novembre 2004 du Conseil constitutionnel n’est pas respecté alors qu’il devait garantir que l’interprétation par la Cour de Justice du Luxembourg de certaines dispositions de la Charte des droits fondamentaux n’aille pas à l’encontre de nos normes constitutionnelles notamment dans le domaine de la laïcité. Très franchement, cette charte ne fait pas rêver. Comme je viens de le montrer, elle inscrit des droits à minima. Mais là n’est pas le plus éclairant. Il est inscrit dans son préambule que ces droits seront interprétés selon les explications rendues par le praesidium. En l’état, déjà, les choses semblaient trop belles. Je ne saurais trop conseiller la lecture des explications du Praesidium dont la philosophie est de reprendre d’une main ce qui a été donné de l’autre. Le préambule réaffirme également de prime abord « la liberté de circulation des personnes, des services, des marchandises, des capitaux »… Et sous-entend nettement que les droits inscrits dans la Charte ne s’applique que dans la mesure où ils ne contredisent pas ces principes, ou plutôt ce principe, le libéralisme, que les rédacteurs du texte ont la sagesse d’appeler : « les compétences et tâches de l’union ». Et comme si tout cela ne suffisait pas, la conclusion ajoutée à la Charte continue à border les possibles applications de ce texte. « Elle ne crée, nous dit-on, aucune compétence ni tâche nouvelle pour l’Union ». En un mot : paroles, paroles… Enfin, pour finir de faire un sort à ce texte dont la dangerosité pour les forces dominantes était, somme toute, très relative, on nous explique, au cas où nous ne l’aurions pas encore suffisamment bien compris, que si les droits reconnus ici devaient entrer en conflit avec des dispositions inscrites dans les autres parties de la Constitution, ce sont ces dernières qui ont naturellement le dernier mot. Il faut saluer l’ingéniosité des rédacteurs qui ont réussi à inscrire des droits dans ce texte, tout en créant les conditions pour qu’ils ne s’appliquent pas. Ce texte a une philosophie et toutes les parties en sont marquées de façon implacable. Le libéralisme passe d’abord, et tout le reste y est suspendu.

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Un texte libéral, un texte de droite, si on en doute encore. Je voudrais simplement vous citer l’article III-131 qui me semble assez éclairant quant aux motivations fixées à l’Union, pour ne pas dire lubies. « Les Etats membres se consultent en vue de prendre en commun les dispositions nécessaires pour éviter que le fonctionnement du marché intérieur ne soit affecté par les mesures qu’un Etat membre peut être appelé à prendre en cas de troubles intérieurs graves affectant l’ordre public, en cas de guerre ou de tension internationale grave constituant une menace de guerre, ou pour faire face aux engagements contractés par lui en vue du maintien de la paix et de la sécurité internationale ». Rendons-nous bien compte du sens de cet article : en somme, en cas de guerre, l’Union se préoccupe d’assurer le marché. Et l’on vient nous parler des progrès de l’Europe politique ? Et l’on vient nous expliquer que la dignité humaine est au cœur des préoccupations de l’Union. J’ajoute que l’inféodation à l’OTAN inscrite noir sur blanc dans le traité puisqu’il est indiqué que les politiques de l’Union doivent être « compatibles »-le mot est élégant- avec celles de l’OTAN, montre à quel point, non content d’être libéral, ce texte se veut également atlantiste. On nous parle d’Europe puissance, on appelle les Etats à démultiplier leur potentiel militaire. Je préfère parler d’originalité européenne, et je préfère penser que l’Europe se pensera solidaire, et s’inscrira dans un immense élan de coopération.

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Evoquons également les services publics. Les directives européennes n’ont eu de cesse que de les attaquer. Les services publics étaient pourtant une énorme richesse pour les peuples d’Europe. Là encore, quel progrès aurait permis une véritable mise en synergie à l’échelle européenne de toutes ces structures visant à répondre aux besoins fondamentaux des hommes et des femmes dans l’égalité. Au contraire, il a été décidé d’ouvrir ces champs aux spéculateurs et à la marchandisation. L’Union ne s’interdit rien en la matière. La culture ? Marchandisable. La santé ? Marchandisable. La retraite ? Marchandisable. L’énergie ? Marchandisable. Les directives européennes, inscrites dans la logique des traités précédents ont toutes été négociées et acceptées par les gouvernements ces vingt dernières années. Aujourd’hui, selon les termes du projet de traité constitutionnel, des services dits « d’intérêt économique général » sont tolérés comme des « dérogations », dont le caractère temporaire et exceptionnel semble aller de soi.

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Evoquons ensuite l’action de la banque centrale européenne, indépendante, c’est à dire échappant à la souveraineté populaire : elle est tournée vers la spéculation au lieu de favoriser l’emploi et la formation. Voyez les taux de chômage, à commencer par celui de notre pays, qui ne cesse de croître sous les poids des politiques libérales conjointes de Paris et de Bruxelles. Evoquons enfin la mise en concurrence des salariés et des peuples entre eux pesant sur les droits sociaux et sur les salaires, conduisant aux chantages à la délocalisation.

Que développe l’Europe pour faire progresser les droits et les pratiques sociales partout dans le monde ? Elle n’a rien à dire sur le sujet : elle se préoccupe seulement des taux de profit et de l’Eurofirst 80. C’est elle qui impulse les pseudo-réformes des retraites et de la protection sociale pour baisser encore le niveau des droits, des garanties, des prestations… Les peuples d’Europe souffrent de ces politiques, il faut changer d’Europe pour vivre mieux.

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Evoquons enfin la fameuse directive Bolkestein, dont l’existence a été révélée voici de longs mois par l’Humanité. Quand le débat sur cette directive a commencé à prendre trop d’importance, on a entendu soudain monter des cris d’orfraie. Mais certains ont oublié de nous dire qu’ils avaient, à Bruxelles porté ce texte qui les révulse aujourd’hui. Et il faut dire à nos concitoyens et concitoyennes que l’épisode n’est pas clos, car cette directive est une déclinaison du traité Constitutionnel. Il faut dire que cette directive n’a pas été abandonnée comme certains ont tenté de le faire croire, mais qu’elle a été mise en attente jusqu’à l’été. Il faut dire également que l’agenda de Lisbonne, qui fait comme si l’orientation définie par le traité constitutionnel n’avait pas de raison d’être stoppée, prévoit encore nombre de mauvais coups dans les mois qui viennent. Sont prévues, je cite : la libéralisation du secteur de l’énergie, des transports y compris les chemins de fer, des services portuaires. Viendront ensuite la chasse aux aides d’Etat, une nouvelle « modernisation » - je cite- des systèmes de protection sociale, un plan de maîtrise de l’évolution salariale… Une modification de la directive sur le temps de travail est en cours d’examen.

Pendant le débat, les travaux de démolition continuent. Ces modifications de la directive temps de travail sont extrêmement sérieuses et graves. Elles montrent s’il en était besoin quelles sont les visées de la commission, celles-là même qui ont été inscrite dans le texte du traité constitutionnel. En France, nous avons appris hier que la privatisation de GDF, impulsée par Bruxelles et acceptée de bon cœur par le gouvernement était remise au lendemain du référendum. Les réjouissances prévues en cas d’adoption du projet de traité risquent de ne pas réjouir beaucoup nos concitoyennes et concitoyens. On en sait déjà trop sur ce qui va se passer si le « oui » l’emporte !

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Tout ce que portent les mobilisations sociales de ces dernières semaines, depuis celle des chercheurs à celle des lycéens en passant par celle des fonctionnaires et des salariés du privé, et encore ces jours-ci le cri d’alerte réitéré des urgentistes, c’est une aspiration à se sortir de ce carcan libéral qui les étouffe. Ils veulent le renouveau des services publics, le projet de traité constitutionnel veut les détruire. Ils veulent une juste rétribution de leur travail, le projet de traité constitutionnel veut augmenter les revenus du capital. Ils veulent une école pour tous, le projet de traité constitutionnel veut réduire les dépenses publiques et n’exclut pas la privatisation de l’éducation. Ils veulent le respect de leur dignité et de leurs droits, le projet de traité constitutionnel les tire mécaniquement vers le bas.

Voter « non », pour beaucoup d’hommes et de femmes, c’est, à juste titre, une question de dignité, c’est donner une suite à leurs luttes.

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« Une Constitution, nous dit-on, cela n’empêche pas de mener la politique que l’on souhaite ». Eh bien, justement, celle-là, si. Elle constitutionnalise une politique économique, ce qui n’est le cas d’aucune autre Constitution que celle de régimes totalitaires dans l’histoire de l’humanité. Ce texte a pour ambition d’imposer aux gouvernements, aux parlements, aux peuples la politique qu’ils devront mener pour les décennies à venir. C’est une atteinte grave à la démocratie.

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Enfin, que se passera-t-il si le « non » l’emporte ? La question agite beaucoup les partisans du « oui ». Nous avons eu droit aux prédictions les plus catastrophiques, presque pires que celles qui précédèrent le passage à l’an 2000 dans la bouche d’occultes prédicateurs. Après le « non », nous avons donc, au choix : le chaos, le schisme à gauche, la disparition de la France du paysage international, la fin de l’Europe, la honte indélébile… On me pardonnera de ne pas dresser de liste exhaustive. Eh bien, nous pensons que si le « non » l’emporte, le « non » sera, tout simplement, la voix de la France, et c’est une voix qui compte en Europe. Ce « non » viendra en écho pour tous ces peuples qui n’ont pas la chance de pouvoir s’exprimer et qui ont été privés de véritables débats. De nombreuses forces travaillent à construire une autre Europe, en phase avec les attentes, les besoins et les aspirations des hommes et des femmes. Les regards des progressistes européens sont tournés vers la France. Le non de la France sera pour eux un formidable point d’appui.

Si le « non » l’emporte, ce sera un sacré coup d’arrêt pour les politiques libérales, qui marquera leur échec cinglant.

Si le « non » l’emporte, il faudra donc remettre l’ouvrage sur le métier et écrire un texte habité par d’autres logiques plus conformes à cette belle idée d’Europe.

Si le « non » l’emporte, il faudra permettre aux citoyennes et aux citoyens de s’en mêler de proposer, de dessiner l’Europe dont ils ont besoin.

Enfin, si le « non » l’emporte, il faudra l’entendre ici, en France comme l’espoir encore vivace d’une société plus juste et plus humaine.

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Mes chers collègues,

La logique du moindre-mal a conduit à une dégradation dramatique des conditions de vie dans notre pays et en Europe. Les appels successifs au renoncement ont conduit à une société qui se replie au lieu de se déployer, à une société qui se résigne au lieu d’espérer. Il est temps de tirer les leçons de décennies de construction européenne, il est temps d’ouvrir les yeux sur les dégâts provoqués, il est temps de dire : il faut faire autrement ! Voici venue l’occasion de mettre fin aux ravages de l’Europe libérale, voici venu le temps d’une Europe nouvelle, qui porte enfin le progrès. Il faut entendre combien notre pays bruisse d’envies d’autrement et d’espoir nouveau.

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Notre peuple a devant lui une chance historique : celle de réorienter profondément la construction européenne.

En se prononçant majoritairement pour le « non » à ce projet de loi du gouvernement ratifiant le projet de traité constitutionnel européen, les hommes et les femmes de notre pays ouvriront de nouveaux horizons pour une autre Europe.

Une autre Europe est possible que cette Europe à la triste figure.

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Dans ce nouveau traité, il faudra que figurent le principe de non-régression sociale, et la garantie de droits réels pour les salariés, pour la retraite, pour la protection sociale. Il faudra développer les contours d’une véritable Europe des services publics, permettant de répondre partout aux besoins fondamentaux…

Il faudra inscrire au programme une Europe de l’emploi, avec une Banque centrale européenne sous contrôle des élus.

Il faudra une Europe de l’égalité hommes-femmes, qui agit réellement et ne nie pas les droits acquis par les femmes.

Il faudra une Europe de la démocratie, qui ne se cache pas des citoyens, qui leur permet de participer pleinement à l’élaboration des décisions qui ne ferme pas ses frontières …

Il faudra une Europe de paix, dégagée de la tutelle de l’OTAN, qui agit pour le désarmement et pour trouver des issues politiques aux conflits majeurs de notre temps.

Il y a tout cela dans le « non », il y a ces espoirs, ces projets, ces propositions. Les contours que je viens de tracer à grands traits forment une antithèse de ce qui nous est proposé. Le besoin d’Europe est immense, à condition de ne pas se tromper d’Europe. Le non est décidément un vote d’espoir, c’est un vote qui, rassemble, un vote porteur d’autres possibles. C’est celui que le groupe des députés communistes et républicains porte avec beaucoup d’autres.

Je vous remercie.