Le
referendum du 29 mai a clairement montré l’opposition très
majoritaire en France au projet de traité constitutionnel européen.
Compte
tenu de la façon dont la campagne s’est déroulée dans notre
pays, et du soutien apporté au traité par les principales
forces politiques représentées au Parlement, soutien relayé
de façon outrancière par la plupart des grands médias, le résultat
du vote témoigne aussi du fossé qui existe aujourd’hui entre
la population et sa représentation politique. Ce phénomène
n’est pas propre à la France et traduit aussi des décennies
de politique européenne menée en dehors de toute véritable
information et de tout débat sur les enjeux de la construction
européenne.
La
FSU pour sa part considère que la construction d’une Europe
tournée vers la paix, le progrès social et les aspirations démocratiques
des peuples est un projet émancipateur qui mobilise beaucoup
d’espoirs. Face à la mondialisation libérale et à la
puissance des firmes transnationales, elle peut être un point
d’appui pour aller vers un monde plus juste.
A
partir de la conviction qu’il est du devoir d’une
organisation syndicale d’organiser la réflexion collective de
ses adhérents sur les questions qui sont liées à son champ
d’intervention pour leur permettre de débattre et pour
contribuer à éclairer le débat public, elle a estimé que le
projet de traité constitutionnel consacrait des orientations
qui vont à l’encontre d’une Europe de la justice, des
droits, du plein emploi, du progrès social, d’une Europe démocratique.
Elle constate aujourd’hui que ce point de vue a largement prévalu
à l’occasion du référendum.
Mais
il est clair que le refus du traité constitutionnel traduit
aussi le refus des politiques économiques et sociales
aujourd’hui dominantes en Europe et que le traité avait pour
objet de pérenniser. L’urgence est maintenant de réorienter
profondément le projet européen. La volonté populaire telle
qu’elle s’est exprimée le 29 mai doit inciter le
gouvernement français à saisir toutes les occasions, à
commencer par le Conseil européen des 16 et 17 juin prochains,
pour aller rapidement dans ce sens. Nous souhaitons que cette
orientation soit largement partagée et soutenue en Europe.
La
FSU considère que cela passe d’abord par une série de
mesures qui peuvent être prises immédiatement :
- L’abandon
des directives qui traduisent l’orientation libérale de
la construction européenne qui vient d’être condamnée :
la directive Bolkestein, la directive sur le temps de
travail, la directive sur les aides de l’Etat qui prétend
traiter toutes les régions sur le même plan. Cette décision
doit être l’occasion de réévaluer la totalité des
directives antérieures ayant conduit à mettre en graves
difficultés des services publics essentiels au développement
économique et à la cohésion sociale.
- La
réévaluation et l’assouplissement du pacte de stabilité,
qui empêche aujourd’hui les pays d’impulser les
politiques de relance indispensables pour lutter contre le
chômage. Il faut sortir d’un système reposant
exclusivement sur des critères économiques, sans aucune référence
à des indicateurs de nature sociale. Dans le même esprit,
la politique de la banque centrale doit être soumise aux décisions
des instances politiques de l’Union. L’Union doit lancer
de grands programmes de recherche, de formation,
d’environnement et de construction de grandes
infrastructures, dont le défaut est cruellement rappelé
par l’actualité, avec l’accident du tunnel du Fréjus
et l’insupportable transfert sur le tunnel du Mont Blanc.
L’Union européenne doit mettre en œuvre des politiques
efficaces pour réaliser les objectifs de réduction des émissions
de gaz à effet de serre. Pour tout cela, des moyens budgétaires
sont nécessaires, ainsi que la mise en place d’un
dispositif de crédit garanti par l’Union, permettant de
lancer de grands emprunts.
- L’augmentation
du budget européen, avec des ressources propres qui
devraient relever de la compétence du Parlement européen.
La baisse exigée par les six pays contributeurs nets, dont
la France, est la manifestation d’une irresponsabilité
dangereuse pour la cohésion de l’Union. Il faut que l’Union
dispose de moyens supplémentaires pour soutenir les dix
nouveaux pays entrants, qui sinon n’auront d’autre porte
de sortie que le dumping fiscal et social, et pour permettre
d’éviter la logique du chacun pour soi qui domine la préparation
du prochain Conseil européen.
- Les
secteurs de l’éducation, de la santé et de la culture
doivent être définitivement retirés du champ de la
concurrence en Europe et dans le monde, ce qui suppose leur
retrait du champ de l’Accord général sur le commerce des
services à l’OMC. Les orientations des politiques éducatives
européennes ne doivent pas être le fait du prince, ou des
experts européens, mais doivent être démocratiquement débattues.
Pour
la renégociation d’un nouveau traité afin de tenir compte de
l’élargissement de l’Union et de la nécessité de
construire l’Europe politique qui fait aujourd’hui défaut,
la FSU rappelle ses principales demandes :
- Les
orientations et les politiques économiques doivent relever
du libre choix des citoyens et donc pouvoir être remises en
cause à travers le débat démocratique. Elles ne relèvent
donc pas d’un traité de nature constitutionnelle ;
- L’Europe
a besoin d’une charte des droits fondamentaux autrement
plus ambitieuse que celle adoptée il y a cinq ans et
introduite de manière partiellement édulcorée dans le TCE.
Elle doit notamment viser à l’harmonisation par le haut
des législations sociales. Ce qui suppose que les droits
sociaux ne soient pas subordonnés à la norme de la
concurrence et qu’ils soient justiciables devant les
instances communautaires et non pas simplement “ reconnus
et respectés”, sans introduire de droit nouveau, comme
c’est le cas dans le TCE. La charte doit aussi intégrer
des droits nouveaux, omis dans le TCE, plus particulièrement
les droits à l’avortement et à la contraception, à
disposer librement de son corps, etc.
- L’espace
public européen doit être libre de toute pression
religieuse ou philosophique, conformément aux principes de
la laïcité ;
- Les
mécanismes démocratiques doivent être consolidés et
renforcés, ce qui suppose un nouvel équilibre
institutionnel au bénéfice des instances élues
(Parlements européen et nationaux), une plus grande
transparence du fonctionnement des institutions européennes,
et des moyens accrus d’intervention pour les organisations
représentatives des acteurs sociaux, en particulier
syndicales.
- Les
services publics doivent non seulement être respectés dans
chaque pays mais, pour les secteurs qui s’y prêtent, des
services publics européens devraient être créés. Les
services d’intérêt général non marchands comme l’éducation
ou la santé doivent être clairement reconnus par les
textes communautaires. Les services d’intérêt économique
général, les domaines auxquels ils s’appliquent, les
principes qui les régissent, les missions qu’ils
poursuivent, doivent être définis souverainement par les
peuples et être de ce fait placés en dehors du champ de la
concurrence “ libre et non faussée ”.
Pour
atteindre ces objectifs, il nous semble indispensable de créer
un nouveau rapport de forces à l’échelle européenne, en
rassemblant largement, quelle que soit la position prise par les
uns ou les autres sur le projet de constitution. il nous semble
que les mouvements sociaux et plus particulièrement le
syndicalisme, ont une responsabilité toute particulière.
C’est sur ces bases que la FSU, à partir de son expérience
et de son champ, se propose d’agir et qu’elle souhaite débattre
avec chacun pour construire des interventions convergentes.
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