Avec le « non », une Europe de progrès social est possible !

Le « non » peut l’emporter au référendum sur le projet de traité constitutionnel. Cela serait un événement considérable qui rendrait possible la construction d’une Europe sociale, de paix, pour un progrès de civilisation. Pour rassembler majoritairement sur ce projet, ses partisans devaient neutraliser le mouve­ment syndical et intégrer, comme un seul homme, tout le parti socialiste. Or la CGT et plusieurs autres syndicats ont choisi de dire « non ». Et les protestations pour une alternative sociale montent dans la C.E.S. D’ailleurs, le 19 mars à Bruxelles, dans la foulée du succès de la journée revendicative unitaire du 10 mars en France, la banderole de la CES, dont le dirigeant est favorable au projet, portait des exigences antagonistes avec ce texte : « Plus d’emplois de meilleure qualité - Défense de l’Europe sociale - Stop à « Bolkestein ! ». Et les pancartes pour le « non » étaient très nombreuses dans le cortège.

Du côté du PS, des dirigeants et militants, en nombre, ont décidé de dire « non », mesurant combien la constitution Giscard est une négation de leurs idéaux socialistes et des aspirations populaires.

Au-delà, il y a un certain basculement de l’électorat socialiste, au côté des électeurs commu­nistes, d’extrême gauche, de sensibilités alter­mondialiste et même écologiste. Tout cela a fait progresser le « non » dans plusieurs sondages. Les partisans du « oui », dont la campagne natio­nale est désormais conduite par Chirac et Raffarin, soutenue par Seillières, ont peur. Alors, ils mentent et cherchent à faire peur. Voter « non » ce serait « voter contre l’Europe » assènent-ils. C’est archi-faux !

La poussée du « non » dans les sondages est surtout sociale, de gauche et pour une autre Europe.

Par contre, voter « oui » reviendrait à donner quitus aux politiques libérales de mise en concur­rence des salariés et des peuples et à leur déchaî­nement. Cela reviendrait à aggraver la construc­tion économique et monétaire contre les besoins sociaux, dont les règles sont reprises et cade­nassées, en sa partie III, dans 322 des 448 articles du projet.

Or, le bilan de cette construction est absolu­ment catastrophique en termes de chômage, de précarité, de croissance, de recherche.

Et pourtant, la stratégie de Lisbonne, lancée en 2000 prétendait faire de l’Union européenne « l’économie de la connaissance la plus dynamique et la plus compétitive du monde ». Le Président en exercice du Conseil européen, J.C. Junker, a été obligé de reconnaître que le bilan est « mitigé » voire « lamentable ». L’aveu est de taille.

En réalité, cette construction désagrège le « modèle social européen ». Elle oppose les travailleurs européens entre eux dans une concurrence coupe-gorge contre les salaires et les dépenses sociales. Sa bureaucratie envahissante, capable d’engendrer des monstres comme la directive Bolkestein, étouffe la démocratie.

Il faut enfin pouvoir changer d’orientation.

Cela concerne particulièrement l’emploi. Avec les nouvelles technologies, l’ambition historique de l’Europe en ce domaine peut et doit être celle d’une éradication progressive du chômage, en instaurant graduellement une sécurité commune d’emploi ou de formation, comme le propose le PCF, au lieu du maintien à perpétuité d’un volant de chômeurs, comme le suppose la seule promesse du « plein emploi » reprise par la consti­tution - Giscard.

Cette visée exige des moyens financiers et des pouvoirs nouveaux pour les salariés, les citoyens et les élus.

La promesse d’Europe sociale est totalement démagogique sans réorientation profonde de la BCE, sous le contrôle des parlements euro­péen et nationaux. Une transformation des liai­sons banques-entreprises, à l’appui des luttes, pour une sécurisation-promotion de l’emploi et de la formation, et pour un développement émancipateur de chacun(e) est nécessaire.

De même, il faut mettre en cause le pacte de stabilité pour un puissant essor des services publics et socialisés aux personnes.

Il faut développer une démocratie participa­tive, à l’opposé de la domination bureaucra­tique de la Commission, du Conseil et des limites du Parlement européen, avec des pouvoirs d’intervention des citoyens et des travailleurs, du plan local jusqu’à leur concer­tation aux plans régional, national et euro­péen, en coopération avec l’Assemblée de Strasbourg.

Alors, est-ce que ce serait le « chaos » si le « non » l’emportait ? Ce serait au contraire l’ouverture d’un processus de renégociation pour une autre construction européenne.

Si le « non » est majoritaire en France, il stoppera le processus d’adoption et la résignation. Cela serait suivi, sans doute, d’autres « non » majori­taires dans les pays où un référendum est prévu. Cela donnerait une force nouvelle, ailleurs, à tous ceux qui voudraient une autre Europe et qui ne peuvent l’exprimer par un vote.

Les traités existants resteraient la règle, mais ils n’auraient pas la force d’une loi fondamentale s’imposant à chaque nation par-dessus sa propre constitution.

Et surtout, la France pourrait prendre des initiatives pour un débat démocratique national et en direction de ses partenaires européens afin de renégocier ces traités. Grâce à l’intervention populaire et citoyenne, il s’agirait d’ instituer des pratiques anticipant un nouveau droit social européen et d’ouvrir la perspective de règles et politiques alternatives : en matière d’emploi, de formation, de protection sociale, de revenus, de recherche, de culture. On pourrait avancer sur un autre crédit, (avec des Fonds régionaux pour l’emploi et la formation), la fisca­lité, un nouveau développement industriel et l’expansion des services et entreprises publics.

La sanction légitime ainsi apportée au gouver­nement de droite en France, comme à l’ensemble des orientations néo-libérales, permettrait aussi l’exigence, pour les élections suivantes, d’aller au-delà d’une simple alternance. La nécessité de rassembler sur de grands axes de transformation sociale radicale en France participerait ainsi du rassemblement novateur à construire pour réorienter l’Union européenne.

Cela permettrait d’aller à la rencontre de toutes les forces qui cherchent en Europe à s’émanciper du libéralisme. L’Union, profondément réorientée, pourrait commencer à changer de rôle dans le monde en parvenant à s’arracher à la domination des marchés financiers, à l’hégémonie des États- Unis, à la course aux arme­ments. Elle pourrait tendre la main aux pays émergents et en développement, dans la visée de la construction d’un monde multipolaire, d’une culture de paix, de co-développement des peuples, d’ une nouvelle civilisation.

Paul Boccara & Yves Dimicoli

Commission politique économique et sociale du Pcf

Cette brochure a été réalisée grâce aux contributions de Paul Boccara, Sylvian Chicote, Yves Dimicoli, Denis Durand, Roland Farré, Fabien Maury, Catherine Mills, Alain Morin, Rosa Moussaoui, et a été coordonnée par Fabien Maury.

 

Sécuriser et promouvoir l’emploi et la formation de chacun(e)

1. Ce que dit le projet de Traité Constitutionnel.

La concurrence déchaînée.

Le projet de Constitution est tout entier bâti sur la mise en concurrence des peuples européens pour faire pression sur les salariés et leur protection sociale au nom de la concurrence libre et non faussée (art. I-3-2), c’est-à-dire en principe sans protection publique.

Ce principe est répété pour tous les marchés et il guide l’ensemble des politiques de l’Union européenne : libre entreprise (art. II-76), libre-circulation des biens, libre-circulation des services, libre-circulation des capitaux, libre-circulation des personnes ainsi que la liberté d’établissement (art. I-4-1). Ce principe primerait sur les différents droits sociaux et nationaux pour favoriser les capitaux financiers entraînant les expor­tations de capitaux et les délocalisations contre l’emploi, dégradant le modèle social européen au lieu de le promouvoir.

La concurrence contre le droit à l’emploi. Quelles en seraient les conséquences dans la pratique en ce qui concerne les droits des travailleurs sur le marché du travail ?

En France, on pourrait opposer le principe de libre concurrence non faussée et celui de libre entreprise, aux différents droits sociaux aujourd’hui reconnus : droit [de chacun] d’obtenir un emploi (alinéa 5 du préambule de la Constitution de 1946 repris dans celle de 1958) ; libre choix de son travail (art. XXIII de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948) ; droit « pour les travailleurs de participer (...) à la gestion des entreprises » (al. 8 du préambule de la Constitution de 1946 repris dans celle de 1958). Sans parler des protections du droit du travail existant et à faire progresser.

En fait, dans le projet de Constitution les seules libertés reconnues dans ce projet sont soumises au bon vouloir patronal c’est-à-dire la liberté pour chacun-e de se présenter sur le marché du travail : droit de travailler (art. II-75-1) ; liberté de chercher un emploi (art. II-75-2) ; droit d’accéder à un service gratuit de placement (art. II-89). Le projet encourage même la précarité (art.III-203).

Le droit de grève limité. Si le droit de grève est bien reconnu (art. II-88), comme dans la Constitution française, sa portée en est immédiatement restreinte par -la reconnaissance du lock-out (art. II-88 et III-210-6). Il est aujourd’hui illicite en France. Il permettrait à l’employeur de fermer temporairement une entreprise en raison d’une grève ou d’une menace de grève.

2. L’impact sur la vie de chacun(e).

Le fiasco de la construction européenne actuelle.

L’UE est devenue une zone de chômage massif et durable : officiellement 13 millions de chômeurs dans la zone euro, 19 millions dans l’UE à 25. La précarité est omniprésente : ce sont 19 millions de salariés dans la zone euro, 30 millions dans l’UE à 25 qui sont dans le sous-emploi (CDD, intérim, temps partiel contraint etc.). En tout, le chômage et le sous-emploi frappent 32 millions de travailleurs de la zone euro et 49 millions dans l’UE à 25.

La pauvreté officiellement reconnue est énorme : 68 millions de personnes sont considérées comme pauvres dans l’UE à 25 dont 17 millions d’enfants.

La croissance est devenue une des plus faibles du monde. Depuis 1999, et l’introduction de l’euro favorisant les placements financiers et les exportations de capitaux, la croissance de la zone euro est de moitié inférieure à celle des États-Unis, c’est-à-dire un déficit de croissance de 7 points de pourcen­tage en 7 ans.

La culpabilisation des chômeurs et les pressions à la baisse sur les conditions de l’emploi.

Disons-le tout net, la totale absence d’une référence au droit de choisir son emploi, ouvre la porte à la généralisation des pratiques de culpabilisation des chômeurs et de sanctions contre leurs indemnisations afin qu’ils acceptent n’importe quel emploi ou activité, à n’importe quelles conditions. Ce qui au total tirerait très fort vers le bas tous les salaires et condi­tions de travail. Cette tendance serait renforcée avec le projet de mise en concurrence de l’ANPE avec des services de placements privés que souhaitent réaliser J.-L. Borloo.

Les encouragements à licencier, à précariser, à accroître le temps de travail, à réduire le droit de grève.

Les principes de ce texte ont inspiré J.-P. Raffarin et J.-L. Borloo pour supprimer les mesures anti-licenciements votées en 2001 sur l’initiative des parlementaires communistes. Cela les encourage pour tenter de remplacer les CDI par des contrats précaires et pour accroître les facilités de licencier y compris dans la Fonction publique.

Il n’est fait à aucun moment référence à la notion de durée légale hebdomadaire du travail. Les institutions européennes ne reconnaissent que celle de durée maximale du travail (art. II-91-2) aujourd’hui fixée à 48h, un projet de directive prétend la porter bien au-delà : pour commencer à 65h ! C’est en conformant la législation française à ce droit euro­péen que N. Sarkozy et J.-L. Borloo ont mis en pièces les 35h.

Le droit de lock-out serait, en réalité, un moyen de mettre en cause le droit de grève des salariés. Il serait utilisé pour peser sur les revendications, diviser les salariés avec le chantage à la fermeture de l’établissement et au non-paiement des salaires comme cela se pratique déjà au Royaume-Uni.

3. Les partisans du « oui » parlent de progrès, débattons-en !

La Charte des droits fondamentaux est-elle une avancée ?

Examinons attentivement la question. Cette Charte (partie II du texte) entéri­nerait de véritables reculs par rapport à la Déclaration universelle des droits de l’homme ou aux droits sociaux les plus avancés des Etats-membres, aux droits des femmes, à la laïcité.

Et soyons précis ! La Charte ne crée aucune compétence, ni aucune tâche nouvelle pour l’Union et ne modifie pas [...] les tâches définies dans les autres parties de la Constitution (art. II-111-2 et déclaration 12 annexée). Mais, le projet de Constitution admet la possibilité de limitation(s) de l’exercice des droits et libertés reconnus dans la Charte, si elles sont jugées nécessaires et répondant effec­tivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union (art. III-112-1).

Une économie sociale de marché haute­ment compétitive est-elle une avancée ?

Le texte parle d’une économie sociale de marché hautement compétitive (art. I-3-3). Or, cette notion est utilisée en Allemagne pour qualifier le démantèle­ment actuel du modèle social sous domi­nation du marché déchaîné : avec 5,2 millions chômeurs, un taux de chômage de 12,4%, la casse des acquis sociaux (casse du système de santé, précarisa­tion du marché du travail, démantèle­ment du système de retraites) tout cela au nom de la compétitivité.

Le Danemark est souvent cité par les tenants du oui comme le modèle de flexé­curité à suivre. Bel exemple en vérité : chaque année un quart de la population active passe par une période de chômage, un autre quart est exclu du marché du travail.

La promesse du « plein-emploi » est-elle une avancée ?

Selon le texte, l’Union devrait tendre vers le plein-emploi (art. I-3-3). Outre qu’il ne s’agit que d’une promesse, cette notion est très trompeuse ! C’est un concept inventé dans l’entre-deux-guerres et il a été utilisé pour guider les politiques après la seconde guerre mondiale mais contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce n’est pas l’emploi pour tous. C’est une situation où le taux de chômage est abaissé, sans faire dispa­raître la privation d’emploi pour nombre de travailleurs.

Aujourd’hui, certains économistes parlent même de « taux de chômage de plein-emploi ». Et ils l’évaluent aux environs de 5% en France. Ce qui ferait 1,5 millions de chômeurs pour notre pays. Et cela sans parler de l’immense précarité !

L’idéal pour les tenants du « oui » serait donc une société où l’on maintiendrait un volant substantiel de chômeurs, avec le pouvoir énorme que cela donne aux patrons de jeter les sala­riés, de précariser les emplois pour faire pression sur le taux de salaire et les conditions de travail.

L’Alternative au chômage : instaurer graduellement une Sécurité d’emploi ou de formation.

Dans l’Europe que nous voulons, le chômage devrait pouvoir être progressivement éradiqué grâce à un accès effectif pour chacun-e à la formation tout au long de la vie et une sécurité d’activité professionnelle avec des revenus et des droits relevés.

Il s’agit d’aller ainsi vers un système de « Sécu­rité d’emploi ou de formation ». Pleinement réalisé, ce système, prolongeant les principes de la Sécurité sociale et allant bien au-delà, permettrait à chacun-e une mobilité ascen­dante d’activités choisies entre emploi stable et correctement rémunéré et formation en vue d’un meilleur emploi, avec une continuité et une sécurité de revenus et de droits. La société pourrait ainsi se défaire des emplois obsolètes ou inefficaces et moderniser la production sans faire passer les salariés par le chômage.

Tout de suite, on peut ouvrir cette pers­pective en France, face aux choix libéraux, en investissant quatre chantiers de luttes immédiates :

-  Avec les chômeurs et les Rmistes, il s’agit de gagner de bonnes indemnisations, comme base de conditions de vie favorisant la réin­sertion, ainsi que les moyens nécessaires à un retour à l’emploi choisi. A l’appui, nous proposons une modulation des cotisations chômage des employeurs, pénalisant ceux qui précarisent, et une réforme profonde de l’UNEDIC, de l’ANPE et de l’AFPA.
-  Avec les précaires et tous les salariés à temps partiel contraint, il s’agit de lutter pour une transformation progressive de leur situation respective en emploi stable et correctement rémunéré, à temps plein. A l’appui de cet objectif, nous proposons de fortes pénalisations du recours aux emplois précaires et des incitations financières pour des contrats nouveaux de sécurisation, y compris concernant divers employeurs.
-  Avec tous ceux qui luttent contre les licen­ciements, les délocalisations, les restructura­tions sauvages, il s’agit de « sécuriser les parcours professionnels » et de responsabiliser les entreprises dans ce sens, ainsi que pour des créations d’emplois en quantité et en qualité.
-  Les salariés et les citoyens devraient pouvoir imposer des moratoires suspen­sifs et faire prendre en compte des propo­sitions alternatives. Chaque personne concernée devrait être, soit maintenue dans un emploi modernisé avec une bonne formation si nécessaire, soit être reclassée dans de bonnes conditions choisies.

Des mesures de prévention des difficultés d’emploi pourraient être imposées. De nouveaux types de contrats de travail non interrompus mais sécurisés, impliquant des employeurs et de nouvelles institutions, pour­raient être mises en place. Ils organiseraient le passage d’un emploi à un autre ou d’un emploi à une formation. Les travailleurs dont l’emploi disparaît, pourraient revenir à un meilleur emploi sans aucun passage par le chômage.

Pour cela, les entreprises publiques et privées, les États, les collectivités territoriales, l’Union européenne elle-même, devraient s’engager sur des objectifs annuels contraignants - régio­naux, nationaux, européens - de création ou de transformation d’emplois ou de formations. Cela nécessiterait :
-  des pouvoirs nouveaux de proposition des intéressés eux-mêmes, salariés et chômeurs, et de leurs organisations, ainsi que des élus, avec de nouveaux financements.
-  La mobilisation de la Banque centrale euro­péenne pour un crédit nouveau à taux très abaissés voire nuls pour l’emploi.
-  Sa mobilisation pour des financements publics de soutien de l’emploi et de la formation.
-  De nouveaux pouvoirs des travailleurs et des comités d’entreprise dans les gestions des entreprises.

 

Développer les services publics et les coopérations

Ce que dit le projet de Traité Constitutionnel

La mise en cause des entreprises et des services publics.

Avec comme principe de base du projet de Constitution la mise en concurrence déchaînée des services en Europe, l’objectif devient leur « libéralisation » (art. III­133 à III-150, dont III-144, III-148). En fait, l’UE s’inscrit dans les préceptes libéraux de l’OMC et de l’AGCS (art. III-314) qui pous­sent la concurrence, les déréglementations et privatisations.

Le projet de Constitution met en avant les notions de service d’intérêt général (SIG) et de services d’intérêt économique général (SIEG) au détriment de celle de service public pris en charge par la puissance publique ou des entreprises publiques visant d’autres buts que la rentabilité financière.

Les notions de SIG et de SIEG (art. II-96, III-122, III-144, III-146, III-148, III-166, III-238) ont été créées pour mettre en cause l’idée même de service public et non privé. Ces notions permettent de traiter ce qui relève de l’intérêt général avec certaines excep­tions au marché, la concurrence pour le profit étant la règle.

Dans ce cadre, les missions d’intérêt général peuvent être assumées par des entreprises privées ou privatisées avec un cahier des charges, nommé servitudes (art. III-238), assorties de remboursements publics. En fait, ce cahier des charges se transforme en peau de chagrin dès qu’il se trouve confronté aux exigences de renta­bilité des capitaux des entreprises privées comme avec le triste exemple des chemins de fer britanniques.

De plus, le domaine des SIG et SIEG est extrêmement restreint, par exemple, le crédit et les banques en sont exclus.

L’impact sur la vie de chacun(e)

Un exemple de la mise en cause du service public : le projet de directive « Bolkestein » sur les services.

Elle concerne tous les services (exceptés la justice, la police, l’armée, ouf !). Cette directive, imposerait la règle dite « du pays d’origine ». Celle-ci permettrait à une entreprise étran­gère implantée en France d’appliquer la législation de son pays d’origine. Cela signifierait donc une mise en concurrence gravissime des travailleurs des services. Elle mettrait aussi en cause le droit social, le service public, la Fonction publique. Dans l’état actuel du droit français, cette directive est illégale. En effet, aujourd’hui les lois sociales françaises s’appliquent à toute personne ou entreprise agissant sur le territoire de la République, quel que soit son pays d’origine. La France devrait s’opposer à l’adoption de cette directive. Sous la pression des luttes sociales et de la progression du « Non » dans l’opinion, J. Chirac a demandé son remaniement mais non sa suppression. En réalité, les principes qui sous-tendent ce projet de direc­tive ne sont pas mis en cause. Principes qui seraient légalisés si le projet de Constitution était adopté car le droit de l’Union prime sur celui des Etats-membres (art. I-6), car elle établit la libre circulation des services (art. I-4) ainsi que la libre pres­tation des services (art. III-144) et enfin car les Etats-membres doivent s’efforcer de procéder à la libéralisation des services (art. III-148).

C’est pourquoi les promoteurs de la directive, soutenus par les commissaires français de droite et socialiste, attendent avec impatience un vote « oui » au projet de Constitution.

La mise en cause des services publics de santé.

Avec la notion de SIEG, les services de santé pourraient être assumés par des opérateurs privés (assureurs, cliniques privées etc.). Ainsi, cela favoriserait la privatisation du service public hospitalier voire de l’ensemble du service de protection sociale et de santé.

L’accélération de la mise en concurrence des services et des entreprises publiques et de leur privatisation.

En sacralisant la concurrence libre et non faussée et en fixant comme objectif la libéralisation des services (art. III-144), le projet de Constitution donnera une ampleur beaucoup plus importante aux déréglementations et aux privatisations. C’est le cas aujourd’hui avec l’énergie, le gouvernement Raffarin souhaitant privatiser rapidement Edf et Gdf. En effet, il consacre le principe de concurrence entre opérateurs. Ces méthodes ont conduit à des graves échecs comme avec France Télécom, les chemins de fer anglais, l’électricité en Espagne. Et à chaque fois qu’une entreprise privée a du assumer des missions de service public, ces missions ont été mises en cause comme on le constate plus que jamais avec les groupes monopolistes de l’eau qui rançonnent les usagers pour réaliser des opérations financières gigantesques alors que la fourni­ture d’une eau de qualité pour tous, à un prix raisonnable n’est plus assurée. Les financements publics seraient extrêmement limités. Ils ne sont reconnus que dans le domaine des transports avec là aussi leur limitation au remboursement de certaines servitudes (art. III-238). Enfin, le financement par création monétaire des dépenses publiques est interdit (art. III-181, III-183-1).

Les partisans du « oui » parlent de progrès, débattons-en !

Est-ce un progrès pour la protection sociale, le droit à la santé, le droit à la retraite, le droit au logement ?

Le texte n’évoque qu’un droit d’accès aux prestations et services sociaux (art. II-94-1). Il ne figure pas de droit explicite à un revenu minimum ou de droit au logement mais une simple liberté d’accéder à une aide sociale et à une aide au logement (art. II-94-3). A aucun moment le droit à la retraite n’est évoqué. En ce qui concerne la santé, seul l’accès à la prévention et à des soins médicaux est mentionné (art. II-95). C’est un recul par rapport à la Constitution française qui « garantit à tous [...] la protec­tion de la santé, la sécurité matérielle[...] le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence » en cas d’incapacité de travailler (art. 11 du préam­bule de la Constitution française) à la décla­ration universelle des Droits de l’homme qui reconnaît le droit à la « sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage... » (art.25) et à la Charte Sociale de Turin qui établit que « tout travailleur ...a droit à la sécurité sociale ».

Existe-t-il un progrès de l’harmonisation sociale ?

Ainsi la Charte des droits fondamentaux est limitée du point de vue de la protection sociale et dans ce domaine, comme dans les autres, elle ne crée aucune compétence et aucune obligation (art. II-111) pour l’Union européenne. Quant à l’harmonisation des systèmes sociaux, elle est laissée d’abord au fonctionnement du marché inté­rieur (art. III-209), c’est-à-dire la mise en concurrence déchaînée des systèmes sociaux dans le but de baisser les coûts salariaux. En fait, c’est l’interdiction de toute lutte anti-dumping social puisqu’il n’existe aucun article mettant en place une clause de non-régression sociale.

Le financement public des services sociaux est-il possible ?

Les réformes des services sociaux ne doivent à aucun moment compromettre l’équilibre financier du système de sécurité sociale d’un pays (art. III-210-5-a). En fait, c’est la traduction pour le système de protection sociale, des normes de ration­nement des dépenses publiques et sociales figurant dans le Pacte de Stabilité. Pourtant, c’est la recherche obsession­nelle du plus bas coût des services sociaux, avec leur mise en concurrence, qui entraîne la relance incessante de leur insuf­fisance. Au contraire, une qualité supé­rieure de ces services permettrait une effi­cacité de leurs apports et, finalement, des économies réelles par rapport à de meilleurs résultats.

Est-ce un progrès pour les droits des femmes ?

La Charte des droits fondamentaux porte une conception régressive des droits des femmes. Certes, le projet de Constitution reconnaît formellement l’égalité entre les hommes et les femmes (art. II-83). Mais, à la différence de la concurrence libre et non faussée, le texte ne garantit pas cette égalité ni ne définit d’objectifs concrets pour l’atteindre. De plus, cette égalité semble encore plus illusoire quant la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale est laissée aux seules femmes (art. II-93). D’un point de vue pratique, ce texte pour­rait être l’occasion de reculs inquiétants. Ainsi, le texte retient la formulation de droit à la vie pour toute personne (art. II-62) sans que soit fait, à aucun moment, réfé­rence au droit pour les femmes de disposer librement de leur corps ou aux droits à l’avortement, à la contraception. Dans le pire des cas, la reconnaissance du droit à la vie sans mention du droit à l’avortement pourrait permettre aux Églises de mettre en cause le droit à l’IVG comme elles l’ont déjà fait en Pologne. Et même si cette tentative était mise en échec, les Polo­naises, Maltaises, Portugaises et Irlandaises resteraient privées encore longtemps du droit à disposer de leur corps. Le droit au mariage est reconnu (art. II-69) mais pas celui au divorce. Les formes d’union hors mariage ne sont pas recon­nues. Elles ne bénéficient donc pas d’une sécurité juridique.

L’ Alternative à la concurrence sauvage : développer les services publics et les coopérations

Nous visons une tout autre ambition pour l’Europe : Celle d’une communauté de partage, au service du développement des capacités de chaque personne, pour sécuriser et promou­voir chaque moment de sa vie ; une commu­nauté qui permettrait un développement culturel maximum de chacun-e en liaison avec les potentialités des technologies informa­tionnelles, pour une nouvelle civilisation. Celle-ci reconnaîtrait le droit à une protection sociale étendue et développée pour tous ainsi que le droit effectif à la retraite et à la santé. Pour cela, il faut organiser des coopérations ambi­tieuses, multiples et intimes, afin de déve­lopper les biens communs de l’humanité. Dans l’Union européenne que nous voulons, l’idée de service public ne servirait plus à caractériser des « exceptions au marché », mais des institutions modernes et coopérantes permettant, au contraire, de commencer à dépasser sa domination.

Avec une nouvelle expansion des institutions publiques et sociales, les services non marchands (hôpitaux, écoles..), loin d’être sous la pression de la marchandisation et de la privatisation, fonctionneraient dans un but d’efficacité sociale, avec non seulement des principes d’égalité d’accès et de péréquation, mais aussi une transformation fondamentale permettant de sortir de toutes les inégalités effectives exacerbées et de répondre aux besoins d’épanouissement de chaque person­nalité. Cela requiert la pleine participation de leurs salariés et de leurs usagers à la définition, la réalisation et l’évaluation des missions. Ces services seraient connectés, jusqu’au niveau européen, dans de vastes réseaux non marchands voués au développement de chaque personne, là-même où elle entend vivre avec les siens, grâce au partage des savoirs, des compétences, du coût et de l’utilisation des recherches et des équipements.

Au-delà des missions traditionnelles de service public à revivifier, les services marchands (électricité, gaz, transports....) seraient adossés à des entreprises publiques assumant une nouvelle mission d’intérêt commun de sécu­risation et de promotion de l’emploi et de la formation, de recherche. Leur gestion, démo­cratisée, les conduirait à coopérer pour assurer une responsabilité sociale, territoriale et envi­ronnementale avec de nouveaux critères de décision et l’intervention des salariés et des usagers jusque dans leurs choix les plus stra­tégiques. Un nouveau type de financement leur permettrait de s’émanciper du marché financier grâce à l’accès à un crédit bancaire privilégié et sélectif épaulant leur mission de sécurisation de l’emploi. Leurs coopérations intimes, en France et en Europe, les amène­raient à constituer des réseaux pour le partage des coûts et résultats des recherches, l’essor des qualifications, des co-productions nouvelles développant et modernisant les filières industrielles et de services. Elles entraî­neraient ainsi le secteur privé vers de nouvelles coopérations et des choix d’efficacité sociale.


Un autre rôle de la BCE pour mettre les financements au service du progrès social et solidaire

Ce que dit le projet de Traité Constitutionnel

Encouragement aux exportations de capi­taux, aux délocalisations et interdiction de la « Taxe Tobin ».

Le projet de Constitution incite les institu­tions européennes à réaliser l’objectif de libre-circulation des capitaux entre Etats-membres et pays tiers (art. III-157-2) et il interdit les restrictions tant aux mouvements de capitaux qu’aux paiements entre les Etats-membres et entre Etats-membres et pays tiers (art. III-156).

C’est un encouragement délibéré à la fuite des capitaux hors d’Europe pratiquée par les grands groupes et les institutions finan­cières avec les placements financiers, les délocalisations, les rachats d’entreprises etc. C’est une interdiction de fait d’une taxation des capitaux de type Tobin.

Indépendance de la BCE vis-à-vis des citoyens, des élus. Euro pour les place­ments financiers contre l’emploi.

Une foule d’articles sacralisent la BCE telle que l’a conçue le traité de Maastricht voulant cadenasser ses orientations actuelles et même les aggraver (art. I-34 ; III­185 et suivants, ainsi que ceux concernant les différentes politiques de l’Union euro­péenne, protocoles annexés).
-  Elle est indépendante du débat démocratique, des citoyens et des forces sociales, politiques nationales et européennes (art. III­188) mais elle est très sensible aux exigences des marchés financiers.
-  Elle a un objectif primordial, la stabilité des prix (art. III-185-1) sans mission pour l’emploi, la formation, la recherche, la crois­sance et cet objectif déclaré devient celui de l’Union elle-même (protocole sur les statuts de la BCE).
-  Elle pilote le Système européen de banques centrales (SEBC). Celui-ci intègre sans les faire disparaître les banques centrales nationales. Il monopolise le pouvoir d’orientation sur le crédit des banques en Europe (art. III-185-2).
-  Elle doit être consultée (ou elle peut se saisir elle-même) sur toute décision qui pourrait mettre en cause sa mission primordiale (art. III-185-4 et III-190) y compris les politiques sociales, salariales, d’emploi etc...
-  La révision des statuts de la BCE n’est possible que sur proposition de la Commission européenne ou de la BCE elle-même et après sa consultation (art. III-187-3 et III-187-4).

En fait, rien ne doit venir gêner la mission principale de la BCE c’est-à-dire la défense d’un euro « fort » pour le marché financier (sous couvert de lutte contre l’inflation). Le Pacte de stabilité (art. III-184-1 et 184-2) fait pression contre les dépenses publiques, les déficits budgétaires et les emprunts publics. Il empêche le soutien de la dépense publique par la création monétaire. Cette politique joue contre l’emploi et la crois­sance réelle en favorisant la domination des marchés financiers et les rendements financiers élevés pour les capitaux.

Les dispositions sur la BCE dans le projet de Constitution renforcent les orienta­tions actuelles de la politique monétaire favorisant les placements financiers. Elles s’opposent aux mesures qui pourraient mettre en cause cette orientation alors que cela entraîne la croissance plus faible et le chômage plus fort de ce côté de l’Atlantique.

L’impact sur la vie de chacun(e)

Le redoublement des difficultés de l’emploi, du chômage et de la précarité par l’encouragement aux placements financiers et aux exportations de capitaux.

La BCE et le Pacte de stabilité sont conçus pour réduire les dépenses publiques, sociales et salariales et pour accroître les prélèvements financiers sur les richesses produites.

La construction monétaire favorise les sorties massives de capitaux. Depuis la mise en place de l’euro, en 1999, les sorties nettes de capitaux (investissements directs et investissements de portefeuille) ont été de 156 milliards d’euros essentielle­ment vers les États-Unis soutenant ainsi le dollar, leur croissance et leurs déficits contre la croissance et l’emploi en Europe.

Cette politique encourage les placements sur les marchés finan­ciers (OPA, fusion-acquisition, rachat d’actions etc.). Par exemple, en France, en 2003, les entreprises non financières ont pu disposer de 458 milliards d’euros de ressources nouvelles, c’est-à-dire 1,8 fois le budget de l’État. Plus de la moitié de ces ressources, 51 %, ont été utilisées pour payer les intérêts aux banques, verser les dividendes aux actionnaires, réaliser des placements financiers. Début 2005, alors que la croissance chutait, les profits des groupes de l’Eurostoxx 50 (le principal indice boursier européen) augmentaient de 35%.

Cette politique se fait contre l’emploi. Les groupes peuvent accéder à un argent peu cher pour financer leurs opérations financières et leurs restructurations accompagnées de licen­ciements. Par exemple, pour le rachat d’Aventis, Sanofi a pu bénéficier de 16 milliards d’euros de crédits à un taux d’intérêt très faible légèrement supérieur à 2%. Par contre, le crédit est très cher pour les investissements des PME. Leurs taux d’intérêt sont entre 6 et 8%. Cela entraîne des difficultés pour les créations d’emplois. D’une façon générale les charges financières élevées favorisent la recherche de bas coûts salariaux, les suppres­sions d’emplois et les délocalisations. Au total, le crédit de la zone euro alimente les sorties de capitaux, la hausse des cours des titres financiers et l’inflation immobilière au lieu de financer la croissance et l’emploi.

Les partisans du « oui » parlent de progrès, débattons-en !

La logique du Pacte de Stabilité main­tenue coûte que coûte.

Le Pacte de stabilité est un échec officiel : 4 États sur 12 sont en permanence en dehors des critères du Pacte, le rationne­ment des dépenses publiques a un effet dépressif sur la croissance de toute la zone. Le fiasco est tel que R. Prodi avait estimé que ce Pacte était « stupide ».

Lors du Conseil européen de Bruxelles en mars 2005, les dirigeants de l’Union ont décidé « d’assouplir » le fonctionnement du Pacte de stabilité mais sans abandonner ses objectifs essentiels. Selon J. Chirac lui-même « la règle des 3% [de Pib pour le déficit public] reste d’actualité. Elle s’impose. La règle de 60% [de Pib pour la dette publique] est également maintenue ». Et le Conseil européen a réaffirmé que ces « deux ancrages nominaux [...] restent la clé de voûte de la surveillance multilatérale ». D’ailleurs France et Allemagne se sont engagées à réduire le déficit en dessous de 3% dès 2005. Plus encore, il est réaffirmé que les États doivent viser un déficit zéro, se privant ainsi des moyens d’investir dans des dépenses utiles. De nouvelles mesures de surveillance pour le respect de ces règles ont même été décidées.

Bien évidemment, il n’a pas été question de la BCE et de sa politique déflationniste au service d’un euro au taux de change élevé pour attirer les capitaux financiers. En fait, à Bruxelles, les dirigeants ont bougé certains éléments du Pacte afin que rien, surtout rien, ne change, surtout pas l’orientation de la BCE.

N’oublions pas qu’en 1997, ce Pacte a été conçu, à l’initiative de J. Chirac et L. Jospin, pour protéger l’euro de toute pression infla­tionniste et, en définitive la BCE de toute demande de soutien de la dépense publique et sociale par la création monétaire.

La pression est donc maintenue pour, vaille que vaille, sabrer les dépenses de santé, d’éducation, de recherche, d’emploi etc. C’est dans ce cadre que l’Allemagne et la France ont vu leur croissance s’effondrer tout en continuant à afficher des déficits publics supérieurs à 3% du Pib.

L’euro-groupe créé pour protéger la BCE et non pas pour lui faire contrepoids.

Les tenants du « oui » prétendent que la création de l’euro-groupe (art.III-194 et protocole annexé) permettrait, aux diri­geants politiques de regagner du pouvoir sur la BCE. Cet euro-groupe serait placé sous l’autorité d’un président élu pour deux ans et demi à la majorité. Il serait chargé d’assurer la coordination des poli­tiques économiques de la zone euro.

Toutefois, cette « coordination » n’aurait rien d’une reconquête de pouvoir sur la BCE puisqu’elle devrait se réaliser dans le sens d’un strict respect des objectifs de la BCE. Il s’agit notamment de « renforcer la coordination et la surveillance de leur discipline budgétaire » (art. III-194-1-a). En réalité, le but de cette institution serait de coopérer pour que rien ne vienne mettre en cause la politique monétaire de la BCE au service des marchés financiers.

L’euro ne nous protège pas de l’instabilité monétaire.

Les promoteurs de l’euro, outre la promesse du « plein-emploi » et d’une crois­sance forte, avaient justifié la monnaie unique car celle-ci permettrait la stabilité monétaire. Las, en 6 ans d’existence, le taux de change de l’euro a tellement fluctué qu’il est à l’origine, avec le dollar, d’une véritable instabilité monétaire mondiale. Depuis 1999, le taux de change de l’euro face au dollar a d’abord chuté de plus de 25% pour remonter ensuite de près de 60%. Cette montée spéculative de l’euro face au dollar contribue à la faiblesse de la croissance européenne.

La politique monétaire favorise les délocalisations.

L’orientation actuelle de l’euro accroît gravement les difficultés. En effet, pour répondre aux exigences d’un euro attractif pour les capitaux financiers et donc aux injonctions de la BCE, les Etats-membres cherchent à diminuer les dépenses sociales et salariales. Ils tentent de transformer l’espace européen en zone de bas coûts salariaux. Ils rationnent les dépenses collectives pour l’éducation, la recherche, la santé, la culture, avec une mise en concurrence féroce des travailleurs et des coûts salariaux.

La Commissaire à la politique régionale, Danuta Hubner, l’a très bien expliquée dans une interview à La Tribune. Selon elle, « prévenir les délocalisations, les stopper par des règles artificielles travaille­rait (...) contre la compétitivité des entre­prises. Ce que nous devons faire, au contraire c’est faciliter les délocalisations au sein de l’Union. Ainsi les [groupes euro­péens] seront globalement plus forts car ils pourront abaisser les coûts ».

D’un côté, cette politique met l’Union en difficulté face aux États-Unis sur les hautes technologies, car celles-ci requiè­rent des salariés qualifiés, bien payés et des dépenses sans cesse accrues en matière d’éducation et de formation, de recherche, de culture, de santé. D’un autre côté, ce rationnement perpétuel sur les salaires et le social sera toujours insuffisant face aux très bas coûts des pays émergents.

L’ Alternative aux marchés financiers : de nouveaux moyens financiers et une nouvelle création monétaire, pour une Europe active et créative

Mise en cause radicale du Pacte de Stabi­lité et contrôle démocratique de tous les fonds publics pour l’efficacité sociale.

Dans l’Europe que nous voulons, le carcan budgétaire du Pacte de stabilité serait complètement remis en cause. On exclurait d’abord de l’évaluation des déficits publics à maîtriser les dépenses d’infrastructures et de recherche, celles d’éducation, de santé et de culture, ainsi que celles qui concernent l’emploi. Mais il y aurait aussi une souplesse des déficits et surtout une expansion des dépenses publiques utiles soutenues par la BCE et s’opposant à l’inflation par la contribution à la production de richesses sociales. Un contrôle démo­cratique de l’efficacité des dépenses publiques serait instauré. Cela concerne­rait notamment les fonds publics versés aux entreprises pour vérifier leur effica­cité du point de vue de l’emploi avec, en cas contraire, des remboursements. Ainsi, il s’agirait de construire un véritable Pacte pour l’emploi, la formation, les nouvelles technologies alliées au progrès social.

L’emploi, la formation, la recherche, les progrès de la société : mission primor­diale de la BCE.

Dans l’Europe que nous voulons, la Banque centrale aurait un autre rôle. D’une part, par création monétaire nouvelle, elle soutiendrait une relance concertée des dépenses publiques de développement dans chaque pays, achetant des titres d’emprunts publics affectés aux besoins de développement humain. D’autre part, les banques qui accordent des crédits à moyen ou long terme aux entreprises pour financer leurs investissements matériels et de recherche pourraient « refinancer » ces crédits auprès de la BCE. Celle-ci prati­querait pour ces opérations des taux d’intérêt d’autant plus réduits que seraient programmés plus d’emplois et de forma­tions, en coopération. Ce n’est pas de l’utopie : la BCE et les banques centrales nationales disposent de tous les moyens techniques pour le faire, et elles viennent de renforcer ces moyens en généralisant à l’ensemble de la zone euro le « refinance­ment » des crédits aux entreprises, jusque-là limité, pour l’essentiel, à la France.

C’est une toute autre logique qui oriente­rait la politique monétaire et de crédit : le loyer de l’argent que la BCE prête aux banques serait relevé pour les crédits servant à financer des opérations finan­cières ou spéculatives ; au contraire, le loyer de l’argent, serait d’autant plus abaissé que les crédits ser viraient à financer des investissements program­mant plus de créations d’emplois et de formation. Cette modulation permettrait d’influencer le comportement des entre­prises, des banques.

Tout de suite, en France, on peut œuvrer dans ce sens en imposant la création de Fonds régionaux pour l’emploi et la forma­tion. Alimentés, pour commencer, par le budget de chaque conseil régional, ils pren­draient en charge tout ou partie des inté­rêts des crédits accordés par les banques aux entreprises pour financer leurs inves­tissements, en fonction des créations d’emplois et des mises en formation program­mées. Ces Fonds régionaux, ouverts aux propositions des salariés, des citoyens, des élus constitueraient la base pour lancer un Fonds national décentralisé pour l’emploi et la formation. Agissant de concert avec ces fonds régionaux, un pôle financier public et socialisé, constitué de la Caisse des dépôts, des Caisses d’épargne, de la Poste, de l’ANVAR, de la BDPME, des banques mutualistes..., contri­buerait à la nouvelle grande mission de service public du crédit pour sécuriser et promouvoir l’emploi et la formation.

Tout cela permettrait de peser fortement pour infléchir les orientations actuelles de la BCE et de la zone euro, en conver­geant avec les avancées imposées par les luttes en ce sens dans les autres pays de l’Union européenne.

En liaison avec le vote « non », c’est donc aussi à partir des initiatives de terrain des salariés, des citoyens pour l’emploi, la formation, la croissance réelle que gran­dirait la pression pour changer enfin l’orientation de la BCE.

 

Construire une démocratie participative et d’intervention du local au national et à l’Europe

Ce que dit le projet de Traité Constitutionnel

La souveraineté populaire bafouée.

Le projet de Constitution est un véritable coup de force contre les souverainetés populaires. En effet, le texte stipule : la Constitution et le droit adoptés par les institutions de l’Union ont la primauté sur le droit des Etats-membres (article I-6).

Dans les domaines où l’Union aurait une compétence exclusive (union douanière, concurrence sur le marché intérieur, politique monétaire, poli­tique commerciale, conservation des ressources biologiques de la mer) elle aurait, seule, le droit de légiférer. Ainsi, par exemple, les parlements nationaux n’auraient plus rien à dire sur les accords commerciaux internatio­naux comme l’ACGS. Le président du Conseil consti­tutionnel précise dans ses vœux à J.Chirac que cette supériorité vaut aussi sur les Constitutions nationales. Elle concerne aussi les domaines qui restent théo­riquement de la compé­tence des États : à de nombreuses reprises le texte oblige les États membres à respecter les objectifs de l’Union. L’article I-5 notamment décrète que les Etats-membres facilitent l’accomplissement par l’Union de sa mission et s’abstiennent de toute mesure susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs de l’Union. On retrouve aussi cette obligation dans le chapitre militaire. Par conséquent si ce projet était adopté, l’ensemble des institutions nationales politiques, économiques et judiciaires seraient subordonnées aux institutions européennes.

Une impossible révision.

Conçu pour être appliqué pour une durée illimitée (art. IV-446) il serait extrêmement difficile, -pour ne pas dire impossible- de le modifier une fois adopté. Il faudra en effet la triple unanimité d’une convention, des Etats-membres, des ratifications de chaque Etat-membre pour valider tout projet de révision (art. IV-443, IV-444 et IV-445). A chaque étape du processus de révision, il faudra obtenir la ratification de l’ensemble des nations, par voie parlementaire ou référendaire, soit 25 et bientôt 27 votes favorables. Certes, une procédure simplifiée est prévue (art. IV-445), mais elle reste soumise à un accord unanime de tous les Etats-membres.

Un monstre bureaucratique avec une Commission anti-démocratique.

Extrêmement long et hermétique, ce projet ne se contente pas de dicter des principes de vie commune, il va beaucoup plus loin en cadrant avec précision les politiques économique, budgétaire, moné­taire, commerciale, mais aussi sociale et d’emploi. Ce faisant, il introduit dans une Constitution les orientations ultra-libérales imposées par les grands groupes capitalistes. Il entend aussi faire pression sur le type de développement culturel et de civilisation comme l’indiquent ses dispo­sitions sur les services publics et la concurrence déchaînée. Tous les pouvoirs ( législatif, exécutif, judiciaire) sont concentrés entre les mains du conseil des ministres et de la Commission. Celle-ci mono­polise le pouvoir d’ initiative des lois (art. I-26) dont le parlement européen et les parlements nationaux sont dépouillés.

Les députés européens ne disposent d’aucun moyen réel de contrôler et d’infléchir la politique de l’exécutif. Il leur est seulement accordé, dans quelques domaines, un pouvoir de « co-décision » d’autant plus encadré que le parlement européen n’a pas le droit de révoquer un commissaire. Il a une très faible possibilité de faire démissionner la commission pour sanctionner sa politique. Le conseil des ministres n’a aucune responsabilité à assumer devant lui. Quant au droit de pétition citoyenne prévu par le projet de traité (art. I-47-4), il n’aura aucune force contraignante. La Commission n’est qu’invitée à décider, sans avoir à se justifier, si la demande, qui doit être portée par un million au moins de ressortissants d’un nombre significatif États membres, mérite ou non d’être examinée. Au total les États membres sont à la fois incités à se faire concurrence et à dépendre d’une structure politique commune de type fédéra­liste, bureaucratique, hyper-délégataire, favorisant les pressions sur les droits sociaux et les exigences des actionnaires des grands groupes. Il s’agit en un mot d’un conglomérat étatique renforçant la domination des orientations libérales, au détriment de la démocratie et de ses avan­cées nouvelles nécessaires avec de nouveaux pouvoirs de participa­tion et d’intervention des travailleurs.

L’intrusion de la religion consacrée dans la sphère publique et dans le domaine politique.

Au-delà, de la « liberté de religion » (art. II-70), le projet de traité recon­naît une place très importante à la religion dans la sphère publi­que : « liberté de manifester sa religion [...] en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accompagnement des rites » (art. II-70). Les organisations religieuses sont reconnues comme des partenaires privilégiés (art. II-52). Le texte ne parle à aucun moment de la laïcité.

L’impact sur la vie de chacun(e)

Domination sur les salariés, les élus de terrain et les peuples.

Les institutions européennes entendent contrôler et dominer les déci­sions des États membres. Les textes y sont adoptés dans la plus grande opacité : diplomatie secrète des chefs d’État et de gouvernement, fonc­tionnement confidentiel de la Commission, pressions des lobbies.

Par exemple, c’est sur l’intervention conjointe de la Commission et de la Cour européenne de justice que le travail de nuit des femmes a été rendu possible en France alors qu’il y était jusqu’alors interdit. La Commission exige aussi que les pêcheurs bretons remboursent certaines aides reçues après la catastrophe de l’Erika, jugeant qu’elles « faussent la concurrence ». Ce sont les institutions européennes qui ont encouragé la déréglementation et/ou la privatisation de grands services publics comme EDF, France Télécom et la SNCF.

C’est aussi dans la plus grande discrétion que la Commission a fait adopter une directive sur le transport, bientôt transposée en France, aggravant les conditions de travail des chauffeurs routiers. Après un premier échec, dû à la lutte des dockers, la Commission veut à nouveau imposer la déréglementation des activités portuaires.

L’affaire de la directive Bolkestein est symptomatique. Elle organise en grand le dumping social à l’échelle de l’Europe. Ce n’est qu’au bout de quatre ans que les peuples ont pris connaissance de ce funeste projet. Sans la campagne des syndicalistes et des opposants à la Constitution il aurait été adopté par le Parlement européen dès juin prochain.

La Constitution fait de ces méthodes et des objectifs libéraux la loi suprême pour 450 millions d’européens. Comment, par exemple, dans ces conditions, re-nationaliser France Télécom avec une Constitution qui expose les services publics à la concur­rence, interdit les aides aux entreprises publiques, fait de la liberté d’entreprendre un « droit fondamental » et ignore les dispo­sitions du préambule de notre Constitution relatives à la natio­nalisation des entreprises monopolistiques ?

Les partisans du « oui » parlent de progrès, débattons-en !

Les pleins pouvoirs pour l’exécutif.

Les « eurocrates » prétendent développer des contre-pouvoirs avec de nouvelles prérogatives du Parlement européen et un droit de pétition à l’initiative d’un million de citoyens.

Certes, sur le papier, le Parlement euro­péen aurait des pouvoirs législatifs accrus. Il exercerait, conjointement avec le Conseil européen (CE), les fonctions législatives et budgétaires (co-décision). Cependant, le Conseil Européen garderait le monopole du pouvoir législatif en matière de fiscalité, de protection sociale, de politique extérieure et de sécurité. La Commission resterait la seule institution habilitée à proposer les actes législatifs. Toute initiative de parle­mentaires européens dépendrait en défi­nitive du bon vouloir de la Commission. Au total, les pouvoirs du Parlement euro­péen demeureraient étroitement enca­drés tout particulièrement face à la domi­nation des marchés financiers et aux oukases de la BCE.

Dans le même temps, l’initiative des parlements nationaux verrait sa dispari­tion définitivement consacrée en matière de politique monétaire et se trouverait enfermée dans un étroit carcan en matière budgétaire avec la constitution­nalisation du Pacte de stabilité pourtant si critiqué. Enfin rappelons qu’en matière de politique et de protection sociales, l’Union européenne s’en remet au marché et à la concurrence entre États En réalité, tout concourt à consolider les pouvoirs hyper fédéralistes d’une Banque Centrale européenne au service des marchés financiers, avec une présidentialisation techno-bureaucratique des institutions (Conseil plus Commission). La Commis­sion et le Conseil s’appuieraient aussi, pour imposer leurs vues, sur la Cour de justice de l’Union européenne. Celle-ci serait la gardienne de la Constitution, aurait le droit de l’interpréter et de la faire appliquer (art. I-29). Elle cumule­rait donc les pouvoirs d’une Cour de Cassation et ceux d’un Conseil Consti­tutionnel. Tous les actes des États, y compris les actes législatifs, sont placés sous la surveillance conjointe de la Commission et de la Cour de justice par les articles III-360 et suivants. La Cour serait chargée, tout particulièrement, de faire respecter les prérogatives de la BCE contre l’intérêt social ou national, (art. III-365-3 et III-373).

Confronté à une telle forteresse, on entre­voit ce que pourra peser le droit, pour tout citoyen, de pétition devant le Parle­ment européen (art. II-104) ou encore la possibilité ouverte (art. I-47-4) pour les citoyens d’inviter la Commission à soumettre au débat une proposition appropriée, pour autant qu’elle soit conforme à la Constitution...dès lors qu’ils seraient au nombre d’un million, au moins, ressortissant d’un nombre signi­ficatif d’Etats-membres.

L’Alternative à l’hyper-fédéralisme : une démocratie participative et d’intervention

L’Europe que nous voulons : des pouvoirs pour les travailleurs et les citoyens et de nouvelles coopérations.

Face à la crise de la démocratie déléga­taire et à la perte de confiance dans les diri­geants politiques, il faut viser la conquête d’une démocratie participative et d’intervention faisant toute la place aux libertés d’initiatives locales et nationales et à une véritable concertation européenne dans la transparence.

A contrario, le projet constitutionnel prépare une régression de la démocratie parlementaire avec une hyper-délégation à la Commission et au Conseil. Il organise la mise sous camisole de la liberté d’initiative nationale. Il consolide la bureau­cratie libérale et les gouvernements natio­naux avec une concurrence par le moins disant social pour tout ce qui ne dépend pas de la Banque Centrale européenne hyper fédéraliste, exonérée elle de tout contrôle politique.

Dans une autre construction européenne de progrès, les nouveaux pouvoirs locaux des travailleurs et des citoyens dans les bassins d’emploi, les entreprises et services publics déboucheraient sur leur participation aux conditions mêmes d’élaboration de ces pouvoirs dans les lois et décisions adoptées aux différents niveaux, jusqu’au niveau européen.

Un système de décentralisation et de concertation des pouvoirs serait instau­ré : décentralisation des pouvoirs jusqu’à chacun-e au niveau local et concertation aux niveaux régional, national et européen. Les libéraux veulent diminuer les pouvoirs d’intervention sociale, de protection et de promotion des salariés, des États membres, tout en augmentant les incitations à la concurrence sociale entre les peuples et le pouvoir étatique au service de la finance. Il en va de même au niveau européen avec la réduction des droits sociaux, la concur­rence fiscale et sociale, au lieu d’une harmo­nisation vers le haut. Notons que toute avancée du fédéralisme conduirait au renforcement des pouvoirs des grands groupes capitalistes. Comment prétendre prôner la décentralisation en France et soutenir l’hyper centralisme européen ?

Nous voulons mettre en cause les déléga­tions de pouvoirs exacerbées, en instau­rant de nouveaux droits des citoyens et des travailleurs. Cela serait possible en réduisant les pouvoirs des instances bureaucratiques, des actionnaires et le rôle des profits financiers comme unique critère de gestion des entreprises. L’Europe que nous voulons appelle plus préci­sément la conquête de droits de proposi­tions alternatives des citoyens et des travailleurs en concertation, aux différents niveaux jusqu’à celui des parlements euro­péen et nationaux. Nous voulons que la France et l’Europe oeuvrent pour sécu­riser l’emploi ou la formation pour tous avec une expansion nouvelle des services publics et socialisés. Les pouvoirs accrus des travailleurs concerneraient particu­lièrement le rôle des comités d’entreprise ou d’établissement, ainsi que des comités de groupes européens, avec des pouvoirs étendus jusqu’aux décisions sur l’emploi, la gestion et les financements. Il s’agirait aussi d’obtenir de nouveaux pouvoirs des intéressés et de leurs organisations dans les institutions sur l’emploi et la forma­tion, ainsi que pour des objectifs de créa­tions d’emploi dans les régions, comme dans les services publics socialisés ( éducation, santé, culture, logement social..).

La BCE, réorientée, serait placée sous le contrôle effectif des parlements européen et nationaux. De concert avec les Fonds régionaux et nationaux, elle aurait à créer la monnaie pour soutenir les crédits bancaires nécessaires à la réalisation d’objectifs chiffrés d’emplois et de formations efficaces dans chaque région, dans chaque pays, comme à l’échelle de toute l’Union européenne.

Tout cela s’inscrirait dans la visée d’une véritable démocratie participative et d’intervention avec des consultations déter­minant les décisions communes. Cela vise particulièrement une refonte de la compo­sition et des pouvoirs du Comité écono­mique et social européen, du Comité des régions, en liaison avec un nouveau rôle démocratisé des parlements nationaux et du parlement européen.

Au niveau des gouvernements, les États demeureraient souverains et coordon­neraient leurs actions avec des déci­sions prises à l’unanimité. Mais ils pour­raient aussi agir à quelques uns, sans être bloqués par l’unanimité, pour des avancées sociales de quelques-uns uns. Ainsi, pourrait prendre forme un nouveau type de construction confédé­rale conjuguant liberté d’initiative natio­nale, responsabilités partagées au niveau européen et pouvoirs des travailleurs dans les entreprises et des citoyens dans les territoires.

 

Un monde de paix, de démocratie participative internationale et de co-développement de tous les peuples

Ce que dit le projet de Traité Constitutionnel

L’Union européenne conçue comme un promoteur zélé des règles de l’OMC et de l’AGCS.

Le texte s’inscrit dans les préceptes libéraux de l’Organisation Mondiale du Commerce (art. III-309, III-325), notamment ceux de l’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS) même s’il y a la réserve de prin­cipe de possibles « mesures de défense commerciale » (art. III-315-4) qui visent tout particulièrement les pays du Sud ou émergents.

Ces conceptions conduisent à la levée des quotas textiles menaçant 2,5 millions d’emplois en Europe, inspirent la directive Bolkestein, ou le productivisme ravageur dans l’agriculture.

Europe « forteresse » fermée aux peuples mais ouverte aux capitaux.

L’Union européenne tout en menant une politique de guerre écono­mique pour exporter et attirer les capitaux, contribue à aggraver la concurrence entre les travailleurs du monde entier pour abaisser le coût du travail.

D’une part, L’union européenne se ferme aux entrées des travailleurs du tiers-monde. De l’autre, elle laisse faire les entrées clandestines dans des conditions déplorables à l’opposé d’une organisation en concertation avec les pays de départ, d’une maîtrise démocratique négociée des flux migratoires. Il s’agit au contraire de rétablir l’égalité des droits entre travailleurs euro­péens et étrangers, notamment du point de vue de la citoyenneté.

Ainsi, le contrôle aux frontières de l’Union est renforcé (art. III-257-2). La plupart des associations et ONG travaillant sur les questions d’asile et d’immigration craignent que les dispositions du projet de Constitution conduisent à une moindre protection des réfugiés et des demandeurs d’asile, avec à la clé le risque d’une remise en cause de la notion même de droit d’asile telle que définie par la convention de Genève de 1951. La mise en place d’un comité afin d’assurer à l’intérieur de l’Union la promotion et le renforcement de la coopération opérationnelle en matière de sécurité intérieure (article III-261) peut conduire à contourner les procédures de contrôle démocratique et juridique.

Contrairement à tous les textes internationaux, le projet de Constitution ne comprend aucune disposition conservatoire permettant ou incitant les États-membres à faire mieux que les normes minimales définies à l’échelle européenne. Le partenariat et la coopération avec les pays tiers pour gérer le flux de personnes demandant l’asile (art. III-266-2-g) peut conduire l’Union euro­péenne et les États-membres à se décharger de leur devoir de protection sur des pays tiers. Cela inspire déjà la proposition italo-allemande de créer des « camps » de réfugiés dans les pays de transit pour « externaliser » les demandes d’asile.

Le système de domination du dollar, malgré la prétention affichée de rivaliser avec lui, est au contraire renforcé. La politique monétaire de la BCE de soutien au marché financier la conduit à soutenir le dollar en achetant des bons du Trésor américain. Elle favorise aussi les exportations de capitaux en direction des États-Unis

Militarisme et subordination à l’impérialisme américain.

C’est une Europe « atlantiste » et contribuant à la course aux arme­ments au lieu de développer une culture de la paix et de co-développement. En effet, en matière de politique étrangère et de sécu­rité commune, l’Union dispose d’une compétence totale (art. I-16-1) et les Etats-membres doivent appuyer activement et sans réserve la politique étrangère et de sécurité commune de l’Union (art. I-16-2), laquelle sera conduite par le ministre des affaires étrangères de l’UE (art. I-28).

En ce qui concerne, la politique de défense, les États-membres s’engagent à améliorer progressivement leurs capacités militaires (art. I-41-3). Ceux qui sont les plus zélés dans ce sens voient leurs efforts récompensés par la possibilité d’instituer entre eux une coopération structurée permanente (art. I-41-6, III-312). C’est l’allégeance faite à l’OTAN comme le fondement de la défense collective des États euro­péens qui en sont membres (art. I-41-2). Et le texte ouvre la porte à une utilisation très large des moyens européens de défense avec la notion très vague et extensive de recours aux forces de combat pour la gestion des crises et contre toutes les règles internatio­nales, le droit de l’Union de combattre le terrorisme sur le territoire de pays tiers (art. III-309-1).

L’impact sur la vie de chacun(e)

Les coopérations internationales pour le recul des grandes pandémies et l’éradication de la famine seraient-elles encouragées ?

En fondant l’ensemble des politiques économiques et sociales, commerciales de l’Union sur les principes intangibles de l’OMC et de l’AGCS, le texte pourrait mettre en cause les accords de coopé­ration bilatéraux visant, par exemple, à la mise à disposition de médi­caments génériques à bas prix pour les pays en voie de dévelop­pement. Et, en faisant la promotion du productivisme dans l’agriculture (art. III-227-1-a et e) et en donnant plus de pouvoirs aux centrales d’achats dans le cadre du marché ouvert, c’est la mise en concur­rence des paysans du monde entier afin d’obtenir des prix les plus bas possibles. Cela met en cause la sécurité alimentaire en Europe et dans les pays sous-développés en favorisant les cultures les plus rentables. Ainsi, c’est avec de tels principes qu’une exploitation agri­cole disparaît toutes les douze minutes dans l’Union européenne. Or, tout au contraire, l’Union européenne pourrait agir pour la démocratisation et l’extension des compétences et des moyens d’institutions comme l’Organisation mondiale de la Santé, du Programme des Nations Unies pour le Développement afin de faire reculer les pressions et les blocages des grandes puissances et des groupes multinationaux.

Avec une telle Constitution, aurait-il été possible de s’opposer à la guerre en Irak ?

La subordination du droit français au droit européen prévu par le projet de Constitution, l’obligation d’appuyer sans réserve la poli­tique étrangère et de défense de l’Union ainsi que la possibilité ouverte d’intervenir militairement sur le territoire de pays tiers auraient sans doute rendu très difficile l’opposition à l’intervention militaire américaine en Europe. Tout au contraire, l’Europe pourrait s’assigner comme objectif le désarmement négocié et la construction d’un droit international effi­cace avec une démocratisation et de nouvelles compétences de l’ONU pour s’opposer aux interventions unilatérales d’un État, notamment au plan militaire.

Les partisans du « oui » parlent de progrès, débattons-en !

« L’Europe puissance » pour les dominations ou les coopérations ?

Les promoteurs de ce texte prétendent construire une « Europe puissance ». En fait, celle-ci est une véritable passoire pour les capitaux financiers. Elle évolue dans le champ clos de la guerre économique avec comme corollaire la mise en cause des politiques de coopération avec les pays en voie de développement (notamment les pays Afrique-Caraïbes-Pacifique ou ACP). Elle soumet UE à la domination des États-Unis Or, il ne s’agit pas de construire une « Europe puissance » soit tentant de rivaliser avec la domination des États-Unis, soit collaborant avec elle. L’Union européenne, à la fois dominée par les États-Unis et dominatrice des pays du tiers-monde, doit sortir de cette logique de domination pour rechercher une alliance avec les pays en voie de développement et émergents dans le but d’instaurer une autre construction mondiale sans hégémonie, de co-développement planétaire de tous les peuples.

Face aux blocages des États-Unis, elle mènerait une politique de rassemblement constructif pour un développement durable contre tous les risques écologiques pesant sur la planète.

L’Alternative à l’insécurité généralisée, à l’hégémonie de puissances et à la guerre économique

L’Europe que nous voulons oeuvrerait à la construction d’un monde de co-développement, de désarmement, de coopéra­tions avec des institutions internationales profondément démocratisées. Puissance pacifique et non alignée, elle contribue­rait à sécuriser la planète en promouvant l’essor d’une culture de paix en oeuvrant pour le désarmement. Elle aiderait au progrès social dans le monde entier, à la suppression de la misère et au dévelop­pement de toutes les capacités humaines en coopération, sans élitisme ni exclusion. Son action permettrait de réformer profon­dément l’ONU tout en démocratisant et en élargissant les missions de cette insti­tution internationale.

Cette Europe, nous ne la voulons pas inféodée aux États-Unis, ni rivalisant avec eux pour dominer les peuples mais, au contraire, se rapprochant des pays émer­gents pour une construction pluraliste, vraiment multipolaire, du monde, favori­sant le partage des ressources et des pouvoirs. Dans le strict respect de la néces­sité, vitale pour eux, de s’industrialiser pour le développement de toutes leurs populations, et pas seulement au bénéfice d’une minorité, l’Union européenne doit aider ces pays à s’émanciper des pres­sions des marchés financiers poussant aux bas coûts salariaux et à l’importation de capitaux dominateurs. Elle doit favoriser la promotion de biens communs de l’humanité depuis la culture et la santé jusqu’à l’eau, l’énergie, en passant par l’éducation et le crédit. Elle doit contribuer à l’éradication de la faim dans le monde.

Dans ce but, il s’agit d’agir pour exiger de nouvelles coopérations de co-développement. On recourrait à des aides publiques européennes conditionnant des crédits qui favoriseraient l’essor des productions nationales, des emplois et des formations dans les pays aidés. Ceux-ci achèteraient les équipements nécessaires aux pays européens dans le cadre de protocoles très nouveaux de coopération impliquant une profonde réorientation de la BCE et une autre utilisation de l’euro. Mais cela viserait aussi une autre utilisation des réserves des banques centrales des pays européens et émergents, faisant reculer le rôle du dollar et le drainage des capitaux pour les bons du Trésor américains. Cela permettrait de construire une coopéra­tion monétaire nouvelle et un autre système mondial avec un Fonds moné­taire international (FMI) émancipé de la domination du dollar.

Il s’agit d’exiger que l’Union soit active pour la promotion d’une mondialisation de co-développement émancipée de la domination économique et financière, mili­taire et culturelle des États-Unis

Au niveau agricole et alimentaire, outre le retrait de la production agricole des négo­ciations de l’OMC, l’Union européenne pourrait être à l’initiative pour établir des contrats de coopérations avec les pays du Sud pour des développements communs respectueux de la sécurité et de l’indépendance alimentaires dans le but d’éliminer la faim du monde.

L’enjeu serait particulièrement d’agir pour une transformation radicale de l’OMC et, surtout, du FMI et de la Banque mondiale en vue de la promotion d’une monnaie commune mondiale de coopération. Conçue à partir d’une réforme très profonde des droits de tirage spéciaux [1](DTS) du FMI, cette monnaie nouvelle permettrait de faire reculer le rôle hégé­monique du dollar et de partager, à l’échelle du monde entier, le pouvoir de création monétaire pour des crédits contri­buant à sécuriser l’emploi et la formation de chaque être humain.

On rechercherait la promotion des biens communs à toute l’humanité gérés en coopération, comme ceux de la santé et de la culture, mais aussi l’eau, l’énergie ou le cadre écologique, pour une avancée fonda­mentale de la civilisation.

[1] Droits créés par le FMI, accordés à certaines banques centrales d’obtenir des monnaies d’autres banques centrales, comme si ces droits étaient un titre de monnaie internationale. Les États-Unis ont toujours cherché à empêcher son essor, craignant pour l’hégémonie mondiale du dollar.

 

La Constitution européenne, un obstacle au développement des activités économiques équitables et solidaires

Cette Constitution prétend prescrire ce que doit être la vie économique des peuples
Dès le préambule, le seul « destin commun » qui leur soit autorisé est l’« économie sociale de marché ». Cette expression, est contradictoire dans les termes. Cette économie-là est proclamée « hautement compétitive » : Les performances concurrentielles marchandes passent, de droit, avant toute préoccupation sociale. A partir de l’article III-181 le « social » disparaît de l’économie. Il définit les principes que doivent respecter les États : les principes de l’« économie de marché ouverte où la concurrence est libre ». Il est clair que les États auront pour fonction de s’assurer qu’aucune activité, les activités solidaires y compris, n’échappe à la loi de la « libre concurrence ».
Le texte attribue à la compétence exclusive de l’Union l’établissement des « règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur », assorti de la « politique monétaire », et de la « politique commerciale commune ». (article I-13- §1). La concurrence est ainsi un principe constitutionnel primordial du projet euro-affairiste, du ressort direct de la Commission européenne.
La « libre concurrence » conduit inéluctablement à : des prix aux producteurs écrasés, des salaires comprimés, des emplois élagués, des droits sociaux rognés, des services publics disloqués, des capitaux dominants concentrés, etc. Ces conditions, que la « mondialisation » ne fait qu’aggraver, sont destructrices, tout particulièrement pour les activités équitables et solidaires qui ont vocation à rémunérer et respecter le travail. Or, la possibilité légale d’un développement solidaire échappant à la concurrence est une condition nécessaire à la survie d’activités hors de la guerre marchande et financière. Ce n’est pas le chemin pris avec ce projet de Constitution.

2° Une Constitution qui pourrait mettre hors la loi les acteurs d’une Économie et Commerce Équitable et Solidaire
Le projet de Constitution proposé au suffrage des Françaises et des Français exclut très explicitement la possibilité d’activités hors de la guerre marchande et financière.
Il stipule (article III-161) que sont « interdits, tous accords entre entreprises, toutes décisions d’association d’entreprises et toutes pratiques concertées », qui... « ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence », et par exemple :
-  « fixer de façon directe ou indirecte les prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions ». Seraient interdits des accords (producteurs - consommateurs, producteurs d’une filière), permettant une rémunération équitable de chaque travail, (ex agricole), tout en satisfaisant les acheteurs, avec accord sur les prix.
-  « limiter ou contrôler la production, les débouchés.... ». Un ensemble d’agriculteurs n’aurait pas le droit de passer un accord de livraisons et d’achats avec un groupement d’acheteurs volontaires.
-  « répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement ». _ Des collectivités locales et des producteurs n’auraient pas le droit de passer un accord à long terme sur des bases équitables.
-  « subordonner la conclusion de contrats à l’acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui..., n’ont pas de lien avec l’objet de ces contrats ». Une collectivité locale ou une coopérative n’auraient pas le droit de demander que les travailleurs de leurs fournisseurs bénéficient de rémunérations équitables et d’une sécurité d’emploi satisfaisante.
Les accords ainsi conclus pourraient être déclarés « nuls de plein droit ».
L’article (III-162) Interdiction des « pratiques abusives » telles que le fait d’« exploiter de façon abusive une position dominante », répète les mêmes interdictions.
Des pratiques de solidarité (prix équitables concertés, livraisons régulées en commun, conditions sociales et solidaires) seraient cataloguées comme « exploitation abusive de position dominante ». et assimilées aux pratiques de la Grande Distribution.
Les « Monopoles » n’ont nullement besoin d’ « accords », d’ « associations », de « pratiques concertées », les pressions du marché et l’entente tacite suffisent à assurer leur position dominante. Ils sont donc protégés.
Par contre l’économie équitable et solidaire a besoin de transparence et de démocratie, de concertation et d’association. Elle est menacée. Le même article assimile ce qui est « équitable » à ce qui est concurrentiel : C’est inacceptable.

Il sera impossible d’échapper au couperet concurrentiel, le texte précise qu’il s’impose à toutes les sociétés, (article III-142) y compris les sociétés coopératives. Le texte n’exclut que les sociétés « qui ne poursuivent pas de but lucratif ». Sous le nom d’activités « lucratives », est perpétué la désastreuse confusion entre les sociétés qui rémunèrent des capitaux extérieurs, et celles, coopératives ou solidaires, qui ne rétribuent que le travail. Elles sont renvoyées d’office au champ de bataille concurrentiel, dont seuls les groupes bénévoles sont dispensés (formellement du moins) !

3° Économie équitable et solidaire sous le régime de la Constitution européenne ?
Les États pourraient-il, au nom de la politique de l’emploi, prendre des mesures spéciales ? Pour éviter tout écart, c’est l’Union (en fait, la Commission) qui gère la politique de l’emploi (article I-145§2) en « définissant les lignes directrices » de la politique des États Pas d’échappatoire !
L’économie sociale, équitable et solidaire, pourrait-elle compter sur un appui des collectivités locales ?
Les « entreprises » sont invitées à « exploiter les possibilités du marché intérieur à la faveur, notamment, de l’ouverture des marchés publics nationaux » (article III-248, §2). Autant dire que les marchés publics seront, dans les faits, réservés aux entreprises concurrentielles capitalistes.
Les activités équitables et solidaires pourraient-elles être considérées comme assumant une fonction d’intérêt général ?
Les entreprises publiques, et toutes les entreprises « chargées de la gestion de services d’intérêt économique général » seraient, d’après l’article III-166, §2, « soumises aux règles de la concurrence », certes dans des « limites » permettant l’accomplissement des missions confiées. Mais c’est la Commission qui définira ces limites et veillera à leur application » (article III-166, §3)
Alors que le développement d’activités équitables exigerait de larges initiatives, tout écart avec les pratiques marchandes est d’avance corseté par des principes contraires et une lointaine surveillance bureaucratique et dogmatique.
L’économie équitable et solidaire pourrait-elle se développer au titre de la protection sociale ?
Celle-ci est limitée (article III-209) à une protection « adéquate » (autant dire : du vent !) et tenant compte de la nécessité... de « maintenir la compétitivité de l’économie de l’Union » !,

4° Souhaits pour une Europe de Économie Équitable :
La mise en œuvre d’un dispositif de concertations entre initiateurs d’activités économiques équitables et solidaires pour la création, selon des procédures démocratiques, de structures de coopération dans divers domaines :
-  Échanges équitables,
-  Financement solidaire et réciproque accepté par des institutions bancaires rendues aux citoyens,
-  Financement à conditions favorables de l’accès aux technologies modernes pour les zones moins avancées,
-  Confrontation des expériences en matière de gestion démocratique et autogestionnaire et de gestion sociale,
-  Recherche en économie équitable,
-  Échanges en vue d’une de formation de personnels qualifiés échappant au dogmatisme du tout marchand ;
Ces initiatives pourraient bénéficier de garanties juridiques et de soutiens économiques et financiers, notamment européens, en concertation avec des instances renouvelées, réellement démocratiques.

Se prononcer activement contre le projet de « traité constitutionnel » contribuera à écarter le danger d’une disparition de Économie et du Commerce équitable et solidaire naissant face à l’euro affairisme.

 

Le NON ouvre la possibilité de renégocier un nouveau traité pour un modèle européen de progrès social et de coopération

Le NON victorieux, cela ne sera pas la fin de l’Europe, ni l’isolement de la France. Cela sera bien au contraire l’ouverture d’avancées pour une autre Europe et un apport créateur de la France à sa construction démocratique.

Si le non l’emporte que se passera-t-il le 29 mai au soir ?

Et bien, loin des discours catastrophistes tenus par certains, cela ne sera ni le chaos, ni le statut quo.

Tout d’abord une précision : juridique­ment, le projet de traité constitutionnel serait caduc. Mais, il n’y aura pas de « trou noir » institutionnel.

Dans la pratique, les vingt-cinq pays de l’Union européenne continueront d’être liés par les différents traités dont le Traité de Nice. Or, celui-ci n’est pas l’horreur que certains peignent. Rappelons-nous, lors de la ratification, Lionel Jospin, Jacques Chirac se félicitaient de cet aggiornamento qui permettait d’ajuster les institutions de l’Union à l’arrivée de dix nouveaux membres. Or, le Traité de Nice continue de s’appliquer jusqu’en 2009. C’est une période suffisante pour entamer une renégociation. De la même manière, l’existence de l’euro ne serait pas plus mise en cause. Bien sûr, la victoire du NON serait un énorme événement politique en France et en Europe.

Que se passerait-il le jour d’après ?

La France serait-elle isolée ? Une renégo­ciation serait-elle impossible ?

Entendons bien ce que disent les diri­geants des autres pays européens comme G. Schröder : « L’Europe a besoin de la France ». C’est donc que le vote des Fran­çais sera pris en compte quel qu’il soit. En fait, cet argument de l’isolement est assez étrange. Car après tout, le gouver­nement français était assez isolé de ces principaux alliés européens quand il s’est opposé à l’intervention militaire améri­caine en Irak. Par contre, il était totale­ment en phase avec l’écrasante majorité de l’opinion publique en Italie, en Espagne, au Royaume-Uni, en Pologne etc.

En fait, le non français pourrait bien être une occasion historique pour une majo­rité d’Européens de cesser la fuite en avant dans le libéralisme. Comme le disait un ancien secrétaire du Parti socialiste de Wallonie en Belgique, les salariés euro­péens espèrent beaucoup du vote des Français car pour la plupart ils ne pour­ront pas se prononcer. D’ailleurs, lors de l’euro manifestation à Bruxelles au mois de mars 2005, l’aspiration majoritaire était bien le ras-le-bol de l’Europe de la Finance et la volonté de promouvoir une Europe sociale pour la promotion de l’emploi et des services publics chez les syndicalistes allemands, italiens, portu­gais, belges, espagnols etc.

Consultations nationale et européenne pour renégocier en faveur d’un modèle européen de progrès social.

Cette campagne référendaire est déjà un moment important de prises d’initiatives des salariés et des citoyens pour l’émergence d’un nouveau modèle européen qui puisse contribuer à la construction d’un monde pacifique, de coopérations et de co-développement.

Un « non » majoritaire au soir du 29 mai doit permettre la construction d’un vaste rassemblement en France et en Europe pour élaborer, à partir des aspirations et des besoins des citoyens, des travailleurs, un nouveau Traité.

Il mettrait au cœur du débat national et européen des propositions concrètes en vue d’une ouverture pour une autre construction européenne. Il est possible, dès le jour d’après, par des initiatives en France (et avec un autre rôle de notre pays), de faire converger de multiples forces politiques, sociales et culturelles en France et en Europe, pour ouvrir un processus de renégociation des traités de l’Union pour des avancées profondes. En France, ces nouvelles propositions pour un progrès social hardi et de civili­sation de l’Union pourraient être l’objet d’une grande consultation nationale par exemple avec de véritables Etats-Généraux pour une nouvelle construction et une Union profondément démocratisée, articulés aux luttes pour une alternative politique de transformation sociale profonde en France.

Cela se relierait à des initiatives pour de nouvelles consultations et rassemble­ments des citoyens et travailleurs de tous les pays de l’Union à l’appui d’une nouvelle négociation enfin menée de façon démocratique.