Avec
le « non », une Europe de progrès social est
possible !
Le
« non » peut l’emporter au référendum sur le
projet de traité constitutionnel. Cela serait un événement
considérable qui rendrait possible la construction d’une
Europe sociale, de paix, pour un progrès de civilisation.
Pour rassembler majoritairement sur ce projet, ses partisans
devaient neutraliser le mouvement syndical et intégrer,
comme un seul homme, tout le parti socialiste. Or la CGT et
plusieurs autres syndicats ont choisi de dire « non ».
Et les protestations pour une alternative sociale montent dans
la C.E.S. D’ailleurs, le 19 mars à Bruxelles, dans la foulée
du succès de la journée revendicative unitaire du 10 mars en
France, la banderole de la CES, dont le dirigeant est
favorable au projet, portait des exigences antagonistes avec
ce texte : « Plus d’emplois de meilleure qualité
- Défense de l’Europe sociale - Stop à « Bolkestein ! ».
Et les pancartes pour le « non » étaient très
nombreuses dans le cortège.
Du
côté du PS, des dirigeants et militants, en nombre, ont décidé
de dire « non », mesurant combien la constitution
Giscard est une négation de leurs idéaux socialistes et des
aspirations populaires.
Au-delà,
il y a un certain basculement de l’électorat socialiste, au
côté des électeurs communistes, d’extrême gauche, de
sensibilités altermondialiste et même écologiste. Tout
cela a fait progresser le « non » dans plusieurs
sondages. Les partisans du « oui », dont la
campagne nationale est désormais conduite par Chirac et
Raffarin, soutenue par Seillières, ont peur. Alors, ils
mentent et cherchent à faire peur. Voter « non »
ce serait « voter contre l’Europe » assènent-ils.
C’est archi-faux !
La
poussée du « non » dans les sondages est surtout
sociale, de gauche et pour une autre Europe.
Par
contre, voter « oui » reviendrait à donner quitus
aux politiques libérales de mise en concurrence des salariés
et des peuples et à leur déchaînement. Cela reviendrait
à aggraver la construction économique et monétaire contre
les besoins sociaux, dont les règles sont reprises et cadenassées,
en sa partie III, dans 322 des 448 articles du projet.
Or,
le bilan de cette construction est absolument catastrophique
en termes de chômage, de précarité, de croissance, de
recherche.
Et
pourtant, la stratégie de Lisbonne, lancée en 2000 prétendait
faire de l’Union européenne « l’économie de la
connaissance la plus dynamique et la plus compétitive du
monde ». Le Président en exercice du Conseil européen,
J.C. Junker, a été obligé de reconnaître que le bilan est
« mitigé » voire « lamentable ».
L’aveu est de taille.
En
réalité, cette construction désagrège le « modèle
social européen ». Elle oppose les travailleurs européens
entre eux dans une concurrence coupe-gorge contre les salaires
et les dépenses sociales. Sa bureaucratie envahissante,
capable d’engendrer des monstres comme la directive
Bolkestein, étouffe la démocratie.
Il
faut enfin pouvoir changer d’orientation.
Cela
concerne particulièrement l’emploi. Avec les nouvelles
technologies, l’ambition historique de l’Europe en ce
domaine peut et doit être celle d’une éradication
progressive du chômage, en instaurant graduellement une sécurité
commune d’emploi ou de formation, comme le propose le PCF,
au lieu du maintien à perpétuité d’un volant de chômeurs,
comme le suppose la seule promesse du « plein emploi »
reprise par la constitution - Giscard.
Cette
visée exige des moyens financiers et des pouvoirs nouveaux
pour les salariés, les citoyens et les élus.
La
promesse d’Europe sociale est totalement démagogique sans réorientation
profonde de la BCE, sous le contrôle des parlements européen
et nationaux. Une transformation des liaisons
banques-entreprises, à l’appui des luttes, pour une sécurisation-promotion
de l’emploi et de la formation, et pour un développement émancipateur
de chacun(e) est nécessaire.
De
même, il faut mettre en cause le pacte de stabilité pour un
puissant essor des services publics et socialisés aux
personnes.
Il
faut développer une démocratie participative, à l’opposé
de la domination bureaucratique de la Commission, du Conseil
et des limites du Parlement européen, avec des pouvoirs
d’intervention des citoyens et des travailleurs, du plan
local jusqu’à leur concertation aux plans régional,
national et européen, en coopération avec l’Assemblée
de Strasbourg.
Alors,
est-ce que ce serait le « chaos » si le « non »
l’emportait ? Ce serait au contraire l’ouverture
d’un processus de renégociation pour une autre construction
européenne.
Si
le « non » est majoritaire en France, il stoppera
le processus d’adoption et la résignation. Cela serait
suivi, sans doute, d’autres « non » majoritaires
dans les pays où un référendum est prévu. Cela donnerait
une force nouvelle, ailleurs, à tous ceux qui voudraient une
autre Europe et qui ne peuvent l’exprimer par un vote.
Les
traités existants resteraient la règle, mais ils
n’auraient pas la force d’une loi fondamentale
s’imposant à chaque nation par-dessus sa propre
constitution.
Et
surtout, la France pourrait prendre des initiatives pour un débat
démocratique national et en direction de ses partenaires
européens afin de renégocier ces traités.
Grâce à l’intervention populaire et citoyenne, il
s’agirait d’ instituer des pratiques anticipant un nouveau
droit social européen et d’ouvrir la perspective de règles
et politiques alternatives : en matière d’emploi, de
formation, de protection sociale, de revenus, de recherche, de
culture. On pourrait avancer sur un autre crédit, (avec des
Fonds régionaux pour l’emploi et la formation), la fiscalité,
un nouveau développement industriel et l’expansion des
services et entreprises publics.
La
sanction légitime ainsi apportée au gouvernement de droite
en France, comme à l’ensemble des orientations néo-libérales,
permettrait aussi l’exigence, pour les élections suivantes,
d’aller au-delà d’une simple alternance. La nécessité
de rassembler sur de grands axes de transformation sociale
radicale en France participerait ainsi du rassemblement
novateur à construire pour réorienter l’Union européenne.
Cela
permettrait d’aller à la rencontre de toutes les forces qui
cherchent en Europe à s’émanciper du libéralisme. L’Union,
profondément réorientée, pourrait commencer à changer de rôle
dans le monde en parvenant à s’arracher à la domination
des marchés financiers, à l’hégémonie des États- Unis,
à la course aux armements. Elle pourrait tendre la main aux
pays émergents et en développement, dans la visée de la
construction d’un monde multipolaire, d’une culture de
paix, de co-développement des peuples, d’ une nouvelle
civilisation.
Paul
Boccara & Yves Dimicoli
Commission
politique économique et sociale du Pcf
Cette
brochure a été réalisée grâce aux contributions de Paul
Boccara, Sylvian Chicote, Yves Dimicoli, Denis Durand, Roland
Farré, Fabien Maury, Catherine Mills, Alain Morin, Rosa
Moussaoui, et a été coordonnée par Fabien Maury.
Sécuriser
et promouvoir l’emploi et la formation de chacun(e)
1.
Ce que dit le projet de Traité Constitutionnel.
La
concurrence déchaînée.
Le
projet de Constitution est tout entier bâti sur la mise en
concurrence des peuples européens pour faire pression sur les
salariés et leur protection sociale au nom de la concurrence
libre et non faussée (art. I-3-2), c’est-à-dire en
principe sans protection publique.
Ce
principe est répété pour tous les marchés et il guide
l’ensemble des politiques de l’Union européenne :
libre entreprise (art. II-76), libre-circulation des biens,
libre-circulation des services, libre-circulation des
capitaux, libre-circulation des personnes ainsi que la liberté
d’établissement (art. I-4-1). Ce principe primerait sur les
différents droits sociaux et nationaux pour favoriser les
capitaux financiers entraînant les exportations de capitaux
et les délocalisations contre l’emploi, dégradant le modèle
social européen au lieu de le promouvoir.
La
concurrence contre le droit à l’emploi.
Quelles en seraient les conséquences dans la pratique en ce
qui concerne les droits des travailleurs sur le marché du
travail ?
En
France, on pourrait opposer le principe de libre concurrence
non faussée et celui de libre entreprise, aux différents
droits sociaux aujourd’hui reconnus : droit [de chacun]
d’obtenir un emploi (alinéa 5 du préambule de la
Constitution de 1946 repris dans celle de 1958) ; libre
choix de son travail (art. XXIII de la Déclaration
universelle des droits de l’homme de 1948) ; droit
« pour les travailleurs de participer (...) à la
gestion des entreprises » (al. 8 du préambule de la
Constitution de 1946 repris dans celle de 1958). Sans parler
des protections du droit du travail existant et à faire
progresser.
En
fait, dans le projet de Constitution les seules libertés
reconnues dans ce projet sont soumises au bon vouloir patronal
c’est-à-dire la liberté pour chacun-e de se présenter sur
le marché du travail : droit de travailler (art.
II-75-1) ; liberté de chercher un emploi (art. II-75-2) ;
droit d’accéder à un service gratuit de placement (art.
II-89). Le projet encourage même la précarité
(art.III-203).
Le
droit de grève limité.
Si le droit de grève est bien reconnu (art. II-88), comme
dans la Constitution française, sa portée en est immédiatement
restreinte par -la reconnaissance du lock-out (art. II-88 et
III-210-6). Il est aujourd’hui illicite en France. Il
permettrait à l’employeur de fermer temporairement une
entreprise en raison d’une grève ou d’une menace de grève.
2.
L’impact sur la vie de chacun(e).
Le
fiasco de la construction européenne actuelle.
L’UE
est devenue une zone de chômage massif et durable :
officiellement 13 millions de chômeurs dans la zone euro, 19
millions dans l’UE à 25. La précarité est omniprésente :
ce sont 19 millions de salariés dans la zone euro, 30
millions dans l’UE à 25 qui sont dans le sous-emploi (CDD,
intérim, temps partiel contraint etc.). En tout, le chômage
et le sous-emploi frappent 32 millions de travailleurs de la
zone euro et 49 millions dans l’UE à 25.
La
pauvreté officiellement reconnue est énorme : 68
millions de personnes sont considérées comme pauvres dans
l’UE à 25 dont 17 millions d’enfants.
La
croissance est devenue une des plus faibles du monde. Depuis
1999, et l’introduction de l’euro favorisant les
placements financiers et les exportations de capitaux, la
croissance de la zone euro est de moitié inférieure à celle
des États-Unis, c’est-à-dire un déficit de croissance de
7 points de pourcentage en 7 ans.
La
culpabilisation des chômeurs et les pressions à la baisse
sur les conditions de l’emploi.
Disons-le
tout net, la totale absence d’une référence au droit de
choisir son emploi, ouvre la porte à la généralisation des
pratiques de culpabilisation des chômeurs et de sanctions
contre leurs indemnisations afin qu’ils acceptent
n’importe quel emploi ou activité, à n’importe quelles
conditions. Ce qui au total tirerait très fort vers le bas
tous les salaires et conditions de travail. Cette tendance
serait renforcée avec le projet de mise en concurrence de
l’ANPE avec des services de placements privés que
souhaitent réaliser J.-L. Borloo.
Les
encouragements à licencier, à précariser, à accroître le
temps de travail, à réduire le droit de grève.
Les
principes de ce texte ont inspiré J.-P. Raffarin et J.-L.
Borloo pour supprimer les mesures anti-licenciements votées
en 2001 sur l’initiative des parlementaires communistes.
Cela les encourage pour tenter de remplacer les CDI par des
contrats précaires et pour accroître les facilités de
licencier y compris dans la Fonction publique.
Il
n’est fait à aucun moment référence à la notion de durée
légale hebdomadaire du travail. Les institutions européennes
ne reconnaissent que celle de durée maximale du travail (art.
II-91-2) aujourd’hui fixée à 48h, un projet de directive
prétend la porter bien au-delà : pour commencer à 65h !
C’est en conformant la législation française à ce droit
européen que N. Sarkozy et J.-L. Borloo ont mis en pièces
les 35h.
Le
droit de lock-out serait, en réalité, un moyen de mettre en
cause le droit de grève des salariés. Il serait utilisé
pour peser sur les revendications, diviser les salariés avec
le chantage à la fermeture de l’établissement et au
non-paiement des salaires comme cela se pratique déjà au
Royaume-Uni.
3.
Les partisans du « oui » parlent de progrès, débattons-en !
La
Charte des droits fondamentaux est-elle une avancée ?
Examinons
attentivement la question. Cette Charte (partie II du texte)
entérinerait de véritables reculs par rapport à la Déclaration
universelle des droits de l’homme ou aux droits sociaux les
plus avancés des Etats-membres, aux droits des femmes, à la
laïcité.
Et
soyons précis ! La Charte ne crée aucune compétence,
ni aucune tâche nouvelle pour l’Union et ne modifie pas
[...] les tâches définies dans les autres parties de la
Constitution (art. II-111-2 et déclaration 12 annexée).
Mais, le projet de Constitution admet la possibilité de
limitation(s) de l’exercice des droits et libertés reconnus
dans la Charte, si elles sont jugées nécessaires et répondant
effectivement à des objectifs d’intérêt général
reconnus par l’Union (art. III-112-1).
Une
économie sociale de marché hautement compétitive est-elle
une avancée ?
Le
texte parle d’une économie sociale de marché hautement
compétitive (art. I-3-3). Or, cette notion est utilisée en
Allemagne pour qualifier le démantèlement actuel du modèle
social sous domination du marché déchaîné : avec
5,2 millions chômeurs, un taux de chômage de 12,4%, la casse
des acquis sociaux (casse du système de santé, précarisation
du marché du travail, démantèlement du système de
retraites) tout cela au nom de la compétitivité.
Le
Danemark est souvent cité par les tenants du oui comme le modèle
de flexécurité à suivre. Bel exemple en vérité :
chaque année un quart de la population active passe par une période
de chômage, un autre quart est exclu du marché du travail.
La
promesse du « plein-emploi » est-elle une avancée ?
Selon
le texte, l’Union devrait tendre vers le plein-emploi (art.
I-3-3). Outre qu’il ne s’agit que d’une promesse, cette
notion est très trompeuse ! C’est un concept inventé
dans l’entre-deux-guerres et il a été utilisé pour guider
les politiques après la seconde guerre mondiale mais
contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce n’est pas
l’emploi pour tous. C’est une situation où le taux de chômage
est abaissé, sans faire disparaître la privation
d’emploi pour nombre de travailleurs.
Aujourd’hui,
certains économistes parlent même de « taux de chômage
de plein-emploi ». Et ils l’évaluent aux environs de
5% en France. Ce qui ferait 1,5 millions de chômeurs pour
notre pays. Et cela sans parler de l’immense précarité !
L’idéal
pour les tenants du « oui » serait donc une société
où l’on maintiendrait un volant substantiel de chômeurs,
avec le pouvoir énorme que cela donne aux patrons de jeter
les salariés, de précariser les emplois pour faire
pression sur le taux de salaire et les conditions de travail.
L’Alternative
au chômage : instaurer graduellement une Sécurité
d’emploi ou de formation.
Dans
l’Europe que nous voulons, le chômage devrait pouvoir être
progressivement éradiqué grâce à un accès effectif pour
chacun-e à la formation tout au long de la vie et une sécurité
d’activité professionnelle avec des revenus et des droits
relevés.
Il
s’agit d’aller ainsi vers un système de « Sécurité
d’emploi ou de formation ». Pleinement réalisé, ce
système, prolongeant les principes de la Sécurité sociale
et allant bien au-delà, permettrait à chacun-e une mobilité
ascendante d’activités choisies entre emploi stable et
correctement rémunéré et formation en vue d’un meilleur
emploi, avec une continuité et une sécurité de revenus et
de droits. La société pourrait ainsi se défaire des emplois
obsolètes ou inefficaces et moderniser la production sans
faire passer les salariés par le chômage.
Tout
de suite, on peut ouvrir cette perspective en France, face
aux choix libéraux, en investissant quatre chantiers de
luttes immédiates :
Avec
les chômeurs et les Rmistes, il s’agit de gagner de bonnes
indemnisations, comme base de conditions de vie favorisant la
réinsertion, ainsi que les moyens nécessaires à un retour
à l’emploi choisi. A l’appui, nous proposons une
modulation des cotisations chômage des employeurs, pénalisant
ceux qui précarisent, et une réforme profonde de l’UNEDIC,
de l’ANPE et de l’AFPA.
Avec
les précaires et tous les salariés à temps partiel
contraint, il s’agit de lutter pour une transformation
progressive de leur situation respective en emploi stable et
correctement rémunéré, à temps plein. A l’appui de cet
objectif, nous proposons de fortes pénalisations du recours
aux emplois précaires et des incitations financières pour
des contrats nouveaux de sécurisation, y compris concernant
divers employeurs.
Avec
tous ceux qui luttent contre les licenciements, les délocalisations,
les restructurations sauvages, il s’agit de « sécuriser
les parcours professionnels » et de responsabiliser les
entreprises dans ce sens, ainsi que pour des créations
d’emplois en quantité et en qualité.
Les
salariés et les citoyens devraient pouvoir imposer des
moratoires suspensifs et faire prendre en compte des propositions
alternatives. Chaque personne concernée devrait être, soit
maintenue dans un emploi modernisé avec une bonne formation
si nécessaire, soit être reclassée dans de bonnes
conditions choisies.
Des
mesures de prévention des difficultés d’emploi pourraient
être imposées. De nouveaux types de contrats de travail non
interrompus mais sécurisés, impliquant des employeurs et de
nouvelles institutions, pourraient être mises en place. Ils
organiseraient le passage d’un emploi à un autre ou d’un
emploi à une formation. Les travailleurs dont l’emploi
disparaît, pourraient revenir à un meilleur emploi sans
aucun passage par le chômage.
Pour
cela, les entreprises publiques et privées, les États, les
collectivités territoriales, l’Union européenne elle-même,
devraient s’engager sur des objectifs annuels contraignants
- régionaux, nationaux, européens - de création ou de
transformation d’emplois ou de formations. Cela nécessiterait :
des
pouvoirs nouveaux de proposition des intéressés eux-mêmes,
salariés et chômeurs, et de leurs organisations, ainsi que
des élus, avec de nouveaux financements.
La
mobilisation de la Banque centrale européenne pour un crédit
nouveau à taux très abaissés voire nuls pour l’emploi.
Sa
mobilisation pour des financements publics de soutien de
l’emploi et de la formation.
De
nouveaux pouvoirs des travailleurs et des comités
d’entreprise dans les gestions des entreprises.
Développer
les services publics et les coopérations
Ce
que dit le projet de Traité Constitutionnel
La
mise en cause des entreprises et des services publics.
Avec
comme principe de base du projet de Constitution la mise en
concurrence déchaînée des services en Europe, l’objectif
devient leur « libéralisation » (art. III133 à
III-150, dont III-144, III-148). En fait, l’UE s’inscrit
dans les préceptes libéraux de l’OMC et de l’AGCS (art.
III-314) qui poussent la concurrence, les déréglementations
et privatisations.
Le
projet de Constitution met en avant les notions de service
d’intérêt général (SIG) et de services d’intérêt économique
général (SIEG) au détriment de celle de service public pris
en charge par la puissance publique ou des entreprises
publiques visant d’autres buts que la rentabilité financière.
Les
notions de SIG et de SIEG (art. II-96, III-122, III-144,
III-146, III-148, III-166, III-238) ont été créées pour
mettre en cause l’idée même de service public et non privé.
Ces notions permettent de traiter ce qui relève de l’intérêt
général avec certaines exceptions au marché, la
concurrence pour le profit étant la règle.
Dans
ce cadre, les missions d’intérêt général peuvent être
assumées par des entreprises privées ou privatisées avec un
cahier des charges, nommé servitudes (art. III-238),
assorties de remboursements publics. En fait, ce cahier des
charges se transforme en peau de chagrin dès qu’il se
trouve confronté aux exigences de rentabilité des capitaux
des entreprises privées comme avec le triste exemple des
chemins de fer britanniques.
De
plus, le domaine des SIG et SIEG est extrêmement restreint,
par exemple, le crédit et les banques en sont exclus.
L’impact
sur la vie de chacun(e)
Un
exemple de la mise en cause du service public : le projet
de directive « Bolkestein » sur les services.
Elle
concerne tous les services (exceptés la justice, la police,
l’armée, ouf !). Cette directive, imposerait la règle
dite « du pays d’origine ». Celle-ci permettrait
à une entreprise étrangère implantée en France
d’appliquer la législation de son pays d’origine. Cela
signifierait donc une mise en concurrence gravissime des
travailleurs des services. Elle mettrait aussi en cause le
droit social, le service public, la Fonction publique. Dans
l’état actuel du droit français, cette directive est illégale.
En effet, aujourd’hui les lois sociales françaises
s’appliquent à toute personne ou entreprise agissant sur le
territoire de la République, quel que soit son pays
d’origine. La France devrait s’opposer à l’adoption de
cette directive. Sous la pression des luttes sociales et de la
progression du « Non » dans l’opinion, J. Chirac
a demandé son remaniement mais non sa suppression. En réalité,
les principes qui sous-tendent ce projet de directive ne
sont pas mis en cause. Principes qui seraient légalisés si
le projet de Constitution était adopté car le droit de l’Union
prime sur celui des Etats-membres (art. I-6), car elle établit
la libre circulation des services (art. I-4) ainsi que la
libre prestation des services (art. III-144) et enfin car
les Etats-membres doivent s’efforcer de procéder à la libéralisation
des services (art. III-148).
C’est
pourquoi les promoteurs de la directive, soutenus par les
commissaires français de droite et socialiste, attendent avec
impatience un vote « oui » au projet de
Constitution.
La
mise en cause des services publics de santé.
Avec
la notion de SIEG, les services de santé pourraient être
assumés par des opérateurs privés (assureurs, cliniques
privées etc.). Ainsi, cela favoriserait la privatisation du
service public hospitalier voire de l’ensemble du service de
protection sociale et de santé.
L’accélération
de la mise en concurrence des services et des entreprises
publiques et de leur privatisation.
En
sacralisant la concurrence libre et non faussée et en fixant
comme objectif la libéralisation des services (art. III-144),
le projet de Constitution donnera une ampleur beaucoup plus
importante aux déréglementations et aux privatisations.
C’est le cas aujourd’hui avec l’énergie, le
gouvernement Raffarin souhaitant privatiser rapidement Edf et
Gdf. En effet, il consacre le principe de concurrence entre opérateurs.
Ces méthodes ont conduit à des graves échecs comme avec
France Télécom, les chemins de fer anglais, l’électricité
en Espagne. Et à chaque fois qu’une entreprise privée a du
assumer des missions de service public, ces missions ont été
mises en cause comme on le constate plus que jamais avec les
groupes monopolistes de l’eau qui rançonnent les usagers
pour réaliser des opérations financières gigantesques alors
que la fourniture d’une eau de qualité pour tous, à un
prix raisonnable n’est plus assurée. Les financements
publics seraient extrêmement limités. Ils ne sont reconnus
que dans le domaine des transports avec là aussi leur
limitation au remboursement de certaines servitudes (art.
III-238). Enfin, le financement par création monétaire des dépenses
publiques est interdit (art. III-181, III-183-1).
Les
partisans du « oui » parlent de progrès, débattons-en !
Est-ce
un progrès pour la protection sociale, le droit à la santé,
le droit à la retraite, le droit au logement ?
Le
texte n’évoque qu’un droit d’accès aux prestations et
services sociaux (art. II-94-1). Il ne figure pas de droit
explicite à un revenu minimum ou de droit au logement mais
une simple liberté d’accéder à une aide sociale et à une
aide au logement (art. II-94-3). A aucun moment le droit à la
retraite n’est évoqué. En ce qui concerne la santé, seul
l’accès à la prévention et à des soins médicaux est
mentionné (art. II-95). C’est un recul par rapport à la
Constitution française qui « garantit à tous [...] la
protection de la santé, la sécurité matérielle[...] le
droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables
d’existence » en cas d’incapacité de travailler
(art. 11 du préambule de la Constitution française) à la
déclaration universelle des Droits de l’homme qui reconnaît
le droit à la « sécurité en cas de chômage, de
maladie, d’invalidité, de veuvage... » (art.25) et à
la Charte Sociale de Turin qui établit que « tout
travailleur ...a droit à la sécurité sociale ».
Existe-t-il
un progrès de l’harmonisation sociale ?
Ainsi
la Charte des droits fondamentaux est limitée du point de vue
de la protection sociale et dans ce domaine, comme dans les
autres, elle ne crée aucune compétence et aucune obligation
(art. II-111) pour l’Union européenne. Quant à
l’harmonisation des systèmes sociaux, elle est laissée
d’abord au fonctionnement du marché intérieur (art.
III-209), c’est-à-dire la mise en concurrence déchaînée
des systèmes sociaux dans le but de baisser les coûts
salariaux. En fait, c’est l’interdiction de toute lutte
anti-dumping social puisqu’il n’existe aucun article
mettant en place une clause de non-régression sociale.
Le
financement public des services sociaux est-il possible ?
Les
réformes des services sociaux ne doivent à aucun moment
compromettre l’équilibre financier du système de sécurité
sociale d’un pays (art. III-210-5-a). En fait, c’est la
traduction pour le système de protection sociale, des normes
de rationnement des dépenses publiques et sociales figurant
dans le Pacte de Stabilité. Pourtant, c’est la recherche
obsessionnelle du plus bas coût des services sociaux, avec
leur mise en concurrence, qui entraîne la relance incessante
de leur insuffisance. Au contraire, une qualité supérieure
de ces services permettrait une efficacité de leurs apports
et, finalement, des économies réelles par rapport à de
meilleurs résultats.
Est-ce
un progrès pour les droits des femmes ?
La
Charte des droits fondamentaux porte une conception régressive
des droits des femmes. Certes, le projet de Constitution
reconnaît formellement l’égalité entre les hommes et les
femmes (art. II-83). Mais, à la différence de la concurrence
libre et non faussée, le texte ne garantit pas cette égalité
ni ne définit d’objectifs concrets pour l’atteindre. De
plus, cette égalité semble encore plus illusoire quant la
conciliation entre vie professionnelle et vie familiale est
laissée aux seules femmes (art. II-93). D’un point de vue
pratique, ce texte pourrait être l’occasion de reculs
inquiétants. Ainsi, le texte retient la formulation de droit
à la vie pour toute personne (art. II-62) sans que soit fait,
à aucun moment, référence au droit pour les femmes de
disposer librement de leur corps ou aux droits à
l’avortement, à la contraception. Dans le pire des cas, la
reconnaissance du droit à la vie sans mention du droit à
l’avortement pourrait permettre aux Églises de mettre en
cause le droit à l’IVG comme elles l’ont déjà fait en
Pologne. Et même si cette tentative était mise en échec,
les Polonaises, Maltaises, Portugaises et Irlandaises
resteraient privées encore longtemps du droit à disposer de
leur corps. Le droit au mariage est reconnu (art. II-69) mais
pas celui au divorce. Les formes d’union hors mariage ne
sont pas reconnues. Elles ne bénéficient donc pas d’une
sécurité juridique.
L’
Alternative à la concurrence sauvage : développer les
services publics et les coopérations
Nous
visons une tout autre ambition pour l’Europe : Celle
d’une communauté de partage, au service du développement
des capacités de chaque personne, pour sécuriser et promouvoir
chaque moment de sa vie ; une communauté qui
permettrait un développement culturel maximum de chacun-e en
liaison avec les potentialités des technologies informationnelles,
pour une nouvelle civilisation. Celle-ci reconnaîtrait le
droit à une protection sociale étendue et développée pour
tous ainsi que le droit effectif à la retraite et à la santé.
Pour cela, il faut organiser des coopérations ambitieuses,
multiples et intimes, afin de développer les biens communs
de l’humanité. Dans l’Union européenne que nous voulons,
l’idée de service public ne servirait plus à caractériser
des « exceptions au marché », mais des
institutions modernes et coopérantes permettant, au
contraire, de commencer à dépasser sa domination.
Avec
une nouvelle expansion des institutions publiques et sociales,
les services non marchands (hôpitaux, écoles..), loin d’être
sous la pression de la marchandisation et de la privatisation,
fonctionneraient dans un but d’efficacité sociale, avec non
seulement des principes d’égalité d’accès et de péréquation,
mais aussi une transformation fondamentale permettant de
sortir de toutes les inégalités effectives exacerbées et de
répondre aux besoins d’épanouissement de chaque personnalité.
Cela requiert la pleine participation de leurs salariés et de
leurs usagers à la définition, la réalisation et l’évaluation
des missions. Ces services seraient connectés, jusqu’au
niveau européen, dans de vastes réseaux non marchands voués
au développement de chaque personne, là-même où elle
entend vivre avec les siens, grâce au partage des savoirs,
des compétences, du coût et de l’utilisation des
recherches et des équipements.
Au-delà
des missions traditionnelles de service public à revivifier,
les services marchands (électricité, gaz, transports....)
seraient adossés à des entreprises publiques assumant une
nouvelle mission d’intérêt commun de sécurisation et de
promotion de l’emploi et de la formation, de recherche. Leur
gestion, démocratisée, les conduirait à coopérer pour
assurer une responsabilité sociale, territoriale et environnementale
avec de nouveaux critères de décision et l’intervention
des salariés et des usagers jusque dans leurs choix les plus
stratégiques. Un nouveau type de financement leur
permettrait de s’émanciper du marché financier grâce à
l’accès à un crédit bancaire privilégié et sélectif épaulant
leur mission de sécurisation de l’emploi. Leurs coopérations
intimes, en France et en Europe, les amèneraient à
constituer des réseaux pour le partage des coûts et résultats
des recherches, l’essor des qualifications, des
co-productions nouvelles développant et modernisant les filières
industrielles et de services. Elles entraîneraient ainsi le
secteur privé vers de nouvelles coopérations et des choix
d’efficacité sociale.
Un
autre rôle de la BCE pour mettre les financements au service
du progrès social et solidaire
Ce
que dit le projet de Traité Constitutionnel
Encouragement
aux exportations de capitaux, aux délocalisations et
interdiction de la « Taxe Tobin ».
Le
projet de Constitution incite les institutions européennes
à réaliser l’objectif de libre-circulation des capitaux
entre Etats-membres et pays tiers (art. III-157-2) et il
interdit les restrictions tant aux mouvements de capitaux
qu’aux paiements entre les Etats-membres et entre
Etats-membres et pays tiers (art. III-156).
C’est
un encouragement délibéré à la fuite des capitaux hors
d’Europe pratiquée par les grands groupes et les
institutions financières avec les placements financiers,
les délocalisations, les rachats d’entreprises etc. C’est
une interdiction de fait d’une taxation des capitaux de type
Tobin.
Indépendance
de la BCE vis-à-vis des citoyens, des élus. Euro pour les
placements financiers contre l’emploi.
Une
foule d’articles sacralisent la BCE telle que l’a conçue
le traité de Maastricht voulant cadenasser ses orientations
actuelles et même les aggraver (art. I-34 ; III185 et
suivants, ainsi que ceux concernant les différentes
politiques de l’Union européenne, protocoles annexés).
Elle
est indépendante du débat démocratique, des citoyens et des
forces sociales, politiques nationales et européennes (art.
III188) mais elle est très sensible aux exigences des marchés
financiers.
Elle
a un objectif primordial, la stabilité des prix (art.
III-185-1) sans mission pour l’emploi, la formation, la
recherche, la croissance et cet objectif déclaré devient
celui de l’Union elle-même (protocole sur les statuts de la
BCE).
Elle
pilote le Système européen de banques centrales (SEBC).
Celui-ci intègre sans les faire disparaître les banques
centrales nationales. Il monopolise le pouvoir d’orientation
sur le crédit des banques en Europe (art. III-185-2).
Elle
doit être consultée (ou elle peut se saisir elle-même) sur
toute décision qui pourrait mettre en cause sa mission
primordiale (art. III-185-4 et III-190) y compris les
politiques sociales, salariales, d’emploi etc...
La
révision des statuts de la BCE n’est possible que sur
proposition de la Commission européenne ou de la BCE elle-même
et après sa consultation (art. III-187-3 et III-187-4).
En
fait, rien ne doit venir gêner la mission principale de la
BCE c’est-à-dire la défense d’un euro « fort »
pour le marché financier (sous couvert de lutte contre
l’inflation). Le Pacte de stabilité (art. III-184-1 et
184-2) fait pression contre les dépenses publiques, les déficits
budgétaires et les emprunts publics. Il empêche le soutien
de la dépense publique par la création monétaire. Cette
politique joue contre l’emploi et la croissance réelle en
favorisant la domination des marchés financiers et les
rendements financiers élevés pour les capitaux.
Les
dispositions sur la BCE dans le projet de Constitution
renforcent les orientations actuelles de la politique monétaire
favorisant les placements financiers. Elles s’opposent aux
mesures qui pourraient mettre en cause cette orientation alors
que cela entraîne la croissance plus faible et le chômage
plus fort de ce côté de l’Atlantique.
L’impact
sur la vie de chacun(e)
Le
redoublement des difficultés de l’emploi, du chômage et de
la précarité par l’encouragement aux placements financiers
et aux exportations de capitaux.
La
BCE et le Pacte de stabilité sont conçus pour réduire les dépenses
publiques, sociales et salariales et pour accroître les prélèvements
financiers sur les richesses produites.
La
construction monétaire favorise les sorties massives de
capitaux. Depuis la mise en place de l’euro, en 1999, les
sorties nettes de capitaux (investissements directs et
investissements de portefeuille) ont été de 156 milliards
d’euros essentiellement vers les États-Unis soutenant
ainsi le dollar, leur croissance et leurs déficits contre la
croissance et l’emploi en Europe.
Cette
politique encourage les placements sur les marchés financiers
(OPA, fusion-acquisition, rachat d’actions etc.). Par
exemple, en France, en 2003, les entreprises non financières
ont pu disposer de 458 milliards d’euros de ressources
nouvelles, c’est-à-dire 1,8 fois le budget de l’État.
Plus de la moitié de ces ressources, 51 %, ont été utilisées
pour payer les intérêts aux banques, verser les dividendes
aux actionnaires, réaliser des placements financiers. Début
2005, alors que la croissance chutait, les profits des groupes
de l’Eurostoxx 50 (le principal indice boursier européen)
augmentaient de 35%.
Cette
politique se fait contre l’emploi. Les groupes peuvent accéder
à un argent peu cher pour financer leurs opérations financières
et leurs restructurations accompagnées de licenciements.
Par exemple, pour le rachat d’Aventis, Sanofi a pu bénéficier
de 16 milliards d’euros de crédits à un taux d’intérêt
très faible légèrement supérieur à 2%. Par contre, le crédit
est très cher pour les investissements des PME. Leurs taux
d’intérêt sont entre 6 et 8%. Cela entraîne des difficultés
pour les créations d’emplois. D’une façon générale les
charges financières élevées favorisent la recherche de bas
coûts salariaux, les suppressions d’emplois et les délocalisations.
Au total, le crédit de la zone euro alimente les sorties de
capitaux, la hausse des cours des titres financiers et
l’inflation immobilière au lieu de financer la croissance
et l’emploi.
Les
partisans du « oui » parlent de progrès, débattons-en !
La
logique du Pacte de Stabilité maintenue coûte que coûte.
Le
Pacte de stabilité est un échec officiel : 4 États sur
12 sont en permanence en dehors des critères du Pacte, le
rationnement des dépenses publiques a un effet dépressif
sur la croissance de toute la zone. Le fiasco est tel que R.
Prodi avait estimé que ce Pacte était « stupide ».
Lors
du Conseil européen de Bruxelles en mars 2005, les dirigeants
de l’Union ont décidé « d’assouplir » le
fonctionnement du Pacte de stabilité mais sans abandonner ses
objectifs essentiels. Selon J. Chirac lui-même « la règle
des 3% [de Pib pour le déficit public] reste d’actualité.
Elle s’impose. La règle de 60% [de Pib pour la dette
publique] est également maintenue ». Et le Conseil
européen a réaffirmé que ces « deux ancrages nominaux
[...] restent la clé de voûte de la surveillance multilatérale ».
D’ailleurs France et Allemagne se sont engagées à réduire
le déficit en dessous de 3% dès 2005. Plus encore, il est réaffirmé
que les États doivent viser un déficit zéro, se privant
ainsi des moyens d’investir dans des dépenses utiles. De
nouvelles mesures de surveillance pour le respect de ces règles
ont même été décidées.
Bien
évidemment, il n’a pas été question de la BCE et de sa
politique déflationniste au service d’un euro au taux de
change élevé pour attirer les capitaux financiers. En fait,
à Bruxelles, les dirigeants ont bougé certains éléments du
Pacte afin que rien, surtout rien, ne change, surtout pas
l’orientation de la BCE.
N’oublions
pas qu’en 1997, ce Pacte a été conçu, à l’initiative
de J. Chirac et L. Jospin, pour protéger l’euro de toute
pression inflationniste et, en définitive la BCE de toute
demande de soutien de la dépense publique et sociale par la
création monétaire.
La
pression est donc maintenue pour, vaille que vaille, sabrer
les dépenses de santé, d’éducation, de recherche,
d’emploi etc. C’est dans ce cadre que l’Allemagne et la
France ont vu leur croissance s’effondrer tout en continuant
à afficher des déficits publics supérieurs à 3% du Pib.
L’euro-groupe
créé pour protéger la BCE et non pas pour lui faire
contrepoids.
Les
tenants du « oui » prétendent que la création de
l’euro-groupe (art.III-194 et protocole annexé)
permettrait, aux dirigeants politiques de regagner du
pouvoir sur la BCE. Cet euro-groupe serait placé sous
l’autorité d’un président élu pour deux ans et demi à
la majorité. Il serait chargé d’assurer la coordination
des politiques économiques de la zone euro.
Toutefois,
cette « coordination » n’aurait rien d’une
reconquête de pouvoir sur la BCE puisqu’elle devrait se réaliser
dans le sens d’un strict respect des objectifs de la BCE. Il
s’agit notamment de « renforcer la coordination et la
surveillance de leur discipline budgétaire » (art.
III-194-1-a). En réalité, le but de cette institution serait
de coopérer pour que rien ne vienne mettre en cause la
politique monétaire de la BCE au service des marchés
financiers.
L’euro
ne nous protège pas de l’instabilité monétaire.
Les
promoteurs de l’euro, outre la promesse du « plein-emploi »
et d’une croissance forte, avaient justifié la monnaie
unique car celle-ci permettrait la stabilité monétaire. Las,
en 6 ans d’existence, le taux de change de l’euro a
tellement fluctué qu’il est à l’origine, avec le dollar,
d’une véritable instabilité monétaire mondiale. Depuis
1999, le taux de change de l’euro face au dollar a d’abord
chuté de plus de 25% pour remonter ensuite de près de 60%.
Cette montée spéculative de l’euro face au dollar
contribue à la faiblesse de la croissance européenne.
La
politique monétaire favorise les délocalisations.
L’orientation
actuelle de l’euro accroît gravement les difficultés. En
effet, pour répondre aux exigences d’un euro attractif pour
les capitaux financiers et donc aux injonctions de la BCE, les
Etats-membres cherchent à diminuer les dépenses sociales et
salariales. Ils tentent de transformer l’espace européen en
zone de bas coûts salariaux. Ils rationnent les dépenses
collectives pour l’éducation, la recherche, la santé, la
culture, avec une mise en concurrence féroce des travailleurs
et des coûts salariaux.
La
Commissaire à la politique régionale, Danuta Hubner, l’a
très bien expliquée dans une interview à La Tribune. Selon
elle, « prévenir les délocalisations, les stopper par
des règles artificielles travaillerait (...) contre la compétitivité
des entreprises. Ce que nous devons faire, au contraire
c’est faciliter les délocalisations au sein de l’Union.
Ainsi les [groupes européens] seront globalement plus forts
car ils pourront abaisser les coûts ».
D’un
côté, cette politique met l’Union en difficulté face aux
États-Unis sur les hautes technologies, car celles-ci requièrent
des salariés qualifiés, bien payés et des dépenses sans
cesse accrues en matière d’éducation et de formation, de
recherche, de culture, de santé. D’un autre côté, ce
rationnement perpétuel sur les salaires et le social sera
toujours insuffisant face aux très bas coûts des pays émergents.
L’
Alternative aux marchés financiers : de nouveaux moyens
financiers et une nouvelle création monétaire, pour une
Europe active et créative
Mise
en cause radicale du Pacte de Stabilité et contrôle démocratique
de tous les fonds publics pour l’efficacité sociale.
Dans
l’Europe que nous voulons, le carcan budgétaire du Pacte de
stabilité serait complètement remis en cause. On exclurait
d’abord de l’évaluation des déficits publics à maîtriser
les dépenses d’infrastructures et de recherche, celles d’éducation,
de santé et de culture, ainsi que celles qui concernent
l’emploi. Mais il y aurait aussi une souplesse des déficits
et surtout une expansion des dépenses publiques utiles
soutenues par la BCE et s’opposant à l’inflation par la
contribution à la production de richesses sociales. Un contrôle
démocratique de l’efficacité des dépenses publiques
serait instauré. Cela concernerait notamment les fonds
publics versés aux entreprises pour vérifier leur efficacité
du point de vue de l’emploi avec, en cas contraire, des
remboursements. Ainsi, il s’agirait de construire un véritable
Pacte pour l’emploi, la formation, les nouvelles
technologies alliées au progrès social.
L’emploi,
la formation, la recherche, les progrès de la société :
mission primordiale de la BCE.
Dans
l’Europe que nous voulons, la Banque centrale aurait un
autre rôle. D’une part, par création monétaire nouvelle,
elle soutiendrait une relance concertée des dépenses
publiques de développement dans chaque pays, achetant des
titres d’emprunts publics affectés aux besoins de développement
humain. D’autre part, les banques qui accordent des crédits
à moyen ou long terme aux entreprises pour financer leurs
investissements matériels et de recherche pourraient « refinancer »
ces crédits auprès de la BCE. Celle-ci pratiquerait pour
ces opérations des taux d’intérêt d’autant plus réduits
que seraient programmés plus d’emplois et de formations,
en coopération. Ce n’est pas de l’utopie : la BCE et
les banques centrales nationales disposent de tous les moyens
techniques pour le faire, et elles viennent de renforcer ces
moyens en généralisant à l’ensemble de la zone euro le
« refinancement » des crédits aux entreprises,
jusque-là limité, pour l’essentiel, à la France.
C’est
une toute autre logique qui orienterait la politique monétaire
et de crédit : le loyer de l’argent que la BCE prête
aux banques serait relevé pour les crédits servant à
financer des opérations financières ou spéculatives ;
au contraire, le loyer de l’argent, serait d’autant plus
abaissé que les crédits ser viraient à financer des
investissements programmant plus de créations d’emplois
et de formation. Cette modulation permettrait d’influencer
le comportement des entreprises, des banques.
Tout
de suite, en France, on peut œuvrer dans ce sens en imposant
la création de Fonds régionaux pour l’emploi et la formation.
Alimentés, pour commencer, par le budget de chaque conseil régional,
ils prendraient en charge tout ou partie des intérêts
des crédits accordés par les banques aux entreprises pour
financer leurs investissements, en fonction des créations
d’emplois et des mises en formation programmées. Ces
Fonds régionaux, ouverts aux propositions des salariés, des
citoyens, des élus constitueraient la base pour lancer un
Fonds national décentralisé pour l’emploi et la formation.
Agissant de concert avec ces fonds régionaux, un pôle
financier public et socialisé, constitué de la Caisse des dépôts,
des Caisses d’épargne, de la Poste, de l’ANVAR, de la
BDPME, des banques mutualistes..., contribuerait à la
nouvelle grande mission de service public du crédit pour sécuriser
et promouvoir l’emploi et la formation.
Tout
cela permettrait de peser fortement pour infléchir les
orientations actuelles de la BCE et de la zone euro, en convergeant
avec les avancées imposées par les luttes en ce sens dans
les autres pays de l’Union européenne.
En
liaison avec le vote « non », c’est donc aussi
à partir des initiatives de terrain des salariés, des
citoyens pour l’emploi, la formation, la croissance réelle
que grandirait la pression pour changer enfin
l’orientation de la BCE.
Construire
une démocratie participative et d’intervention du local au
national et à l’Europe
Ce
que dit le projet de Traité Constitutionnel
La
souveraineté populaire bafouée.
Le
projet de Constitution est un véritable coup de force contre
les souverainetés populaires. En effet, le texte stipule :
la Constitution et le droit adoptés par les institutions de
l’Union ont la primauté sur le droit des Etats-membres
(article I-6).
Dans
les domaines où l’Union aurait une compétence exclusive
(union douanière, concurrence sur le marché intérieur,
politique monétaire, politique commerciale, conservation
des ressources biologiques de la mer) elle aurait, seule, le
droit de légiférer. Ainsi, par exemple, les parlements
nationaux n’auraient plus rien à dire sur les accords
commerciaux internationaux comme l’ACGS. Le président du
Conseil constitutionnel précise dans ses vœux à J.Chirac
que cette supériorité vaut aussi sur les Constitutions
nationales. Elle concerne aussi les domaines qui restent théoriquement
de la compétence des États : à de nombreuses
reprises le texte oblige les États membres à respecter les
objectifs de l’Union. L’article I-5 notamment décrète
que les Etats-membres facilitent l’accomplissement par l’Union
de sa mission et s’abstiennent de toute mesure susceptible
de mettre en péril la réalisation des objectifs de
l’Union. On retrouve aussi cette obligation dans le chapitre
militaire. Par conséquent si ce projet était adopté,
l’ensemble des institutions nationales politiques, économiques
et judiciaires seraient subordonnées aux institutions européennes.
Une
impossible révision.
Conçu
pour être appliqué pour une durée illimitée (art. IV-446)
il serait extrêmement difficile, -pour ne pas dire
impossible- de le modifier une fois adopté. Il faudra en
effet la triple unanimité d’une convention, des
Etats-membres, des ratifications de chaque Etat-membre pour
valider tout projet de révision (art. IV-443, IV-444 et
IV-445). A chaque étape du processus de révision, il faudra
obtenir la ratification de l’ensemble des nations, par voie
parlementaire ou référendaire, soit 25 et bientôt 27 votes
favorables. Certes, une procédure simplifiée est prévue
(art. IV-445), mais elle reste soumise à un accord unanime de
tous les Etats-membres.
Un
monstre bureaucratique avec une Commission anti-démocratique.
Extrêmement
long et hermétique, ce projet ne se contente pas de dicter
des principes de vie commune, il va beaucoup plus loin en
cadrant avec précision les politiques économique, budgétaire,
monétaire, commerciale, mais aussi sociale et d’emploi.
Ce faisant, il introduit dans une Constitution les
orientations ultra-libérales imposées par les grands groupes
capitalistes. Il entend aussi faire pression sur le type de développement
culturel et de civilisation comme l’indiquent ses dispositions
sur les services publics et la concurrence déchaînée. Tous
les pouvoirs ( législatif, exécutif, judiciaire) sont
concentrés entre les mains du conseil des ministres et de la
Commission. Celle-ci monopolise le pouvoir d’ initiative
des lois (art. I-26) dont le parlement européen et les
parlements nationaux sont dépouillés.
Les
députés européens ne disposent d’aucun moyen réel de
contrôler et d’infléchir la politique de l’exécutif. Il
leur est seulement accordé, dans quelques domaines, un
pouvoir de « co-décision » d’autant plus encadré
que le parlement européen n’a pas le droit de révoquer un
commissaire. Il a une très faible possibilité de faire démissionner
la commission pour sanctionner sa politique. Le conseil des
ministres n’a aucune responsabilité à assumer devant lui.
Quant au droit de pétition citoyenne prévu par le projet de
traité (art. I-47-4), il n’aura aucune force contraignante.
La Commission n’est qu’invitée à décider, sans avoir à
se justifier, si la demande, qui doit être portée par un
million au moins de ressortissants d’un nombre significatif
États membres, mérite ou non d’être examinée. Au total
les États membres sont à la fois incités à se faire
concurrence et à dépendre d’une structure politique
commune de type fédéraliste, bureaucratique, hyper-délégataire,
favorisant les pressions sur les droits sociaux et les
exigences des actionnaires des grands groupes. Il s’agit en
un mot d’un conglomérat étatique renforçant la domination
des orientations libérales, au détriment de la démocratie
et de ses avancées nouvelles nécessaires avec de nouveaux
pouvoirs de participation et d’intervention des
travailleurs.
L’intrusion
de la religion consacrée dans la sphère publique et dans le
domaine politique.
Au-delà,
de la « liberté de religion » (art. II-70), le
projet de traité reconnaît une place très importante à
la religion dans la sphère publique : « liberté
de manifester sa religion [...] en public ou en privé, par le
culte, l’enseignement, les pratiques et l’accompagnement
des rites » (art. II-70). Les organisations religieuses
sont reconnues comme des partenaires privilégiés (art.
II-52). Le texte ne parle à aucun moment de la laïcité.
L’impact
sur la vie de chacun(e)
Domination
sur les salariés, les élus de terrain et les peuples.
Les
institutions européennes entendent contrôler et dominer les
décisions des États membres. Les textes y sont adoptés
dans la plus grande opacité : diplomatie secrète des
chefs d’État et de gouvernement, fonctionnement
confidentiel de la Commission, pressions des lobbies.
Par
exemple, c’est sur l’intervention conjointe de la
Commission et de la Cour européenne de justice que le travail
de nuit des femmes a été rendu possible en France alors
qu’il y était jusqu’alors interdit. La Commission exige
aussi que les pêcheurs bretons remboursent certaines aides reçues
après la catastrophe de l’Erika, jugeant qu’elles
« faussent la concurrence ». Ce sont les
institutions européennes qui ont encouragé la déréglementation
et/ou la privatisation de grands services publics comme EDF,
France Télécom et la SNCF.
C’est
aussi dans la plus grande discrétion que la Commission a fait
adopter une directive sur le transport, bientôt transposée
en France, aggravant les conditions de travail des chauffeurs
routiers. Après un premier échec, dû à la lutte des
dockers, la Commission veut à nouveau imposer la déréglementation
des activités portuaires.
L’affaire
de la directive Bolkestein est symptomatique. Elle organise en
grand le dumping social à l’échelle de l’Europe. Ce
n’est qu’au bout de quatre ans que les peuples ont pris
connaissance de ce funeste projet. Sans la campagne des
syndicalistes et des opposants à la Constitution il aurait été
adopté par le Parlement européen dès juin prochain.
La
Constitution fait de ces méthodes et des objectifs libéraux
la loi suprême pour 450 millions d’européens. Comment, par
exemple, dans ces conditions, re-nationaliser France Télécom
avec une Constitution qui expose les services publics à la
concurrence, interdit les aides aux entreprises publiques,
fait de la liberté d’entreprendre un « droit
fondamental » et ignore les dispositions du préambule
de notre Constitution relatives à la nationalisation des
entreprises monopolistiques ?
Les
partisans du « oui » parlent de progrès, débattons-en !
Les
pleins pouvoirs pour l’exécutif.
Les
« eurocrates » prétendent développer des
contre-pouvoirs avec de nouvelles prérogatives du Parlement
européen et un droit de pétition à l’initiative d’un
million de citoyens.
Certes,
sur le papier, le Parlement européen aurait des pouvoirs législatifs
accrus. Il exercerait, conjointement avec le Conseil européen
(CE), les fonctions législatives et budgétaires (co-décision).
Cependant, le Conseil Européen garderait le monopole du
pouvoir législatif en matière de fiscalité, de protection
sociale, de politique extérieure et de sécurité. La
Commission resterait la seule institution habilitée à
proposer les actes législatifs. Toute initiative de parlementaires
européens dépendrait en définitive du bon vouloir de la
Commission. Au total, les pouvoirs du Parlement européen
demeureraient étroitement encadrés tout particulièrement
face à la domination des marchés financiers et aux oukases
de la BCE.
Dans
le même temps, l’initiative des parlements nationaux
verrait sa disparition définitivement consacrée en matière
de politique monétaire et se trouverait enfermée dans un étroit
carcan en matière budgétaire avec la constitutionnalisation
du Pacte de stabilité pourtant si critiqué. Enfin rappelons
qu’en matière de politique et de protection sociales, l’Union
européenne s’en remet au marché et à la concurrence entre
États En réalité, tout concourt à consolider les pouvoirs
hyper fédéralistes d’une Banque Centrale européenne au
service des marchés financiers, avec une présidentialisation
techno-bureaucratique des institutions (Conseil plus
Commission). La Commission et le Conseil s’appuieraient
aussi, pour imposer leurs vues, sur la Cour de justice de l’Union
européenne. Celle-ci serait la gardienne de la Constitution,
aurait le droit de l’interpréter et de la faire appliquer
(art. I-29). Elle cumulerait donc les pouvoirs d’une Cour
de Cassation et ceux d’un Conseil Constitutionnel. Tous
les actes des États, y compris les actes législatifs, sont
placés sous la surveillance conjointe de la Commission et de
la Cour de justice par les articles III-360 et suivants. La
Cour serait chargée, tout particulièrement, de faire
respecter les prérogatives de la BCE contre l’intérêt
social ou national, (art. III-365-3 et III-373).
Confronté
à une telle forteresse, on entrevoit ce que pourra peser le
droit, pour tout citoyen, de pétition devant le Parlement
européen (art. II-104) ou encore la possibilité ouverte
(art. I-47-4) pour les citoyens d’inviter la Commission à
soumettre au débat une proposition appropriée, pour autant
qu’elle soit conforme à la Constitution...dès lors
qu’ils seraient au nombre d’un million, au moins,
ressortissant d’un nombre significatif d’Etats-membres.
L’Alternative
à l’hyper-fédéralisme : une démocratie
participative et d’intervention
L’Europe
que nous voulons : des pouvoirs pour les travailleurs et
les citoyens et de nouvelles coopérations.
Face
à la crise de la démocratie délégataire et à la perte
de confiance dans les dirigeants politiques, il faut viser
la conquête d’une démocratie participative et
d’intervention faisant toute la place aux libertés
d’initiatives locales et nationales et à une véritable
concertation européenne dans la transparence.
A
contrario, le projet constitutionnel prépare une régression
de la démocratie parlementaire avec une hyper-délégation à
la Commission et au Conseil. Il organise la mise sous camisole
de la liberté d’initiative nationale. Il consolide la
bureaucratie libérale et les gouvernements nationaux avec
une concurrence par le moins disant social pour tout ce qui ne
dépend pas de la Banque Centrale européenne hyper fédéraliste,
exonérée elle de tout contrôle politique.
Dans
une autre construction européenne de progrès, les nouveaux
pouvoirs locaux des travailleurs et des citoyens dans les
bassins d’emploi, les entreprises et services publics déboucheraient
sur leur participation aux conditions mêmes d’élaboration
de ces pouvoirs dans les lois et décisions adoptées aux différents
niveaux, jusqu’au niveau européen.
Un
système de décentralisation et de concertation des pouvoirs
serait instauré : décentralisation des pouvoirs
jusqu’à chacun-e au niveau local et concertation aux
niveaux régional, national et européen. Les libéraux
veulent diminuer les pouvoirs d’intervention sociale, de
protection et de promotion des salariés, des États membres,
tout en augmentant les incitations à la concurrence sociale
entre les peuples et le pouvoir étatique au service de la
finance. Il en va de même au niveau européen avec la réduction
des droits sociaux, la concurrence fiscale et sociale, au
lieu d’une harmonisation vers le haut. Notons que toute
avancée du fédéralisme conduirait au renforcement des
pouvoirs des grands groupes capitalistes. Comment prétendre
prôner la décentralisation en France et soutenir l’hyper
centralisme européen ?
Nous
voulons mettre en cause les délégations de pouvoirs
exacerbées, en instaurant de nouveaux droits des citoyens
et des travailleurs. Cela serait possible en réduisant les
pouvoirs des instances bureaucratiques, des actionnaires et le
rôle des profits financiers comme unique critère de gestion
des entreprises. L’Europe que nous voulons appelle plus précisément
la conquête de droits de propositions alternatives des
citoyens et des travailleurs en concertation, aux différents
niveaux jusqu’à celui des parlements européen et
nationaux. Nous voulons que la France et l’Europe oeuvrent
pour sécuriser l’emploi ou la formation pour tous avec
une expansion nouvelle des services publics et socialisés.
Les pouvoirs accrus des travailleurs concerneraient particulièrement
le rôle des comités d’entreprise ou d’établissement,
ainsi que des comités de groupes européens, avec des
pouvoirs étendus jusqu’aux décisions sur l’emploi, la
gestion et les financements. Il s’agirait aussi d’obtenir
de nouveaux pouvoirs des intéressés et de leurs
organisations dans les institutions sur l’emploi et la formation,
ainsi que pour des objectifs de créations d’emploi dans
les régions, comme dans les services publics socialisés ( éducation,
santé, culture, logement social..).
La
BCE, réorientée, serait placée sous le contrôle effectif
des parlements européen et nationaux. De concert avec les
Fonds régionaux et nationaux, elle aurait à créer la
monnaie pour soutenir les crédits bancaires nécessaires à
la réalisation d’objectifs chiffrés d’emplois et de
formations efficaces dans chaque région, dans chaque pays,
comme à l’échelle de toute l’Union européenne.
Tout
cela s’inscrirait dans la visée d’une véritable démocratie
participative et d’intervention avec des consultations déterminant
les décisions communes. Cela vise particulièrement une
refonte de la composition et des pouvoirs du Comité économique
et social européen, du Comité des régions, en liaison avec
un nouveau rôle démocratisé des parlements nationaux et du
parlement européen.
Au
niveau des gouvernements, les États demeureraient souverains
et coordonneraient leurs actions avec des décisions
prises à l’unanimité. Mais ils pourraient aussi agir à
quelques uns, sans être bloqués par l’unanimité, pour des
avancées sociales de quelques-uns uns. Ainsi, pourrait
prendre forme un nouveau type de construction confédérale
conjuguant liberté d’initiative nationale, responsabilités
partagées au niveau européen et pouvoirs des travailleurs
dans les entreprises et des citoyens dans les territoires.
Un
monde de paix, de démocratie participative internationale et
de co-développement de tous les peuples
Ce
que dit le projet de Traité Constitutionnel
L’Union
européenne conçue comme un promoteur zélé des règles de
l’OMC et de l’AGCS.
Le
texte s’inscrit dans les préceptes libéraux de l’Organisation
Mondiale du Commerce (art. III-309, III-325), notamment ceux
de l’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS) même
s’il y a la réserve de principe de possibles « mesures
de défense commerciale » (art. III-315-4) qui visent
tout particulièrement les pays du Sud ou émergents.
Ces
conceptions conduisent à la levée des quotas textiles menaçant
2,5 millions d’emplois en Europe, inspirent la directive
Bolkestein, ou le productivisme ravageur dans l’agriculture.
Europe
« forteresse » fermée aux peuples mais ouverte
aux capitaux.
L’Union
européenne tout en menant une politique de guerre économique
pour exporter et attirer les capitaux, contribue à aggraver
la concurrence entre les travailleurs du monde entier pour
abaisser le coût du travail.
D’une
part, L’union européenne se ferme aux entrées des
travailleurs du tiers-monde. De l’autre, elle laisse faire
les entrées clandestines dans des conditions déplorables à
l’opposé d’une organisation en concertation avec les pays
de départ, d’une maîtrise démocratique négociée des
flux migratoires. Il s’agit au contraire de rétablir l’égalité
des droits entre travailleurs européens et étrangers,
notamment du point de vue de la citoyenneté.
Ainsi,
le contrôle aux frontières de l’Union est renforcé (art.
III-257-2). La plupart des associations et ONG travaillant sur
les questions d’asile et d’immigration craignent que les
dispositions du projet de Constitution conduisent à une
moindre protection des réfugiés et des demandeurs d’asile,
avec à la clé le risque d’une remise en cause de la notion
même de droit d’asile telle que définie par la convention
de Genève de 1951. La mise en place d’un comité afin
d’assurer à l’intérieur de l’Union la promotion et le
renforcement de la coopération opérationnelle en matière de
sécurité intérieure (article III-261) peut conduire à
contourner les procédures de contrôle démocratique et
juridique.
Contrairement
à tous les textes internationaux, le projet de Constitution
ne comprend aucune disposition conservatoire permettant ou
incitant les États-membres à faire mieux que les normes
minimales définies à l’échelle européenne. Le
partenariat et la coopération avec les pays tiers pour gérer
le flux de personnes demandant l’asile (art. III-266-2-g)
peut conduire l’Union européenne et les États-membres à
se décharger de leur devoir de protection sur des pays tiers.
Cela inspire déjà la proposition italo-allemande de créer
des « camps » de réfugiés dans les pays de
transit pour « externaliser » les demandes
d’asile.
Le
système de domination du dollar, malgré la prétention
affichée de rivaliser avec lui, est au contraire renforcé.
La politique monétaire de la BCE de soutien au marché
financier la conduit à soutenir le dollar en achetant des
bons du Trésor américain. Elle favorise aussi les
exportations de capitaux en direction des États-Unis
Militarisme
et subordination à l’impérialisme américain.
C’est
une Europe « atlantiste » et contribuant à la
course aux armements au lieu de développer une culture de
la paix et de co-développement. En effet, en matière de
politique étrangère et de sécurité commune, l’Union
dispose d’une compétence totale (art. I-16-1) et les
Etats-membres doivent appuyer activement et sans réserve la
politique étrangère et de sécurité commune de l’Union
(art. I-16-2), laquelle sera conduite par le ministre des
affaires étrangères de l’UE (art. I-28).
En
ce qui concerne, la politique de défense, les États-membres
s’engagent à améliorer progressivement leurs capacités
militaires (art. I-41-3). Ceux qui sont les plus zélés dans
ce sens voient leurs efforts récompensés par la possibilité
d’instituer entre eux une coopération structurée
permanente (art. I-41-6, III-312). C’est l’allégeance
faite à l’OTAN comme le fondement de la défense collective
des États européens qui en sont membres (art. I-41-2). Et
le texte ouvre la porte à une utilisation très large des
moyens européens de défense avec la notion très vague et
extensive de recours aux forces de combat pour la gestion des
crises et contre toutes les règles internationales, le
droit de l’Union de combattre le terrorisme sur le
territoire de pays tiers (art. III-309-1).
L’impact
sur la vie de chacun(e)
Les
coopérations internationales pour le recul des grandes pandémies
et l’éradication de la famine seraient-elles encouragées ?
En
fondant l’ensemble des politiques économiques et sociales,
commerciales de l’Union sur les principes intangibles de
l’OMC et de l’AGCS, le texte pourrait mettre en cause les
accords de coopération bilatéraux visant, par exemple, à
la mise à disposition de médicaments génériques à bas
prix pour les pays en voie de développement. Et, en faisant
la promotion du productivisme dans l’agriculture (art.
III-227-1-a et e) et en donnant plus de pouvoirs aux centrales
d’achats dans le cadre du marché ouvert, c’est la mise en
concurrence des paysans du monde entier afin d’obtenir des
prix les plus bas possibles. Cela met en cause la sécurité
alimentaire en Europe et dans les pays sous-développés en
favorisant les cultures les plus rentables. Ainsi, c’est
avec de tels principes qu’une exploitation agricole
disparaît toutes les douze minutes dans l’Union européenne.
Or, tout au contraire, l’Union européenne pourrait agir
pour la démocratisation et l’extension des compétences et
des moyens d’institutions comme l’Organisation mondiale de
la Santé, du Programme des Nations Unies pour le Développement
afin de faire reculer les pressions et les blocages des
grandes puissances et des groupes multinationaux.
Avec
une telle Constitution, aurait-il été possible de
s’opposer à la guerre en Irak ?
La
subordination du droit français au droit européen prévu par
le projet de Constitution, l’obligation d’appuyer sans réserve
la politique étrangère et de défense de l’Union ainsi
que la possibilité ouverte d’intervenir militairement sur
le territoire de pays tiers auraient sans doute rendu très
difficile l’opposition à l’intervention militaire américaine
en Europe. Tout au contraire, l’Europe pourrait s’assigner
comme objectif le désarmement négocié et la construction
d’un droit international efficace avec une démocratisation
et de nouvelles compétences de l’ONU pour s’opposer aux
interventions unilatérales d’un État, notamment au plan
militaire.
Les
partisans du « oui » parlent de progrès, débattons-en !
« L’Europe
puissance » pour les dominations ou les coopérations ?
Les
promoteurs de ce texte prétendent construire une « Europe
puissance ». En fait, celle-ci est une véritable
passoire pour les capitaux financiers. Elle évolue dans le
champ clos de la guerre économique avec comme corollaire la
mise en cause des politiques de coopération avec les pays en
voie de développement (notamment les pays Afrique-Caraïbes-Pacifique
ou ACP). Elle soumet UE à la domination des États-Unis Or,
il ne s’agit pas de construire une « Europe puissance »
soit tentant de rivaliser avec la domination des États-Unis,
soit collaborant avec elle. L’Union européenne, à la fois
dominée par les États-Unis et dominatrice des pays du
tiers-monde, doit sortir de cette logique de domination pour
rechercher une alliance avec les pays en voie de développement
et émergents dans le but d’instaurer une autre construction
mondiale sans hégémonie, de co-développement planétaire de
tous les peuples.
Face
aux blocages des États-Unis, elle mènerait une politique de
rassemblement constructif pour un développement durable
contre tous les risques écologiques pesant sur la planète.
L’Alternative
à l’insécurité généralisée, à l’hégémonie de
puissances et à la guerre économique
L’Europe
que nous voulons oeuvrerait à la construction d’un monde de
co-développement, de désarmement, de coopérations avec
des institutions internationales profondément démocratisées.
Puissance pacifique et non alignée, elle contribuerait à sécuriser
la planète en promouvant l’essor d’une culture de paix en
oeuvrant pour le désarmement. Elle aiderait au progrès
social dans le monde entier, à la suppression de la misère
et au développement de toutes les capacités humaines en
coopération, sans élitisme ni exclusion. Son action
permettrait de réformer profondément l’ONU tout en démocratisant
et en élargissant les missions de cette institution
internationale.
Cette
Europe, nous ne la voulons pas inféodée aux États-Unis, ni
rivalisant avec eux pour dominer les peuples mais, au
contraire, se rapprochant des pays émergents pour une
construction pluraliste, vraiment multipolaire, du monde,
favorisant le partage des ressources et des pouvoirs. Dans
le strict respect de la nécessité, vitale pour eux, de
s’industrialiser pour le développement de toutes leurs
populations, et pas seulement au bénéfice d’une minorité,
l’Union européenne doit aider ces pays à s’émanciper
des pressions des marchés financiers poussant aux bas coûts
salariaux et à l’importation de capitaux dominateurs. Elle
doit favoriser la promotion de biens communs de l’humanité
depuis la culture et la santé jusqu’à l’eau, l’énergie,
en passant par l’éducation et le crédit. Elle doit
contribuer à l’éradication de la faim dans le monde.
Dans
ce but, il s’agit d’agir pour exiger de nouvelles coopérations
de co-développement. On recourrait à des aides publiques
européennes conditionnant des crédits qui favoriseraient
l’essor des productions nationales, des emplois et des
formations dans les pays aidés. Ceux-ci achèteraient les équipements
nécessaires aux pays européens dans le cadre de protocoles
très nouveaux de coopération impliquant une profonde réorientation
de la BCE et une autre utilisation de l’euro. Mais cela
viserait aussi une autre utilisation des réserves des banques
centrales des pays européens et émergents, faisant reculer
le rôle du dollar et le drainage des capitaux pour les bons
du Trésor américains. Cela permettrait de construire une
coopération monétaire nouvelle et un autre système
mondial avec un Fonds monétaire international (FMI) émancipé
de la domination du dollar.
Il
s’agit d’exiger que l’Union soit active pour la
promotion d’une mondialisation de co-développement émancipée
de la domination économique et financière, militaire et
culturelle des États-Unis
Au
niveau agricole et alimentaire, outre le retrait de la
production agricole des négociations de l’OMC, l’Union
européenne pourrait être à l’initiative pour établir des
contrats de coopérations avec les pays du Sud pour des développements
communs respectueux de la sécurité et de l’indépendance
alimentaires dans le but d’éliminer la faim du monde.
L’enjeu
serait particulièrement d’agir pour une transformation
radicale de l’OMC et, surtout, du FMI et de la Banque
mondiale en vue de la promotion d’une monnaie commune
mondiale de coopération. Conçue à partir d’une réforme
très profonde des droits de tirage spéciaux [1](DTS)
du FMI, cette monnaie nouvelle permettrait de faire reculer le
rôle hégémonique du dollar et de partager, à l’échelle
du monde entier, le pouvoir de création monétaire pour des
crédits contribuant à sécuriser l’emploi et la
formation de chaque être humain.
On
rechercherait la promotion des biens communs à toute
l’humanité gérés en coopération, comme ceux de la santé
et de la culture, mais aussi l’eau, l’énergie ou le cadre
écologique, pour une avancée fondamentale de la
civilisation.
[1]
Droits créés par le FMI, accordés à certaines banques
centrales d’obtenir des monnaies d’autres banques
centrales, comme si ces droits étaient un titre de monnaie
internationale. Les États-Unis ont toujours cherché à empêcher
son essor, craignant pour l’hégémonie mondiale du dollar.
La
Constitution européenne, un obstacle au développement des
activités économiques équitables et solidaires
1°
Cette Constitution prétend prescrire ce que doit être la
vie économique des peuples
Dès le préambule, le seul « destin commun » qui
leur soit autorisé est l’« économie sociale de marché ».
Cette expression, est contradictoire dans les termes. Cette économie-là
est proclamée « hautement compétitive » :
Les performances concurrentielles marchandes passent, de
droit, avant toute préoccupation sociale. A partir de
l’article III-181 le « social » disparaît de
l’économie. Il définit les principes que doivent respecter
les États : les principes de l’« économie de
marché ouverte où la concurrence est libre ». Il est
clair que les États auront pour fonction de s’assurer
qu’aucune activité, les activités solidaires y compris,
n’échappe à la loi de la « libre concurrence ».
Le texte attribue à la compétence exclusive de l’Union
l’établissement des « règles de concurrence nécessaires
au fonctionnement du marché intérieur », assorti de la
« politique monétaire », et de la « politique
commerciale commune ». (article I-13- §1). La
concurrence est ainsi un principe constitutionnel primordial
du projet euro-affairiste, du ressort direct de la Commission
européenne.
La « libre concurrence » conduit inéluctablement
à : des prix aux producteurs écrasés, des salaires
comprimés, des emplois élagués, des droits sociaux rognés,
des services publics disloqués, des capitaux dominants
concentrés, etc. Ces conditions, que la « mondialisation »
ne fait qu’aggraver, sont destructrices, tout particulièrement
pour les activités équitables et solidaires qui ont vocation
à rémunérer et respecter le travail. Or, la possibilité légale
d’un développement solidaire échappant à la concurrence
est une condition nécessaire à la survie d’activités hors
de la guerre marchande et financière. Ce n’est pas le
chemin pris avec ce projet de Constitution.
2°
Une Constitution qui pourrait mettre hors la loi les acteurs
d’une Économie et Commerce Équitable et Solidaire
Le projet de Constitution proposé au suffrage des Françaises
et des Français exclut très explicitement la possibilité
d’activités hors de la guerre marchande et financière.
Il stipule (article III-161) que sont « interdits, tous
accords entre entreprises, toutes décisions d’association
d’entreprises et toutes pratiques concertées »,
qui... « ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de
restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence », et
par exemple :
« fixer
de façon directe ou indirecte les prix d’achat ou de vente
ou d’autres conditions ». Seraient interdits des
accords (producteurs - consommateurs, producteurs d’une filière),
permettant une rémunération équitable de chaque travail,
(ex agricole), tout en satisfaisant les acheteurs, avec accord
sur les prix.
« limiter
ou contrôler la production, les débouchés.... ». Un
ensemble d’agriculteurs n’aurait pas le droit de passer un
accord de livraisons et d’achats avec un groupement
d’acheteurs volontaires.
« répartir
les marchés ou les sources d’approvisionnement ». _
Des collectivités locales et des producteurs n’auraient pas
le droit de passer un accord à long terme sur des bases équitables.
« subordonner
la conclusion de contrats à l’acceptation, par les
partenaires, de prestations supplémentaires qui..., n’ont
pas de lien avec l’objet de ces contrats ». Une
collectivité locale ou une coopérative n’auraient pas le
droit de demander que les travailleurs de leurs fournisseurs bénéficient
de rémunérations équitables et d’une sécurité
d’emploi satisfaisante.
Les accords ainsi conclus pourraient être déclarés « nuls
de plein droit ».
L’article (III-162) Interdiction des « pratiques
abusives » telles que le fait d’« exploiter de
façon abusive une position dominante », répète les mêmes
interdictions.
Des pratiques de solidarité (prix équitables concertés,
livraisons régulées en commun, conditions sociales et
solidaires) seraient cataloguées comme « exploitation
abusive de position dominante ». et assimilées aux
pratiques de la Grande Distribution.
Les « Monopoles » n’ont nullement besoin d’
« accords », d’ « associations », de
« pratiques concertées », les pressions du marché
et l’entente tacite suffisent à assurer leur position
dominante. Ils sont donc protégés.
Par contre l’économie équitable et solidaire a besoin de
transparence et de démocratie, de concertation et
d’association. Elle est menacée. Le même article assimile
ce qui est « équitable » à ce qui est
concurrentiel : C’est inacceptable.
Il
sera impossible d’échapper au couperet concurrentiel, le
texte précise qu’il s’impose à toutes les sociétés,
(article III-142) y compris les sociétés coopératives. Le
texte n’exclut que les sociétés « qui ne poursuivent
pas de but lucratif ». Sous le nom d’activités
« lucratives », est perpétué la désastreuse
confusion entre les sociétés qui rémunèrent des capitaux
extérieurs, et celles, coopératives ou solidaires, qui ne rétribuent
que le travail. Elles sont renvoyées d’office au champ de
bataille concurrentiel, dont seuls les groupes bénévoles
sont dispensés (formellement du moins) !
3°
Économie équitable et solidaire sous le régime de la
Constitution européenne ?
Les États pourraient-il, au nom de la politique de
l’emploi, prendre des mesures spéciales ? Pour éviter
tout écart, c’est l’Union (en fait, la Commission) qui gère
la politique de l’emploi (article I-145§2) en « définissant
les lignes directrices » de la politique des États Pas
d’échappatoire !
L’économie sociale, équitable et solidaire, pourrait-elle
compter sur un appui des collectivités locales ?
Les « entreprises » sont invitées à « exploiter
les possibilités du marché intérieur à la faveur,
notamment, de l’ouverture des marchés publics nationaux »
(article III-248, §2). Autant dire que les marchés publics
seront, dans les faits, réservés aux entreprises
concurrentielles capitalistes.
Les activités équitables et solidaires pourraient-elles être
considérées comme assumant une fonction d’intérêt général ?
Les entreprises publiques, et toutes les entreprises « chargées
de la gestion de services d’intérêt économique général »
seraient, d’après l’article III-166, §2, « soumises
aux règles de la concurrence », certes dans des
« limites » permettant l’accomplissement des
missions confiées. Mais c’est la Commission qui définira
ces limites et veillera à leur application » (article
III-166, §3)
Alors que le développement d’activités équitables
exigerait de larges initiatives, tout écart avec les
pratiques marchandes est d’avance corseté par des principes
contraires et une lointaine surveillance bureaucratique et
dogmatique.
L’économie équitable et solidaire pourrait-elle se développer
au titre de la protection sociale ?
Celle-ci est limitée (article III-209) à une protection
« adéquate » (autant dire : du vent !)
et tenant compte de la nécessité... de « maintenir la
compétitivité de l’économie de l’Union » !,
4°
Souhaits pour une Europe de Économie Équitable :
La mise en œuvre d’un dispositif de concertations entre
initiateurs d’activités économiques équitables et
solidaires pour la création, selon des procédures démocratiques,
de structures de coopération dans divers domaines :
Échanges
équitables,
Financement
solidaire et réciproque accepté par des institutions
bancaires rendues aux citoyens,
Financement
à conditions favorables de l’accès aux technologies
modernes pour les zones moins avancées,
Confrontation
des expériences en matière de gestion démocratique et
autogestionnaire et de gestion sociale,
Recherche
en économie équitable,
Échanges
en vue d’une de formation de personnels qualifiés échappant
au dogmatisme du tout marchand ;
Ces initiatives pourraient bénéficier de garanties
juridiques et de soutiens économiques et financiers,
notamment européens, en concertation avec des instances
renouvelées, réellement démocratiques.
Se
prononcer activement contre le projet de « traité
constitutionnel » contribuera à écarter le danger
d’une disparition de Économie et du Commerce équitable et
solidaire naissant face à l’euro affairisme.
Le
NON ouvre la possibilité de renégocier un nouveau traité
pour un modèle européen de progrès social et de coopération
Le
NON victorieux, cela ne sera pas la fin de l’Europe, ni
l’isolement de la France. Cela sera bien au contraire
l’ouverture d’avancées pour une autre Europe et un apport
créateur de la France à sa construction démocratique.
Si
le non l’emporte que se passera-t-il le 29 mai au soir ?
Et
bien, loin des discours catastrophistes tenus par certains,
cela ne sera ni le chaos, ni le statut quo.
Tout
d’abord une précision : juridiquement, le projet de
traité constitutionnel serait caduc. Mais, il n’y aura pas
de « trou noir » institutionnel.
Dans
la pratique, les vingt-cinq pays de l’Union européenne
continueront d’être liés par les différents traités dont
le Traité de Nice. Or, celui-ci n’est pas l’horreur que
certains peignent. Rappelons-nous, lors de la ratification,
Lionel Jospin, Jacques Chirac se félicitaient de cet
aggiornamento qui permettait d’ajuster les institutions de
l’Union à l’arrivée de dix nouveaux membres. Or, le
Traité de Nice continue de s’appliquer jusqu’en 2009.
C’est une période suffisante pour entamer une renégociation.
De la même manière, l’existence de l’euro ne serait pas
plus mise en cause. Bien sûr, la victoire du NON serait un énorme
événement politique en France et en Europe.
Que
se passerait-il le jour d’après ?
La
France serait-elle isolée ? Une renégociation
serait-elle impossible ?
Entendons
bien ce que disent les dirigeants des autres pays européens
comme G. Schröder : « L’Europe a besoin de la
France ». C’est donc que le vote des Français sera
pris en compte quel qu’il soit. En fait, cet argument de
l’isolement est assez étrange. Car après tout, le gouvernement
français était assez isolé de ces principaux alliés européens
quand il s’est opposé à l’intervention militaire américaine
en Irak. Par contre, il était totalement en phase avec l’écrasante
majorité de l’opinion publique en Italie, en Espagne, au
Royaume-Uni, en Pologne etc.
En
fait, le non français pourrait bien être une occasion
historique pour une majorité d’Européens de cesser la
fuite en avant dans le libéralisme. Comme le disait un ancien
secrétaire du Parti socialiste de Wallonie en Belgique, les
salariés européens espèrent beaucoup du vote des Français
car pour la plupart ils ne pourront pas se prononcer.
D’ailleurs, lors de l’euro manifestation à Bruxelles au
mois de mars 2005, l’aspiration majoritaire était bien le
ras-le-bol de l’Europe de la Finance et la volonté de
promouvoir une Europe sociale pour la promotion de l’emploi
et des services publics chez les syndicalistes allemands,
italiens, portugais, belges, espagnols etc.
Consultations
nationale et européenne pour renégocier en faveur d’un modèle
européen de progrès social.
Cette
campagne référendaire est déjà un moment important de
prises d’initiatives des salariés et des citoyens pour l’émergence
d’un nouveau modèle européen qui puisse contribuer à la
construction d’un monde pacifique, de coopérations et de
co-développement.
Un
« non » majoritaire au soir du 29 mai doit
permettre la construction d’un vaste rassemblement en France
et en Europe pour élaborer, à partir des aspirations et des
besoins des citoyens, des travailleurs, un nouveau Traité.
Il
mettrait au cœur du débat national et européen des
propositions concrètes en vue d’une ouverture pour une
autre construction européenne. Il est possible, dès le jour
d’après, par des initiatives en France (et avec un autre rôle
de notre pays), de faire converger de multiples forces
politiques, sociales et culturelles en France et en Europe,
pour ouvrir un processus de renégociation des traités de
l’Union pour des avancées profondes. En France, ces
nouvelles propositions pour un progrès social hardi et de
civilisation de l’Union pourraient être l’objet d’une
grande consultation nationale par exemple avec de véritables
Etats-Généraux pour une nouvelle construction et une Union
profondément démocratisée, articulés aux luttes pour une
alternative politique de transformation sociale profonde en
France.
Cela
se relierait à des initiatives pour de nouvelles
consultations et rassemblements des citoyens et travailleurs
de tous les pays de l’Union à l’appui d’une nouvelle négociation
enfin menée de façon démocratique. |