A
quelques mois du référendum sur la Constitution européenne,
les auteurs du rapport se défendent de faire campagne pour le
"non" mais leurs arguments vont en ce sens.
Ils
critiquent notamment la partie III de ce texte, qui détermine
le contenu de nombre de politiques publiques de l'UE.
"Ce
qui inquiète, dans le texte du traité constitutionnel européen,
c'est qu'en cristallisant le gouvernement économique de
l'Europe, il risque de léguer aux générations futures nos
crises en même temps que l'incapacité de les résoudre",
écrivent Jean-Paul Fitoussi, président de l'OFCE, et Jacques
Le Cacheux, directeur du département des études.
Ils
déplorent, avec les autres auteurs du rapport, une politique économique
"doctrinale" et l'absence de véritable gouvernement
politique européen, maîtrisant les instruments que sont le
budget, la monnaie et les taux d'intérêt.
Les
gouvernements nationaux sont sous tutelle d'institutions européennes
qui "n'ont pas de réelle légitimité démocratique"
et leurs dernières marges de manœuvre relèvent de "l'ingénierie
sociale", a dit Jean-Paul Fitoussi lors d'un point de
presse.
Ils
s'efforcent de régler par des réformes structurelles, désormais
"maître-mot des politiques nationales", les problèmes
"qu'ils ne peuvent pas régler autrement puisqu'ils n'ont
pas à leur disposition les instruments de la puissance".
"Mais
dans le contexte européen la réforme structurelle signifie en
réalité baisser les dépenses publiques et sociales", a
ajouté le président de l'OFCE, pour qui la conséquence est
notamment un accroissement des inégalités.
Pour
les experts de l'OFCE, une autre conséquence de la doctrine
actuelle de l'UE en matière de politique économique,
"inscrite dans le marbre" d'une Constitution qui ne
peut être modifiée qu'à l'unanimité, est de priver l'Union
et ses États membres de capacités de réaction aux chocs
conjoncturels.
"IMPUISSANCE
DANS L'ALIENATION"
Malgré
les orientations imposées aux Etats membres depuis le traité
de Maastricht, l'UE est le bloc de l'OCDE qui a les performances
"les plus médiocres", a rappelé Jean-Paul Fitoussi.
Le
traité constitutionnel marque certes un progrès en matière
d'organisation des pouvoirs - "Les États-Unis sauront à
qui téléphoner en cas de problème", a-t-il ironisé.
Mais
il consacre surtout l'"impuissance dans l'aliénation"
des États membres, estiment les auteurs du rapport. D'autant
plus que les élargissements successifs de l'Union ont accentué
le déséquilibre entre grands et petits pays au sein de l'UE,
ce qui accroît les risques de paralysie.
Jean-Paul
Fitoussi a ainsi souligné que l'UE n'avait pu adopter une taxe
commune sur les revenus des capitaux du seul fait du Luxembourg
- "300.000 habitants s'opposent à la volonté de 300
millions ; demain ce sera Chypre ou Malte !"
A
l'inverse, les autorités américaines utilisent massivement les
instruments de politique économique "dans toutes leurs
dimensions (...) puisqu'aux États-Unis, la doctrine ne
contraint pas le gouvernement", a rappelé le président de
l'OFCE.
Pour
les experts de l'Observatoire, la solution réside dans un
changement radical de perspective. "Constitution ou pas, le
problème demeure", a expliqué Jean-Paul Fitoussi.
"Il est urgent de changer le gouvernement économique de
l'Europe en en faisant un gouvernement politique (...) élu démocratiquement
sur un projet et ayant le contrôle des instruments économiques."
A
court terme, il prône trois "réformes simples" :
-
réformer le pacte de stabilité européen afin de sortir les
investissements publics du calcul des déficits ;
-
donner au Parlement européen le pouvoir de déterminer
l'objectif d'inflation au sein de la zone euro, à charge pour
la BCE de mettre en oeuvre les politiques nécessaires ;
-
donner au Conseil européen le pouvoir de déterminer la
politique de la concurrence au sein de l'UE, afin de favoriser
une véritable politique industrielle.