Traité constitutionnel européen

Ce qu'en dit l'OFCE...

http://www.ofce.sciences-po.fr/article.php?ref=reuters02-02-05


Le traité constitutionnel européen ne permettra pas de résoudre les problèmes économiques de l'Europe, bien au contraire, estime l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) dans un rapport sur "l'État de l'Union européenne"
Reuters, 2 février 2005

A quelques mois du référendum sur la Constitution européenne, les auteurs du rapport se défendent de faire campagne pour le "non" mais leurs arguments vont en ce sens.

Ils critiquent notamment la partie III de ce texte, qui détermine le contenu de nombre de politiques publiques de l'UE.

"Ce qui inquiète, dans le texte du traité constitutionnel européen, c'est qu'en cristallisant le gouvernement économique de l'Europe, il risque de léguer aux générations futures nos crises en même temps que l'incapacité de les résoudre", écrivent Jean-Paul Fitoussi, président de l'OFCE, et Jacques Le Cacheux, directeur du département des études.

Ils déplorent, avec les autres auteurs du rapport, une politique économique "doctrinale" et l'absence de véritable gouvernement politique européen, maîtrisant les instruments que sont le budget, la monnaie et les taux d'intérêt.

Les gouvernements nationaux sont sous tutelle d'institutions européennes qui "n'ont pas de réelle légitimité démocratique" et leurs dernières marges de manœuvre relèvent de "l'ingénierie sociale", a dit Jean-Paul Fitoussi lors d'un point de presse.

Ils s'efforcent de régler par des réformes structurelles, désormais "maître-mot des politiques nationales", les problèmes "qu'ils ne peuvent pas régler autrement puisqu'ils n'ont pas à leur disposition les instruments de la puissance".

"Mais dans le contexte européen la réforme structurelle signifie en réalité baisser les dépenses publiques et sociales", a ajouté le président de l'OFCE, pour qui la conséquence est notamment un accroissement des inégalités.

Pour les experts de l'OFCE, une autre conséquence de la doctrine actuelle de l'UE en matière de politique économique, "inscrite dans le marbre" d'une Constitution qui ne peut être modifiée qu'à l'unanimité, est de priver l'Union et ses États membres de capacités de réaction aux chocs conjoncturels.

"IMPUISSANCE DANS L'ALIENATION"

Malgré les orientations imposées aux Etats membres depuis le traité de Maastricht, l'UE est le bloc de l'OCDE qui a les performances "les plus médiocres", a rappelé Jean-Paul Fitoussi.

Le traité constitutionnel marque certes un progrès en matière d'organisation des pouvoirs - "Les États-Unis sauront à qui téléphoner en cas de problème", a-t-il ironisé.

Mais il consacre surtout l'"impuissance dans l'aliénation" des États membres, estiment les auteurs du rapport. D'autant plus que les élargissements successifs de l'Union ont accentué le déséquilibre entre grands et petits pays au sein de l'UE, ce qui accroît les risques de paralysie.

Jean-Paul Fitoussi a ainsi souligné que l'UE n'avait pu adopter une taxe commune sur les revenus des capitaux du seul fait du Luxembourg - "300.000 habitants s'opposent à la volonté de 300 millions ; demain ce sera Chypre ou Malte !"

A l'inverse, les autorités américaines utilisent massivement les instruments de politique économique "dans toutes leurs dimensions (...) puisqu'aux États-Unis, la doctrine ne contraint pas le gouvernement", a rappelé le président de l'OFCE.

Pour les experts de l'Observatoire, la solution réside dans un changement radical de perspective. "Constitution ou pas, le problème demeure", a expliqué Jean-Paul Fitoussi. "Il est urgent de changer le gouvernement économique de l'Europe en en faisant un gouvernement politique (...) élu démocratiquement sur un projet et ayant le contrôle des instruments économiques."

A court terme, il prône trois "réformes simples" :

- réformer le pacte de stabilité européen afin de sortir les investissements publics du calcul des déficits ;

- donner au Parlement européen le pouvoir de déterminer l'objectif d'inflation au sein de la zone euro, à charge pour la BCE de mettre en oeuvre les politiques nécessaires ;

- donner au Conseil européen le pouvoir de déterminer la politique de la concurrence au sein de l'UE, afin de favoriser une véritable politique industrielle.